Il y a en Europe trois fameux volcans, le mont Etna en Sicile, le mont Hécla en Islande, & le mont Vésuve en Italie près de Naples. Le mont Etna brûle depuis un temps immémorial, ses éruptions sont très-violentes, & les matières qu’il rejette si abondantes qu’on peut y creuser jusqu’à 68 pieds de profondeur, où l’on a trouvé des pavez de marbre & des vestiges d’une ancienne ville qui a été couverte & enterrée sous cette épaisseur de terre rejetée, de la même façon que la ville d’Héraclée a été couverte par les matières rejetées du Vésuve. Il s’est formé de nouvelles bouches de feu dans l’Etna en 1650, 1669 & en d’autres temps : on voit les flammes & les fumées de ce volcan depuis Malthe, qui en est à 60 lieues, il s’en élève continuellement de la fumée, & il y a des temps où cette montagne ardente vomit avec impétuosité des flammes & des matières de toute espèce. En 1537 il y eut une éruption de ce volcan qui causa un tremblement de terre dans toute la Sicile pendant douze jours, & qui renversa un très-grand nombre de maisons & d’édifices, il ne cessa que par l’ouverture d’une nouvelle bouche à feu qui brûla tout à cinq lieues aux environs de la montagne ; les cendres rejetées par le volcan étoient si abondantes & lancées avec tant de force, qu’elles furent portées jusqu’en Italie, & des vaisseaux qui étoient éloignez de la Sicile, en furent incommodez. Farelli décrit fort au long les embrasemens de cette montagne, dont il dit que le pied a 100 lieues de circuit. Ce volcan a maintenant deux bouches principales, l’une est plus étroite que l’autre ; ces deux ouvertures fument toûjours, mais on n’y voit jamais de feu que dans le temps des éruptions : on prétend qu’on a trouvé des pierres qu’il a lancées jusqu’à soixante mille pas. En 1683 il arriva un terrible tremblement en Sicile, causé par une violente éruption de ce volcan, il détruisit entièrement la ville de Catanéa & fit périr plus de 60 000 personnes dans cette ville seule, sans compter ceux qui périrent dans les autres villes & les villages voisins. L’Hécla lance ses feux à travers les glaces & les neiges d’une terre gelée ; ses éruptions sont cependant aussi violentes que celles de l’Etna & des autres volcans des pays méridionaux. Il jette beaucoup de cendres, des pierres ponces, & quelquefois, dit-on, de l’eau bouillante ; on ne peut pas habiter à six lieues de distance de ce volcan, & toute l’isle d’Islande est fort abondante en soufre. On peut voir l’Histoire des violentes éruptions de l’Hécla dans Dithmar Blessken. Le mont Vésuve, à ce que disent ls Historiens, n’a pas toûjours brûlé, & il n’a commencé que du temps du septième consulat de Tite Vespasien & de Flavius Domitien : le sommet s’étant ouvert, ce volcan rejeta d’abord des pierres & des rochers, & ensuite du feu & des flammes en si grande abondance, qu’elles brûlèrent deux villes voisines, & des fumées si épaisses, qu’elles obscurcissoient la lumière du soleil. Pline voulant considérer cet incendie de trop près, fut étouffé par la fumée. Voyez l’Épître de Pline le Jeune à Tacite. Dion Cassius rapporte que cette éruption du Vésuve fut si violente, qu’il jeta des cendres & des fumées sulphureuses en si grande quantité & avec tant de force, qu’elles furent portées jusqu’à Rome, & même au delà de la mer méditerranée en Afrique & en Égypte. L’une des deux villes qui fut couverte des matières rejetées par ce premier incendie du Vésuve, est celle d’Héraclée qu’on a retrouvée dans ces derniers temps à plus de 60 pieds de profondeur sous ces matières, dont la surface étoit devenue par la succession du temps, une terre labourable & cultivée. La relation de la découverte d’Héraclée est entre les mains de tout le monde, il seroit seulement à desirer que quelqu’un versé dans l’Histoire Naturelle & la Physique, prît la peine d’examiner les différentes matières qui composent cette épaisseur de terrein de 60 pieds ; qu’il fit en même temps attention à la disposition & à la situation de ces mêmes matières, aux altérations qu’elles ont produites ou souffertes elles-mêmes, à la direction qu’elles ont suivie, à la dureté qu’elles ont acquise, &c.
Il y a apparence que Naples est situé sur un terrein creux & rempli de minéraux brûlans, puisque le Vésuve & la Solfatare semblent avoir des communications intérieures ; car quand le Vésuve brûle, la Solfatare jette des flammes, & lorsqu’il cesse, la Solfatare cesse aussi. La ville de Naples est à peu près à égale distance entre les deux. Une des dernières & des plus violentes éruptions du Vésuve, a été celle de 1737 ; la montagne vomissoit par plusieurs bouches de gros torrens de matières métalliques fondues & ardentes, qui se répandoient dans la campagne & s’alloient jeter dans la mer. M. de Montealègre, qui communiqua cette relation à l’Académie des Sciences, observa avec horreur un de ces fleuves de feu, & vit que son cours étoit de 6 ou 7 milles depuis sa source jusqu’à la mer, sa largeur de 50 ou 60 pas, sa profondeur de 25 ou 30 palmes, & dans certains fonds ou vallées, de 120 ; la matière qu’il rouloit étoit semblable à l’écume qui sort du fourneau d’une forge, &c. Voyez l’Hist. de l’Acad. an. 1737, pag. 7 & 8.
Leclerc, Comte de Buffon, Histoire naturelle, générale et particulière, avec a description du cabinet du Roy. Tome Premier. M. DCCXLIX.
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