Puis les monstres changeaient de forme, et, dépouillant leurs premières peaux, se dressaient plus puissants sur des pattes gigantesques ; l’énorme masse de leurs corps brisait les branches et les herbages, et, dans le désordre de la nature, ils se livraient des combats auxquels je prenais part moi-même, car j’avais un corps aussi étrange que les leurs. Tout à coup une singulière harmonie résonna dans nos solitudes, et il semblait que les cris, les rugissements et les sifflements confus des êtres primitifs se modulassent désormais sur cet air divin. Les variations se succédaient à l’infini, la planète s’éclairait peu à peu, des formes divines se dessinaient sur la verdure et sur les profondeurs des bocages, et, désormais domptés, tous les monstres que j’avais vus dépouillaient leurs formes bizarres et devenaient hommes et femmes ; d’autres revêtaient, dans leurs transformations, la figure des bêtes sauvages, des poissons et des oiseaux.
Qui donc avait fait ce miracle ? Une déesse rayonnante guidait dans ces nouveaux avatars l’évolution rapide des humains. Il s’établit alors une distinction de races qui, partant de l’ordre des oiseaux, comprenait aussi les bêtes, les poissons et les reptiles : c’étaient les Dives, les Péris, les Ondins et les Salamandres ; chaque fois qu’un de ces êtres mourait, il renaissait aussitôt sous une forme plus belle et chantait la gloire des dieux. — Cependant, l’un des Éloïm eut la pensée de créer une cinquième race, composée des éléments de la terre, et qu’on appela les Afrites. — Ce fut le signal d’une révolution complète parmi les Esprits qui ne voulurent pas reconnaître les nouveaux possesseurs du monde. Je ne sais combien de mille ans durèrent ces combats qui ensanglantèrent le globe. Trois des Éloïm avec les Esprits de leurs races furent enfin relégués au midi de la terre, où ils fondèrent de vastes royaumes. Ils avaient emporté les secrets de la divine cabale qui lie les mondes, et prenaient leur force dans l’adoration de certains astres auxquels ils correspondent toujours. Ces nécromants, bannis aux confins de la terre, s’étaient entendus pour se transmettre la puissance. Entouré de femmes et d’esclaves, chacun de leurs souverains s’était assuré de pouvoir renaître sous la forme d’un de ses enfants. Leur vie était de mille ans. De puissants cabalistes les enfermaient, à l’approche de leur mort, dans des sépulcres bien gardés où ils les nourrissaient d’élixirs et de substances conservatrices. Longtemps encore ils gardaient les apparences de la vie : puis semblables à la chrysalide qui file son cocon, ils s’endormaient quarante jours pour renaître sous la forme d’un jeune enfant qu’on appelait plus tard à l’empire.
Cependant les forces vivifiantes de la terre s’épuisaient à nourrir ces familles, dont le sang toujours le même inondait des rejetons nouveaux. Dans de vastes souterrains, creusés sous les hypogées et sous les pyramides, ils avaient accumulé tous les trésors des races passées et certains talismans qui les protégeaient contre la colère des dieux.
C’est dans le centre de l’Afrique, au-delà des montagnes de la Lune et de l’antique Éthiopie, qu’avaient lieu ces étranges mystères : longtemps j’y avais gémi dans la captivité, ainsi qu’une partie de la race humaine. Les bocages que j’avais vus si verts ne portaient plus que de pâles fleurs et des feuillages flétris ; un soleil implacable dévorait ces contrées, et les faibles enfants de ces éternelles dynasties semblaient accablés du poids de la vie. Cette grandeur imposante et monotone, réglée par l’étiquette et les cérémonies hiératiques, pesait à tous sans que personne osât s’y soustraire. Les vieillards languissaient sous le poids de leurs couronnes et de leurs ornements impériaux, entre des médecins et des prêtres, dont le savoir leur garantissait l’immortalité. Quant au peuple, à tout jamais engrené dans les divisions des castes, il ne pouvait compter ni sur la vie, ni sur la liberté. Au pied des arbres frappés de mort et de stérilité, aux bouches des sources taries, on voyait sur l’herbe brûlée se flétrir des enfants et des jeunes femmes énervés et sans couleur. La splendeur des chambres royales, la majesté des portiques, l’éclat des vêtements et des parures, n’étaient qu’une faible consolation aux ennuis éternels de ces solitudes.
Bientôt les peuples furent décimés par des maladies, les bêtes et les plantes moururent et les immortels eux-mêmes dépérissaient sous leurs habits pompeux. — Un fléau plus grand que les autres vint tout à coup rajeunir et sauver le monde. La constellation d’Orion ouvrit au ciel les cataractes des eaux ; la terre, trop chargée par les glaces du pôle opposé, fit un demi-tour sur elle-même, et les mers, surmontant leurs rivages, refluèrent sur les plateaux de l’Afrique et de l’Asie ; l’inondation pénétra les sables, remplit les tombeaux et les pyramides, et, pendant quarante jours, une arche mystérieuse se promena sur les mers portant l’espoir d’une création nouvelle.
Trois des Éloïm s’étaient réfugiés sur la cime la plus haute des montagnes d’Afrique. Un combat se livra entre eux. Ici, ma mémoire se trouble et je ne sais quel fut le résultat de cette lutte suprême. Seulement, je vois encore, sur un pic baigné des eaux, une femme abandonnée par eux, qui crie les cheveux épars, se débattant contre la mort. Ses accents plaintifs dominaient le bruit des eaux… Fut-elle sauvée ? Je l’ignore. Les dieux, ses frères, l’avaient condamnée ; mais au-dessus de sa tête brillait l’Étoile du soir qui versait sur son front des rayons enflammés.
L’hymne interrompu de la terre et des cieux retentit harmonieusement pour consacrer l’accord des races nouvelles. Et, pendant que les fils de Noé travaillaient péniblement aux rayons d’un soleil nouveau, les nécromants, blottis dans leurs demeures souterraines, y gardaient toujours leurs trésors et se complaisaient dans le silence et dans la nuit. Parfois ils sortaient timidement de leurs asiles et venaient effrayer les vivants ou répandre parmi les méchants les leçons funestes de leurs sciences.
Tels sont les souvenirs que je retraçais par une sorte de vague intuition du passé : je frémissais en reproduisant les traits hideux de ces races maudites. Partout mourait, pleurait, languissait l’image souffrante de la Mère éternelle. À travers les vagues civilisations de l’Asie et de l’Afrique, on voyait se renouveler toujours une scène sanglante d’orgie et de carnage que les mêmes esprits reproduisaient sous des formes nouvelles.
La dernière se passait à Grenade, où le talisman sacré s’écroulait sous les coups ennemis des chrétiens et des Maures. Combien d’années encore le monde aura-t-il à souffrir, car il faut que la vengeance de ces éternels ennemis se renouvelle sous d’autres cieux ! Ce sont les tronçons divisés du serpent qui entoure la terre… Séparés par le fer, ils se rejoignent dans un hideux baiser cimenté par le sang des hommes.
Gérard de Nerval
dimanche 12 décembre 2010
Nerval - Aurélia VII
Ce rêve si heureux à son début me jeta dans une grande perplexité. Que signifiait-il ? Je ne le sus que plus tard. Aurélia était morte.
Je n’eus d’abord que la nouvelle de sa maladie. Par suite de l’état de mon esprit, je ne ressentis qu’un vague chagrin mêlé d’espoir. Je croyais moi-même n’avoir que peu de temps à vivre, et j’étais désormais assuré de l’existence d’un monde où les cœurs aimants se retrouvent. D’ailleurs, elle m’appartenait bien plus dans sa mort que dans sa vie… Égoïste pensée que ma raison devait payer plus tard par d’amers regrets.
Je ne voudrais pas abuser des pressentiments ; le hasard fait d’étranges choses ; mais je fus alors préoccupé d’un souvenir de notre union trop rapide. Je lui avais donné une bague d’un travail ancien dont le chaton était formé d’une opale taillée en cœur. Comme cette bague était trop grande pour son doigt, j’avais eu l’idée fatale de la faire couper pour en diminuer l’anneau ; je ne compris ma faute qu’en entendant le bruit de la scie. Il me sembla voir couler du sang…
Les soins de l’art m’avaient rendu à la santé sans avoir encore ramené dans mon esprit le cours régulier de la raison humaine. La maison où je me trouvais, située sur une hauteur, avait un vaste jardin planté d’arbres précieux. L’air pur de la colline où elle était située, les premières haleines du printemps, les douceurs d’une société toute sympathique, m’apportaient de longs jours de calme.
Les premières feuilles des sycomores me ravissaient par la vivacité de leurs couleurs, semblables aux panaches des coqs de Pharaon. La vue, qui s’étendait au-dessus de la plaine, présentait du matin au soir des horizons charmants, dont les teintes graduées plaisaient à mon imagination. Je peuplais les coteaux et les nuages de figures divines dont il me semblait voir distinctement les formes. — Je voulus fixer davantage mes pensées favorites et, à l’aide de charbons et de morceaux de brique que je ramassais, je couvris bientôt les murs d’une série de fresques où se réalisaient mes impressions. Une figure dominait toujours les autres : c’était celle d’Aurélia, peinte sous les traits d’une divinité, telle qu’elle m’était apparue dans mon rêve. Sous ses pieds tournait une roue, et les dieux lui faisaient cortège. Je parvins à colorier ce groupe en exprimant le suc des herbes et des fleurs. — Que de fois j’ai rêvé devant cette chère idole ! Je fis plus, je tentai de figurer avec de la terre le corps de celle que j’aimais ; tous les matins, mon travail était à refaire, car les fous, jaloux de mon bonheur, se plaisaient à en détruire l’image.
On me donna du papier, et pendant longtemps je m’appliquai à représenter, par mille figures accompagnées de récits, de vers et d’inscriptions en toutes les langues connues, une sorte d’histoire du monde mêlée de souvenirs d’études et de fragments de songes que ma préoccupation rendait plus sensible ou qui en prolongeait la durée. Je ne m’arrêtais pas aux traditions modernes de la création. Ma pensée remontait au-delà : j’entrevoyais, comme en un souvenir, le premier pacte formé par les génies au moyen de talismans. J’avais essayé de réunir les pierres de la Table sacrée, et de représenter à l’entour les sept premiers Éloïm qui s’étaient partagé le monde.
Ce système d’histoire, emprunté aux traditions orientales, commençait par l’heureux accord des Puissances de la nature, qui formulaient et organisaient l’univers. — Pendant la nuit qui précéda mon travail, je m’étais cru transporté dans une planète obscure où se débattaient les premiers germes de la création. Du sein de l’argile encore molle s’élevaient des palmiers gigantesques, des euphorbes vénéneux et des acanthes tortillées autour des cactus ; — les figures arides des rochers s’élançaient comme des squelettes de cette ébauche de création, et de hideux reptiles serpentaient, s’élargissaient ou s’arrondissaient au milieu de l’inextricable réseau d’une végétation sauvage. La pâle lumière des astres éclairait seule les perspectives bleuâtres de cet étrange horizon ; cependant, à mesure que ces créations se formaient, une étoile plus lumineuse y puisait les germes de la clarté.
Gérard de Nerval
Je n’eus d’abord que la nouvelle de sa maladie. Par suite de l’état de mon esprit, je ne ressentis qu’un vague chagrin mêlé d’espoir. Je croyais moi-même n’avoir que peu de temps à vivre, et j’étais désormais assuré de l’existence d’un monde où les cœurs aimants se retrouvent. D’ailleurs, elle m’appartenait bien plus dans sa mort que dans sa vie… Égoïste pensée que ma raison devait payer plus tard par d’amers regrets.
Je ne voudrais pas abuser des pressentiments ; le hasard fait d’étranges choses ; mais je fus alors préoccupé d’un souvenir de notre union trop rapide. Je lui avais donné une bague d’un travail ancien dont le chaton était formé d’une opale taillée en cœur. Comme cette bague était trop grande pour son doigt, j’avais eu l’idée fatale de la faire couper pour en diminuer l’anneau ; je ne compris ma faute qu’en entendant le bruit de la scie. Il me sembla voir couler du sang…
Les soins de l’art m’avaient rendu à la santé sans avoir encore ramené dans mon esprit le cours régulier de la raison humaine. La maison où je me trouvais, située sur une hauteur, avait un vaste jardin planté d’arbres précieux. L’air pur de la colline où elle était située, les premières haleines du printemps, les douceurs d’une société toute sympathique, m’apportaient de longs jours de calme.
Les premières feuilles des sycomores me ravissaient par la vivacité de leurs couleurs, semblables aux panaches des coqs de Pharaon. La vue, qui s’étendait au-dessus de la plaine, présentait du matin au soir des horizons charmants, dont les teintes graduées plaisaient à mon imagination. Je peuplais les coteaux et les nuages de figures divines dont il me semblait voir distinctement les formes. — Je voulus fixer davantage mes pensées favorites et, à l’aide de charbons et de morceaux de brique que je ramassais, je couvris bientôt les murs d’une série de fresques où se réalisaient mes impressions. Une figure dominait toujours les autres : c’était celle d’Aurélia, peinte sous les traits d’une divinité, telle qu’elle m’était apparue dans mon rêve. Sous ses pieds tournait une roue, et les dieux lui faisaient cortège. Je parvins à colorier ce groupe en exprimant le suc des herbes et des fleurs. — Que de fois j’ai rêvé devant cette chère idole ! Je fis plus, je tentai de figurer avec de la terre le corps de celle que j’aimais ; tous les matins, mon travail était à refaire, car les fous, jaloux de mon bonheur, se plaisaient à en détruire l’image.
On me donna du papier, et pendant longtemps je m’appliquai à représenter, par mille figures accompagnées de récits, de vers et d’inscriptions en toutes les langues connues, une sorte d’histoire du monde mêlée de souvenirs d’études et de fragments de songes que ma préoccupation rendait plus sensible ou qui en prolongeait la durée. Je ne m’arrêtais pas aux traditions modernes de la création. Ma pensée remontait au-delà : j’entrevoyais, comme en un souvenir, le premier pacte formé par les génies au moyen de talismans. J’avais essayé de réunir les pierres de la Table sacrée, et de représenter à l’entour les sept premiers Éloïm qui s’étaient partagé le monde.
Ce système d’histoire, emprunté aux traditions orientales, commençait par l’heureux accord des Puissances de la nature, qui formulaient et organisaient l’univers. — Pendant la nuit qui précéda mon travail, je m’étais cru transporté dans une planète obscure où se débattaient les premiers germes de la création. Du sein de l’argile encore molle s’élevaient des palmiers gigantesques, des euphorbes vénéneux et des acanthes tortillées autour des cactus ; — les figures arides des rochers s’élançaient comme des squelettes de cette ébauche de création, et de hideux reptiles serpentaient, s’élargissaient ou s’arrondissaient au milieu de l’inextricable réseau d’une végétation sauvage. La pâle lumière des astres éclairait seule les perspectives bleuâtres de cet étrange horizon ; cependant, à mesure que ces créations se formaient, une étoile plus lumineuse y puisait les germes de la clarté.
Gérard de Nerval
Neval - Aurélia VI
Un rêve que je fis encore me confirma dans cette pensée. Je me trouvai tout à coup dans une salle qui faisait partie de la demeure de mon aïeul. Elle semblait s’être agrandie seulement. Les vieux meubles luisaient d’un poli merveilleux, les tapis et les rideaux étaient comme remis à neuf, un jour trois fois plus brillant que le jour naturel arrivait par la croisée et par la porte, et il y avait dans l’air une fraîcheur et un parfum des premières matinées du printemps. Trois femmes travaillaient dans cette pièce, et représentaient, sans leur ressembler absolument, des parentes et des amies de ma jeunesse. Il semblait que chacune eût les traits de plusieurs de ces personnes. Les contours de leurs figures variaient comme la flamme d’une lampe, et à tout moment quelque chose de l’une passait dans l’autre ; le sourire, la voix, la teinte des yeux, de la chevelure, la taille, les gestes familiers, s’échangeaient comme si elles eussent vécu de la même vie, et chacune était ainsi un composé de toutes, pareille à ces types que les peintres imitent de plusieurs modèles pour réaliser une beauté complète.
La plus âgée me parlait avec une voix vibrante et mélodieuse que je reconnaissais pour l’avoir entendue dans l’enfance, et je ne sais ce qu’elle me disait qui me frappait par sa profonde justesse. Mais elle attira ma pensée sur moi-même, et je me vis vêtu d’un petit habit brun de forme ancienne, entièrement tissé à l’aiguille de fils ténus comme ceux des toiles d’araignées. Il était coquet, gracieux et imprégné de douces odeurs. Je me sentais tout rajeuni et tout pimpant dans ce vêtement qui sortait de leurs doigts de fée, et je les remerciai en rougissant, comme si je n’eusse été qu’un petit enfant devant de grandes belles dames. Alors l’une d’elles se leva et se dirigea vers le jardin.
Chacun sait que, dans les rêves, on ne voit jamais le soleil, bien qu’on ait souvent la perception d’une clarté beaucoup plus vive. Les objets et les corps sont lumineux par eux-mêmes. Je me vis dans un petit parc où se prolongeaient des treilles en berceaux chargés de lourdes grappes de raisins blancs et noirs ; à mesure que la dame qui me guidait s’avançait sous ces berceaux, l’ombre des treillis croisés variait pour mes yeux ses formes et ses vêtements. Elle en sortit enfin, et nous nous trouvâmes dans un espace découvert. On y apercevait à peine la trace d’anciennes allées qui l’avaient jadis coupé en croix. La culture était négligée depuis longues années, et des plants épars de clématites, de houblon, de chèvrefeuille, de jasmin, de lierre, d’aristoloche, étendaient entre des arbres d’une croissance vigoureuse leurs longues traînées de lianes. Des branches pliaient jusqu’à terre chargées de fruits, et parmi des touffes d’herbes parasites s’épanouissaient quelques fleurs de jardin revenues à l’état sauvage.
De loin en loin s’élevaient des massifs de peupliers, d’acacias et de pins, au sein desquels on entrevoyait des statues noircies par le temps. J’aperçus devant moi un entassement de rochers couverts de lierre d’où jaillissait une source d’eau vive, dont le clapotement harmonieux résonnait sur un bassin d’eau dormante à demi voilée des larges feuilles du nénuphar.
La dame que je suivais, développant sa taille élancée dans un mouvement qui faisait miroiter les plis de sa robe en taffetas changeant, entoura gracieusement de son bras nu une longue tige de rose trémière, puis elle se mit à grandir sous un clair rayon de lumière, de telle sorte que peu à peu le jardin prenait sa forme, et les parterres et les arbres devenaient les rosaces et les festons de ses vêtements ; tandis que sa figure et ses bras imprimaient leurs contours aux nuages pourprés du ciel. Je la perdais ainsi de vue à mesure qu’elle se transfigurait, car elle semblait s’évanouir dans sa propre grandeur. « Oh ! ne fuis pas ! m’écriai-je… car la nature meurt avec toi ! »
Disant ces mots, je marchais péniblement à travers les ronces, comme pour saisir l’ombre agrandie qui m’échappait ; mais je me heurtai à un pan de mur dégradé, au pied duquel gisait un buste de femme. En le relevant, j’eus la persuasion que c’était le sien… Je reconnus des traits chéris, et, portant les yeux autour de moi, je vis que le jardin avait pris l’aspect d’un cimetière. Des voix disaient : « L’Univers est dans la nuit ! »
Gérard de Nerval
La plus âgée me parlait avec une voix vibrante et mélodieuse que je reconnaissais pour l’avoir entendue dans l’enfance, et je ne sais ce qu’elle me disait qui me frappait par sa profonde justesse. Mais elle attira ma pensée sur moi-même, et je me vis vêtu d’un petit habit brun de forme ancienne, entièrement tissé à l’aiguille de fils ténus comme ceux des toiles d’araignées. Il était coquet, gracieux et imprégné de douces odeurs. Je me sentais tout rajeuni et tout pimpant dans ce vêtement qui sortait de leurs doigts de fée, et je les remerciai en rougissant, comme si je n’eusse été qu’un petit enfant devant de grandes belles dames. Alors l’une d’elles se leva et se dirigea vers le jardin.
Chacun sait que, dans les rêves, on ne voit jamais le soleil, bien qu’on ait souvent la perception d’une clarté beaucoup plus vive. Les objets et les corps sont lumineux par eux-mêmes. Je me vis dans un petit parc où se prolongeaient des treilles en berceaux chargés de lourdes grappes de raisins blancs et noirs ; à mesure que la dame qui me guidait s’avançait sous ces berceaux, l’ombre des treillis croisés variait pour mes yeux ses formes et ses vêtements. Elle en sortit enfin, et nous nous trouvâmes dans un espace découvert. On y apercevait à peine la trace d’anciennes allées qui l’avaient jadis coupé en croix. La culture était négligée depuis longues années, et des plants épars de clématites, de houblon, de chèvrefeuille, de jasmin, de lierre, d’aristoloche, étendaient entre des arbres d’une croissance vigoureuse leurs longues traînées de lianes. Des branches pliaient jusqu’à terre chargées de fruits, et parmi des touffes d’herbes parasites s’épanouissaient quelques fleurs de jardin revenues à l’état sauvage.
De loin en loin s’élevaient des massifs de peupliers, d’acacias et de pins, au sein desquels on entrevoyait des statues noircies par le temps. J’aperçus devant moi un entassement de rochers couverts de lierre d’où jaillissait une source d’eau vive, dont le clapotement harmonieux résonnait sur un bassin d’eau dormante à demi voilée des larges feuilles du nénuphar.
La dame que je suivais, développant sa taille élancée dans un mouvement qui faisait miroiter les plis de sa robe en taffetas changeant, entoura gracieusement de son bras nu une longue tige de rose trémière, puis elle se mit à grandir sous un clair rayon de lumière, de telle sorte que peu à peu le jardin prenait sa forme, et les parterres et les arbres devenaient les rosaces et les festons de ses vêtements ; tandis que sa figure et ses bras imprimaient leurs contours aux nuages pourprés du ciel. Je la perdais ainsi de vue à mesure qu’elle se transfigurait, car elle semblait s’évanouir dans sa propre grandeur. « Oh ! ne fuis pas ! m’écriai-je… car la nature meurt avec toi ! »
Disant ces mots, je marchais péniblement à travers les ronces, comme pour saisir l’ombre agrandie qui m’échappait ; mais je me heurtai à un pan de mur dégradé, au pied duquel gisait un buste de femme. En le relevant, j’eus la persuasion que c’était le sien… Je reconnus des traits chéris, et, portant les yeux autour de moi, je vis que le jardin avait pris l’aspect d’un cimetière. Des voix disaient : « L’Univers est dans la nuit ! »
Gérard de Nerval
Nerval - Aurélia V
Tout changeait de forme autour de moi. L’esprit avec qui je m’entretenais n’avait plus le même aspect. C’était un jeune homme qui désormais recevait plutôt de moi les idées qu’il ne me les communiquait… Étais-je allé trop loin dans ces hauteurs qui donnent le vertige ? Il me sembla comprendre que ces questions étaient obscures ou dangereuses, même pour les esprits du monde que je percevais alors… Peut-être aussi un pouvoir supérieur m’interdisait-il ces recherches. Je me vis errant dans les rues d’une cité très populeuse et inconnue. Je remarquai qu’elle était bossuée de collines et dominée par un mont tout couvert d’habitations. À travers le peuple de cette capitale, je distinguais certains hommes qui paraissaient appartenir à une nation particulière ; leur air vif, résolu, l’accent énergique de leurs traits, me faisaient songer aux races indépendantes et guerrières des pays de montagnes ou de certaines îles peu fréquentées par les étrangers ; toutefois c’est au milieu d’une grande ville et d’une population mélangée et banale qu’ils savaient maintenir ainsi leur individualité farouche. Qu’étaient donc ces hommes ? Mon guide me fit gravir des rues escarpées et bruyantes où retentissaient les bruits divers de l’industrie. Nous montâmes encore par de longues séries d’escaliers, au-delà desquels la vue se découvrit. Çà et là, des terrasses revêtues de treillages, des jardinets ménagés sur quelques espaces aplatis, des toits, des pavillons légèrement construits, peints et sculptés avec une capricieuse patience : des perspectives reliées par de longues traînées de verdures grimpantes séduisaient l’œil et plaisaient à l’esprit comme l’aspect d’une oasis délicieuse, d’une solitude ignorée au-dessus du tumulte et de ces bruits d’en bas, qui là n’étaient plus que murmure. On a souvent parlé de nations proscrites, vivant dans l’ombre des nécropoles et des catacombes ; c’était ici le contraire sans doute. Une race heureuse s’était créé cette retraite aimée des oiseaux, des fleurs, de l’air pur et de la clarté. — Ce sont, me dit mon guide, les anciens habitants de cette montagne qui domine la ville où nous sommes en ce moment. Longtemps ils ont vécu simples de mœurs, aimants et justes, conservant les vertus naturelles des premiers jours du monde. Le peuple environnant les honorait et se modelait sur eux. »
Du point où j’étais alors, je descendis, suivant mon guide, dans une de ces hautes habitations dont les toits réunis présentaient cet aspect étrange. Il me semblait que mes pieds s’enfonçaient dans des couches successives des édifices de différents âges. Ces fantômes de constructions en découvraient toujours d’autres où se distinguait le goût particulier de chaque siècle, et cela me représentait l’aspect des fouilles que l’on fait dans les cités antiques, si ce n’est que c’était aéré, vivant, traversé des mille jeux de la lumière. Je me trouvai enfin dans une vaste chambre où je vis un vieillard travaillant devant une table à je ne sais quel ouvrage d’industrie. — Au moment où je franchissais la porte, un homme vêtu de blanc, dont je distinguais mal la figure, me menaça d’une arme qu’il tenait à la main ; mais celui qui m’accompagnait lui fit signe de s’éloigner. Il semblait qu’on eût voulu m’empêcher de pénétrer dans le mystère de ces retraites. Sans rien demander à mon guide, je compris par intuition que ces hauteurs et en même temps ces profondeurs étaient la retraite des habitants primitifs de la montagne. Bravant toujours le flot envahissant des accumulations de races nouvelles, ils vivaient là, simples de mœurs, aimants et justes, adroits, fermes et ingénieux, — et pacifiquement vainqueurs des masses aveugles qui avaient tant de fois envahi leur héritage. Eh quoi ! ni corrompus, ni détruits, ni esclaves ; purs, quoique ayant vaincu l’ignorance ; conservant dans l’aisance les vertus de la pauvreté. — Un enfant s’amusait à terre avec des cristaux, des coquillages et des pierres gravées, faisant sans doute un jeu d’une étude. Une femme âgée, mais belle encore, s’occupait du soin du ménage. En ce moment, plusieurs jeunes gens entrèrent avec bruit, comme revenant de leurs travaux. Je m’étonnais de les voir tous vêtus de blanc ; mais il paraît que c’était une illusion de ma vue ; pour la rendre sensible, mon guide se mit à dessiner leur costume qu’il teignit de couleurs vives, me faisant comprendre qu’ils étaient ainsi en réalité. La blancheur qui m’étonnait provenait peut-être d’un éclat particulier, d’un jeu de lumière où se confondaient les teintes ordinaires du prisme. Je sortis de la chambre et je me vis sur une terrasse disposée en parterre. Là se promenaient et jouaient des jeunes filles et des enfants. Leurs vêtements me paraissaient blancs comme les autres, mais ils étaient agrémentés par des broderies de couleur rose. Ces personnes étaient si belles, leurs traits si gracieux, et l’éclat de leur âme transparaissait si vivement à travers leurs formes délicates, qu’elles inspiraient toutes une sorte d’amour sans préférence et sans désir, résumant tous les enivrements des passions vagues de la jeunesse.
Je ne puis rendre le sentiment que j’éprouvai de ces êtres charmants qui m’étaient chers sans que je les connusse. C’était comme une famille primitive et céleste, dont les yeux souriants cherchaient les miens avec une douce compassion. Je me mis à pleurer à chaudes larmes, comme au souvenir d’un paradis perdu. Là, je sentis amèrement que j’étais un passant dans ce monde à la fois étranger et chéri, et je frémis à la pensée que je devais retourner dans la vie. En vain, femmes et enfants se pressaient autour de moi pour me retenir. Déjà leurs formes ravissantes se fondaient en vapeurs confuses ; ces beaux visages pâlissaient, et ces traits accentués, ces yeux étincelants se perdaient dans une ombre où luisait encore le dernier éclair du sourire…
Telle fut cette vision, ou tels furent du moins les détails principaux dont j’ai gardé le souvenir. L’état cataleptique où je m’étais trouvé pendant plusieurs jours me fut expliqué scientifiquement, et les récits de ceux qui m’avaient vu ainsi me causaient une sorte d’irritation quand je voyais qu’on attribuait à l’aberration d’esprit les mouvements ou les paroles coïncidant avec les diverses phases de ce qui constituait pour moi une série d’événements logiques. J’aimais davantage ceux de mes amis qui, par une patiente complaisance ou par suite d’idées analogues aux miennes, me faisaient faire de longs récits des choses que j’avais vues en esprit. L’un d’eux me dit en pleurant : « N’est-ce pas que c’est vrai qu’il y a un Dieu ? — Oui ! » lui dis-je avec enthousiasme.
Et nous nous embrassâmes comme deux frères de cette patrie mystique que j’avais entrevue. — Quel bonheur je trouvai d’abord dans cette conviction ! Ainsi ce doute éternel de l’immortalité de l’âme qui affecte les meilleurs esprits se trouvait résolu pour moi. Plus de mort, plus de tristesse, plus d’inquiétude. Ceux que j’aimais, parents, amis, me donnaient des signes certains de leur existence éternelle, et je n’étais plus séparé d’eux que par les heures du jour. J’attendais celles de la nuit dans une douce mélancolie.
Gérard de Nerval
Du point où j’étais alors, je descendis, suivant mon guide, dans une de ces hautes habitations dont les toits réunis présentaient cet aspect étrange. Il me semblait que mes pieds s’enfonçaient dans des couches successives des édifices de différents âges. Ces fantômes de constructions en découvraient toujours d’autres où se distinguait le goût particulier de chaque siècle, et cela me représentait l’aspect des fouilles que l’on fait dans les cités antiques, si ce n’est que c’était aéré, vivant, traversé des mille jeux de la lumière. Je me trouvai enfin dans une vaste chambre où je vis un vieillard travaillant devant une table à je ne sais quel ouvrage d’industrie. — Au moment où je franchissais la porte, un homme vêtu de blanc, dont je distinguais mal la figure, me menaça d’une arme qu’il tenait à la main ; mais celui qui m’accompagnait lui fit signe de s’éloigner. Il semblait qu’on eût voulu m’empêcher de pénétrer dans le mystère de ces retraites. Sans rien demander à mon guide, je compris par intuition que ces hauteurs et en même temps ces profondeurs étaient la retraite des habitants primitifs de la montagne. Bravant toujours le flot envahissant des accumulations de races nouvelles, ils vivaient là, simples de mœurs, aimants et justes, adroits, fermes et ingénieux, — et pacifiquement vainqueurs des masses aveugles qui avaient tant de fois envahi leur héritage. Eh quoi ! ni corrompus, ni détruits, ni esclaves ; purs, quoique ayant vaincu l’ignorance ; conservant dans l’aisance les vertus de la pauvreté. — Un enfant s’amusait à terre avec des cristaux, des coquillages et des pierres gravées, faisant sans doute un jeu d’une étude. Une femme âgée, mais belle encore, s’occupait du soin du ménage. En ce moment, plusieurs jeunes gens entrèrent avec bruit, comme revenant de leurs travaux. Je m’étonnais de les voir tous vêtus de blanc ; mais il paraît que c’était une illusion de ma vue ; pour la rendre sensible, mon guide se mit à dessiner leur costume qu’il teignit de couleurs vives, me faisant comprendre qu’ils étaient ainsi en réalité. La blancheur qui m’étonnait provenait peut-être d’un éclat particulier, d’un jeu de lumière où se confondaient les teintes ordinaires du prisme. Je sortis de la chambre et je me vis sur une terrasse disposée en parterre. Là se promenaient et jouaient des jeunes filles et des enfants. Leurs vêtements me paraissaient blancs comme les autres, mais ils étaient agrémentés par des broderies de couleur rose. Ces personnes étaient si belles, leurs traits si gracieux, et l’éclat de leur âme transparaissait si vivement à travers leurs formes délicates, qu’elles inspiraient toutes une sorte d’amour sans préférence et sans désir, résumant tous les enivrements des passions vagues de la jeunesse.
Je ne puis rendre le sentiment que j’éprouvai de ces êtres charmants qui m’étaient chers sans que je les connusse. C’était comme une famille primitive et céleste, dont les yeux souriants cherchaient les miens avec une douce compassion. Je me mis à pleurer à chaudes larmes, comme au souvenir d’un paradis perdu. Là, je sentis amèrement que j’étais un passant dans ce monde à la fois étranger et chéri, et je frémis à la pensée que je devais retourner dans la vie. En vain, femmes et enfants se pressaient autour de moi pour me retenir. Déjà leurs formes ravissantes se fondaient en vapeurs confuses ; ces beaux visages pâlissaient, et ces traits accentués, ces yeux étincelants se perdaient dans une ombre où luisait encore le dernier éclair du sourire…
Telle fut cette vision, ou tels furent du moins les détails principaux dont j’ai gardé le souvenir. L’état cataleptique où je m’étais trouvé pendant plusieurs jours me fut expliqué scientifiquement, et les récits de ceux qui m’avaient vu ainsi me causaient une sorte d’irritation quand je voyais qu’on attribuait à l’aberration d’esprit les mouvements ou les paroles coïncidant avec les diverses phases de ce qui constituait pour moi une série d’événements logiques. J’aimais davantage ceux de mes amis qui, par une patiente complaisance ou par suite d’idées analogues aux miennes, me faisaient faire de longs récits des choses que j’avais vues en esprit. L’un d’eux me dit en pleurant : « N’est-ce pas que c’est vrai qu’il y a un Dieu ? — Oui ! » lui dis-je avec enthousiasme.
Et nous nous embrassâmes comme deux frères de cette patrie mystique que j’avais entrevue. — Quel bonheur je trouvai d’abord dans cette conviction ! Ainsi ce doute éternel de l’immortalité de l’âme qui affecte les meilleurs esprits se trouvait résolu pour moi. Plus de mort, plus de tristesse, plus d’inquiétude. Ceux que j’aimais, parents, amis, me donnaient des signes certains de leur existence éternelle, et je n’étais plus séparé d’eux que par les heures du jour. J’attendais celles de la nuit dans une douce mélancolie.
Gérard de Nerval
Nerval - Aurélia IV
Un soir, je crus avec certitude être transporté sur les bords du Rhin. En face de moi se trouvaient des rocs sinistres dont la perspective s’ébauchait dans l’ombre. J’entrai dans une maison riante, dont un rayon du soleil couchant traversait gaiement les contrevents verts que festonnait la vigne. Il me semblait que je rentrais dans une demeure connue, celle d’un oncle maternel, peintre flamand, mort depuis plus d’un siècle. Les tableaux ébauchés étaient suspendus çà et là ; l’un deux représentait la fée célèbre de ce rivage. Une vieille servante, que j’appelai Marguerite et qu’il me semblait connaître depuis l’enfance, me dit : « N’allez-vous pas vous mettre au lit ? car vous venez de loin, et votre oncle rentrera tard ; on vous réveillera pour souper. » Je m’étendis sur un lit à colonnes drapé de perse à grandes fleurs rouges. Il y avait en face de moi une horloge rustique accrochée au mur, et sur cette horloge un oiseau qui se mit à parler comme une personne. Et j’avais l’idée que l’âme de mon aïeul était dans cet oiseau ; mais je ne m’étonnais pas plus de son langage et de sa forme que de me voir comme transporté d’un siècle en arrière. L’oiseau me parlait de personnes de ma famille vivantes ou mortes en divers temps, comme si elles existaient simultanément, et me dit : « Vous voyez que votre oncle avait eu soin de faire son portrait d’avance… maintenant, elle est avec nous. » Je portai les yeux sur une toile qui représentait une femme en costume ancien à l’allemande, penchée sur le bord du fleuve et les yeux attirés vers une touffe de myosotis. — Cependant la nuit s’épaississait peu à peu, et les aspects, les sons et le sentiment des lieux se confondaient dans mon esprit somnolent ; je crus tomber dans un abîme qui traversait le globe. Je me sentais emporté sans souffrance par un courant de métal fondu, et mille fleuves pareils, dont les teintes indiquaient les différences chimiques, sillonnaient le sein de la terre comme les vaisseaux et les veines qui serpentent parmi les lobes du cerveau. Tous coulaient, circulaient et vibraient ainsi, et j’eus le sentiment que ces courants étaient composés d’âmes vivantes, à l’état moléculaire, que la rapidité de ce voyage m’empêchait seule de distinguer. Une clarté blanchâtre s’infiltrait peu à peu dans ces conduits et je vis enfin s’élargir, ainsi qu’une vaste coupole, un horizon nouveau où se traçaient des îles entourées de flots lumineux. Je me trouvai sur une côte éclairée de ce jour sans soleil, et je vis un vieillard qui cultivait la terre. Je le reconnus pour le même qui m’avait parlé par la voix de l’oiseau, et, soit qu’il me parlât, soit que je le comprisse en moi-même, il devenait clair pour moi que les aïeux prenaient la forme de certains animaux pour nous visiter sur la terre, et qu’ils assistaient ainsi, muets observateurs, aux phases de notre existence.
Le vieillard quitta son travail et m’accompagna jusqu’à une maison qui s’élevait près de là. Le paysage qui nous entourait me rappelait celui d’un pays de la Flandre française où mes parents avaient vécu et où se trouvent leurs tombes : le champ entouré de bosquets à la lisière du bois, le lac voisin, la rivière et le lavoir, le village et sa rue qui monte, les collines de grès sombre et leurs touffes de genêts et de bruyères, — image rajeunie des lieux que j’avais aimés. Seulement, la maison où j’entrai ne m’était point connue. Je compris qu’elle avait existé dans je ne sais quel temps, et qu’en ce monde que je visitais alors, le fantôme des choses accompagnait celui du corps.
J’entrai dans une vaste salle où beaucoup de personnes étaient réunies. Partout je retrouvais des figures connues. Les traits des parents morts que j’avais pleurés se trouvaient reproduits dans d’autres qui, vêtus de costumes plus anciens, me faisaient le même accueil paternel. Ils paraissaient s’être assemblés pour un banquet de famille. Un de ces parents vint à moi et m’embrassa tendrement. Il portait un costume ancien dont les couleurs semblaient pâlies, et sa figure souriante, sous ses cheveux poudrés, avait quelque ressemblance avec la mienne. Il me semblait plus précisément vivant que les autres, et pour ainsi dire en rapport plus volontaire avec mon esprit. — C’était mon oncle. Il me fit placer près de lui, et une sorte de communication s’établit entre nous ; car je ne puis dire que j’entendisse sa voix ; seulement, à mesure que ma pensée se portait sur un point, l’explication m’en devenait claire aussitôt, et les images se précisaient devant mes yeux comme des peintures animées.
— Cela est donc vrai ! disais-je avec ravissement, nous sommes immortels et nous conservons ici les images du monde que nous avons habité. Quel bonheur de songer que tout ce que nous avons aimé existera toujours autour de nous !… J’étais bien fatigué de la vie !
– Ne te hâte pas, dit-il, de te réjouir, car tu appartiens encore au monde d’en haut et tu as à supporter de rudes années d’épreuves. Le séjour qui t’enchante a lui-même ses douleurs, ses luttes et ses dangers. La terre où nous avons vécu est toujours le théâtre où se nouent et se dénouent nos destinées : nous sommes les rayons du feu central qui l’anime et qui déjà s’est affaibli…
— Eh quoi ! dis-je, la terre pourrait mourir, et nous serions envahis par le néant ?
— Le néant, dit-il, n’existe pas dans le sens qu’on l’entend ; mais la terre est elle-même un corps matériel dont la somme des esprits est l’âme. La matière ne peut pas plus périr que l’esprit, mais elle peut se modifier selon le bien et selon le mal. Notre passé et notre avenir sont solidaires. Nous vivons dans notre race, et notre race vit en nous.
Cette idée me devint aussitôt sensible, et, comme si les murs de la salle se fussent ouverts sur des perspectives infinies, il me semblait voir une chaîne non interrompue d’hommes et de femmes en qui j’étais et qui étaient moi-même ; les costumes de tous les peuples, les images de tous les pays apparaissaient distinctement à la fois, comme si mes facultés d’attention s’étaient multipliées sans se confondre, par un phénomène d’espace analogue à celui du temps qui concentre un siècle d’action dans une minute de rêve. Mon étonnement s’accrut en voyant que cette immense énumération se composait seulement des personnes qui se trouvaient dans la salle et dont j’avais vu les images se diviser et se combiner en mille aspects fugitifs.
— Nous sommes sept, dis-je à mon oncle.
— C’est en effet, dit-il, le nombre typique de chaque famille humaine, et, par extension, sept fois sept, et davantage [1].
Je ne puis espérer de faire comprendre cette réponse, qui pour moi-même est restée très obscure. La métaphysique ne me fournit pas de termes pour la perception qui me vint alors du rapport de ce nombre de personnes avec l’harmonie générale. On conçoit bien dans le père et la mère l’analogie des forces électriques de la nature ; mais comment établir les centres individuels émanés d’eux, — dont ils émanent, comme une figure animique collective, dont la combinaison serait à la fois multiple et bornée ? Autant vaudrait demander compte à la fleur du nombre de ses pétales ou des divisions de sa corolle…, au sol des figures qu’il trace, au soleil des couleurs qu’il produit.
Gérard de Nerval
1. Sept était le nombre de la famille de Noé ; mais l’un des sept se rattachait mystérieusement aux générations antérieures des Éloïm !…
… L’imagination, comme un éclair, me présenta les dieux multiples de l’Inde comme des images de la famille pour ainsi dire primitivement concentrée. Je frémis d’aller plus loin, car dans la Trinité réside encore un mystère redoutable… Nous sommes nés sous la loi biblique…
Le vieillard quitta son travail et m’accompagna jusqu’à une maison qui s’élevait près de là. Le paysage qui nous entourait me rappelait celui d’un pays de la Flandre française où mes parents avaient vécu et où se trouvent leurs tombes : le champ entouré de bosquets à la lisière du bois, le lac voisin, la rivière et le lavoir, le village et sa rue qui monte, les collines de grès sombre et leurs touffes de genêts et de bruyères, — image rajeunie des lieux que j’avais aimés. Seulement, la maison où j’entrai ne m’était point connue. Je compris qu’elle avait existé dans je ne sais quel temps, et qu’en ce monde que je visitais alors, le fantôme des choses accompagnait celui du corps.
J’entrai dans une vaste salle où beaucoup de personnes étaient réunies. Partout je retrouvais des figures connues. Les traits des parents morts que j’avais pleurés se trouvaient reproduits dans d’autres qui, vêtus de costumes plus anciens, me faisaient le même accueil paternel. Ils paraissaient s’être assemblés pour un banquet de famille. Un de ces parents vint à moi et m’embrassa tendrement. Il portait un costume ancien dont les couleurs semblaient pâlies, et sa figure souriante, sous ses cheveux poudrés, avait quelque ressemblance avec la mienne. Il me semblait plus précisément vivant que les autres, et pour ainsi dire en rapport plus volontaire avec mon esprit. — C’était mon oncle. Il me fit placer près de lui, et une sorte de communication s’établit entre nous ; car je ne puis dire que j’entendisse sa voix ; seulement, à mesure que ma pensée se portait sur un point, l’explication m’en devenait claire aussitôt, et les images se précisaient devant mes yeux comme des peintures animées.
— Cela est donc vrai ! disais-je avec ravissement, nous sommes immortels et nous conservons ici les images du monde que nous avons habité. Quel bonheur de songer que tout ce que nous avons aimé existera toujours autour de nous !… J’étais bien fatigué de la vie !
– Ne te hâte pas, dit-il, de te réjouir, car tu appartiens encore au monde d’en haut et tu as à supporter de rudes années d’épreuves. Le séjour qui t’enchante a lui-même ses douleurs, ses luttes et ses dangers. La terre où nous avons vécu est toujours le théâtre où se nouent et se dénouent nos destinées : nous sommes les rayons du feu central qui l’anime et qui déjà s’est affaibli…
— Eh quoi ! dis-je, la terre pourrait mourir, et nous serions envahis par le néant ?
— Le néant, dit-il, n’existe pas dans le sens qu’on l’entend ; mais la terre est elle-même un corps matériel dont la somme des esprits est l’âme. La matière ne peut pas plus périr que l’esprit, mais elle peut se modifier selon le bien et selon le mal. Notre passé et notre avenir sont solidaires. Nous vivons dans notre race, et notre race vit en nous.
Cette idée me devint aussitôt sensible, et, comme si les murs de la salle se fussent ouverts sur des perspectives infinies, il me semblait voir une chaîne non interrompue d’hommes et de femmes en qui j’étais et qui étaient moi-même ; les costumes de tous les peuples, les images de tous les pays apparaissaient distinctement à la fois, comme si mes facultés d’attention s’étaient multipliées sans se confondre, par un phénomène d’espace analogue à celui du temps qui concentre un siècle d’action dans une minute de rêve. Mon étonnement s’accrut en voyant que cette immense énumération se composait seulement des personnes qui se trouvaient dans la salle et dont j’avais vu les images se diviser et se combiner en mille aspects fugitifs.
— Nous sommes sept, dis-je à mon oncle.
— C’est en effet, dit-il, le nombre typique de chaque famille humaine, et, par extension, sept fois sept, et davantage [1].
Je ne puis espérer de faire comprendre cette réponse, qui pour moi-même est restée très obscure. La métaphysique ne me fournit pas de termes pour la perception qui me vint alors du rapport de ce nombre de personnes avec l’harmonie générale. On conçoit bien dans le père et la mère l’analogie des forces électriques de la nature ; mais comment établir les centres individuels émanés d’eux, — dont ils émanent, comme une figure animique collective, dont la combinaison serait à la fois multiple et bornée ? Autant vaudrait demander compte à la fleur du nombre de ses pétales ou des divisions de sa corolle…, au sol des figures qu’il trace, au soleil des couleurs qu’il produit.
Gérard de Nerval
1. Sept était le nombre de la famille de Noé ; mais l’un des sept se rattachait mystérieusement aux générations antérieures des Éloïm !…
… L’imagination, comme un éclair, me présenta les dieux multiples de l’Inde comme des images de la famille pour ainsi dire primitivement concentrée. Je frémis d’aller plus loin, car dans la Trinité réside encore un mystère redoutable… Nous sommes nés sous la loi biblique…
Nerval - Aurélia III
Ici a commencé pour moi ce que j’appellerai l’épanchement du songe dans la vie réelle. À dater de ce moment, tout prenait parfois un aspect double, — et cela sans que le raisonnement manquât jamais de logique, sans que la mémoire perdît les plus légers détails de ce qui m’arrivait. Seulement, mes actions, insensées en apparence, étaient soumises à ce que l’on appelle l’illusion, selon la raison humaine…
Cette idée m’est revenue bien des fois, que, dans certains moments graves de la vie, tel Esprit du monde extérieur s’incarnait tout à coup en la forme d’une personne ordinaire, et agissait ou tentait d’agir sur nous, sans que cette personne en eût la connaissance ou en gardât le souvenir.
Mon ami m’avait quitté, voyant ses efforts inutiles, et me croyant sans doute en proie à quelque idée fixe que la marche calmerait. Me trouvant seul, je me levai avec effort et me remis en route dans la direction de l’étoile sur laquelle je ne cessais de fixer les yeux. Je chantais en marchant un hymne mystérieux dont je croyais me souvenir comme l’ayant entendu dans quelque autre existence, et qui me remplissait d’une joie ineffable. En même temps, je quittais mes habits terrestres et je les dispersais autour de moi. La route semblait s’élever toujours et l’étoile s’agrandir. Puis je restai les bras étendus, attendant le moment où l’âme allait se séparer du corps, attirée magnétiquement dans le rayon de l’étoile. Alors, je sentis un frisson ; le regret de la terre et de ceux que j’y aimais me saisit au cœur, et je suppliai si ardemment en moi-même l’Esprit qui m’attirait à lui, qu’il me sembla que je redescendais parmi les hommes. Une ronde de nuit m’entourait : — j’avais alors l’idée que j’étais devenu très grand, — et que, tout inondé de forces électriques, j’allais renverser tout ce qui m’approchait. Il y avait quelque chose de comique dans le soin que je prenais de ménager les forces et la vie des soldats qui m’avaient recueilli.
Si je ne pensais que la mission d’un écrivain est d’analyser sincèrement ce qu’il éprouve dans les graves circonstances de la vie, et si je ne me proposais un but que je crois utile, je m’arrêterais ici, et je n’essayerais pas de décrire ce que j’éprouvai ensuite dans une série de visions insensées peut-être, ou vulgairement maladives… Étendu sur un lit de camp, je crus voir le ciel se dévoiler et s’ouvrir en mille aspects de magnificences inouïes. Le destin de l’Âme délivrée semblait se révéler à moi comme pour me donner le regret d’avoir voulu reprendre pied de toutes les forces de mon esprit sur la terre que j’allais quitter… D’immenses cercles se traçaient dans l’infini, comme les orbes que forme l’eau troublée par la chute d’un corps ; chaque région, peuplée de figures radieuses, se colorait, se mouvait, et se fondait tour à tour, et une divinité, toujours la même, rejetait en souriant les masques furtifs de ses diverses incarnations, et se réfugiait enfin insaisissable dans les mystiques splendeurs du ciel d’Asie.
Cette vision céleste, par un de ces phénomènes que tout le monde a pu éprouver dans certains rêves, ne me laissait pas étranger à ce qui se passait autour de moi. Couché sur un lit de camp, j’entendais que les soldats s’entretenaient d’un inconnu arrêté comme moi et dont la voix avait retenti dans la même salle. Par un singulier effet de vibration, il me semblait que cette voix résonnait dans ma poitrine et que mon âme se dédoublait pour ainsi dire, — distinctement partagée entre la vision et la réalité. Un instant, j’eus l’idée de me retourner avec effort vers celui dont il était question, puis je frémis en me rappelant une tradition bien connue en Allemagne, qui dit que chaque homme a un double, et que, lorsqu’il le voit, la mort est proche. — Je fermai les yeux et j’entrai dans un état d’esprit confus où les figures fantasques ou réelles qui m’entouraient se brisaient en mille apparences fugitives. Un instant, je vis près de moi deux de mes amis qui me réclamaient, les soldats me désignèrent ; puis la porte s’ouvrit et quelqu’un de ma taille, dont je ne voyais pas la figure, sortit avec mes amis que je rappelais en vain. — Mais on se trompe ! m’écriais-je, c’est moi qu’ils sont venus chercher et c’est un autre qui sort ! Je fis tant de bruit que l’on me mit au cachot.
J’y restai plusieurs heures dans une sorte d’abrutissement ; enfin, les deux amis que j’avais cru voir déjà vinrent me chercher avec une voiture. Je leur racontai tout ce qui s’était passé, mais ils nièrent être venus dans la nuit. Je dînai avec eux assez tranquillement ; mais, à mesure que la nuit approchait, il me sembla que j’avais à redouter l’heure même qui, la veille, avait risqué de m’être fatale. Je demandai à l’un d’eux une bague orientale qu’il avait au doigt et que je regardais comme un ancien talisman, et, prenant un foulard, je la nouai autour de mon cou, en ayant soin de tourner le chaton, composé d’une turquoise, sur un point de la nuque où je sentais une douleur. Selon moi, ce point était celui par où l’âme risquerait de sortir au moment où un certain rayon, parti de l’étoile que j’avais vue la veille, coïnciderait relativement à moi avec le zénith. Soit par hasard, soit par l’effet de ma forte préoccupation, je tombai comme foudroyé, à la même heure que la veille. On me mit sur un lit, et pendant longtemps je perdis le sens et la liaison des images qui s’offrirent à moi.
Cet état dura plusieurs jours. Je fus transporté dans une maison de santé. Beaucoup de parents et d’amis me visitèrent sans que j’en eusse la connaissance. La seule différence pour moi de la veille au sommeil était que, dans la première, tout se transfigurait à mes yeux ; chaque personne qui m’approchait semblait changée, les objets matériels avaient comme une pénombre qui en modifiait la forme, et les jeux de la lumière, les combinaisons des couleurs se décomposaient, de manière à m’entretenir dans une série constante d’impressions qui se liaient entre elles, et dont le rêve, plus dégagé des éléments extérieurs, continuait la probabilité.
Gérard de Nerval
Cette idée m’est revenue bien des fois, que, dans certains moments graves de la vie, tel Esprit du monde extérieur s’incarnait tout à coup en la forme d’une personne ordinaire, et agissait ou tentait d’agir sur nous, sans que cette personne en eût la connaissance ou en gardât le souvenir.
Mon ami m’avait quitté, voyant ses efforts inutiles, et me croyant sans doute en proie à quelque idée fixe que la marche calmerait. Me trouvant seul, je me levai avec effort et me remis en route dans la direction de l’étoile sur laquelle je ne cessais de fixer les yeux. Je chantais en marchant un hymne mystérieux dont je croyais me souvenir comme l’ayant entendu dans quelque autre existence, et qui me remplissait d’une joie ineffable. En même temps, je quittais mes habits terrestres et je les dispersais autour de moi. La route semblait s’élever toujours et l’étoile s’agrandir. Puis je restai les bras étendus, attendant le moment où l’âme allait se séparer du corps, attirée magnétiquement dans le rayon de l’étoile. Alors, je sentis un frisson ; le regret de la terre et de ceux que j’y aimais me saisit au cœur, et je suppliai si ardemment en moi-même l’Esprit qui m’attirait à lui, qu’il me sembla que je redescendais parmi les hommes. Une ronde de nuit m’entourait : — j’avais alors l’idée que j’étais devenu très grand, — et que, tout inondé de forces électriques, j’allais renverser tout ce qui m’approchait. Il y avait quelque chose de comique dans le soin que je prenais de ménager les forces et la vie des soldats qui m’avaient recueilli.
Si je ne pensais que la mission d’un écrivain est d’analyser sincèrement ce qu’il éprouve dans les graves circonstances de la vie, et si je ne me proposais un but que je crois utile, je m’arrêterais ici, et je n’essayerais pas de décrire ce que j’éprouvai ensuite dans une série de visions insensées peut-être, ou vulgairement maladives… Étendu sur un lit de camp, je crus voir le ciel se dévoiler et s’ouvrir en mille aspects de magnificences inouïes. Le destin de l’Âme délivrée semblait se révéler à moi comme pour me donner le regret d’avoir voulu reprendre pied de toutes les forces de mon esprit sur la terre que j’allais quitter… D’immenses cercles se traçaient dans l’infini, comme les orbes que forme l’eau troublée par la chute d’un corps ; chaque région, peuplée de figures radieuses, se colorait, se mouvait, et se fondait tour à tour, et une divinité, toujours la même, rejetait en souriant les masques furtifs de ses diverses incarnations, et se réfugiait enfin insaisissable dans les mystiques splendeurs du ciel d’Asie.
Cette vision céleste, par un de ces phénomènes que tout le monde a pu éprouver dans certains rêves, ne me laissait pas étranger à ce qui se passait autour de moi. Couché sur un lit de camp, j’entendais que les soldats s’entretenaient d’un inconnu arrêté comme moi et dont la voix avait retenti dans la même salle. Par un singulier effet de vibration, il me semblait que cette voix résonnait dans ma poitrine et que mon âme se dédoublait pour ainsi dire, — distinctement partagée entre la vision et la réalité. Un instant, j’eus l’idée de me retourner avec effort vers celui dont il était question, puis je frémis en me rappelant une tradition bien connue en Allemagne, qui dit que chaque homme a un double, et que, lorsqu’il le voit, la mort est proche. — Je fermai les yeux et j’entrai dans un état d’esprit confus où les figures fantasques ou réelles qui m’entouraient se brisaient en mille apparences fugitives. Un instant, je vis près de moi deux de mes amis qui me réclamaient, les soldats me désignèrent ; puis la porte s’ouvrit et quelqu’un de ma taille, dont je ne voyais pas la figure, sortit avec mes amis que je rappelais en vain. — Mais on se trompe ! m’écriais-je, c’est moi qu’ils sont venus chercher et c’est un autre qui sort ! Je fis tant de bruit que l’on me mit au cachot.
J’y restai plusieurs heures dans une sorte d’abrutissement ; enfin, les deux amis que j’avais cru voir déjà vinrent me chercher avec une voiture. Je leur racontai tout ce qui s’était passé, mais ils nièrent être venus dans la nuit. Je dînai avec eux assez tranquillement ; mais, à mesure que la nuit approchait, il me sembla que j’avais à redouter l’heure même qui, la veille, avait risqué de m’être fatale. Je demandai à l’un d’eux une bague orientale qu’il avait au doigt et que je regardais comme un ancien talisman, et, prenant un foulard, je la nouai autour de mon cou, en ayant soin de tourner le chaton, composé d’une turquoise, sur un point de la nuque où je sentais une douleur. Selon moi, ce point était celui par où l’âme risquerait de sortir au moment où un certain rayon, parti de l’étoile que j’avais vue la veille, coïnciderait relativement à moi avec le zénith. Soit par hasard, soit par l’effet de ma forte préoccupation, je tombai comme foudroyé, à la même heure que la veille. On me mit sur un lit, et pendant longtemps je perdis le sens et la liaison des images qui s’offrirent à moi.
Cet état dura plusieurs jours. Je fus transporté dans une maison de santé. Beaucoup de parents et d’amis me visitèrent sans que j’en eusse la connaissance. La seule différence pour moi de la veille au sommeil était que, dans la première, tout se transfigurait à mes yeux ; chaque personne qui m’approchait semblait changée, les objets matériels avaient comme une pénombre qui en modifiait la forme, et les jeux de la lumière, les combinaisons des couleurs se décomposaient, de manière à m’entretenir dans une série constante d’impressions qui se liaient entre elles, et dont le rêve, plus dégagé des éléments extérieurs, continuait la probabilité.
Gérard de Nerval
Nerval - Aurélia II
Plus tard, je la rencontrai dans une autre ville où se trouvait la dame que j’aimais toujours sans espoir. Un hasard les fit connaître l’une à l’autre, et la première eut occasion, sans doute, d’attendrir à mon égard celle qui m’avait exilé de son cœur. De sorte qu’un jour me trouvant dans une société dont elle faisait partie, je la vis venir à moi et me tendre la main. Comment interpréter cette démarche et le regard profond et triste dont elle accompagna son salut ? J’y crus voir le pardon du passé ; l’accent divin de la pitié donnait aux simples paroles qu’elle m’adressa une valeur inexprimable, comme si quelque chose de la religion se mêlait aux douceurs d’un amour jusque-là profane, et lui imprimait le caractère de l’éternité.
Un devoir impérieux me forçait de retourner à Paris, mais je pris aussitôt la résolution de n’y rester que peu de jours et de revenir auprès de mes deux amies. La joie et l’impatience me donnèrent alors une sorte d’étourdissement qui se compliquait du soin des affaires que j’avais à terminer. Un soir, vers minuit, je remontais un faubourg où se trouvait ma demeure, lorsque, levant les yeux par hasard, je remarquai le numéro d’une maison éclairé par un réverbère. Ce nombre était celui de mon âge. Aussitôt, en baissant les yeux, je vis devant moi une femme au teint blême, aux yeux caves, qui me semblait avoir les traits d’Aurélia. Je me dis : — C’est sa mort ou la mienne qui m’est annoncée ! Mais je ne sais pourquoi j’en restai à la dernière supposition, et je me frappai de cette idée, que ce devait être le lendemain à la même heure.
Cette nuit-là, je fis un rêve qui me confirma dans ma pensée. — J’errais dans un vaste édifice composé de plusieurs salles, dont les unes étaient consacrées à l’étude, d’autres à la conversation ou aux discussions philosophiques. Je m’arrêtai avec intérêt dans une des premières, où je crus reconnaître mes anciens maîtres et mes anciens condisciples. Les leçons continuaient sur les auteurs grecs et latins, avec ce bourdonnement monotone qui semble une prière à la déesse Mnémosyne. — Je passai dans une autre salle, où avaient lieu des conférences philosophiques. J’y pris part quelque temps, puis j’en sortis pour chercher ma chambre dans une sorte d’hôtellerie aux escaliers immenses, pleins de voyageurs affairés.
Je me perdis plusieurs fois dans les longs corridors, et, en traversant une des galeries centrales, je fus frappé d’un spectacle étrange. Un être d’une grandeur démesurée, — homme ou femme, je ne sais, — voltigeait péniblement au-dessus de l’espace et semblait se débattre parmi des nuages épais. Manquant d’haleine et de force, il tomba enfin au milieu de la cour obscure, accrochant et froissant ses ailes le long des toits et des balustres. Je pus le contempler un instant. Il était coloré de teintes vermeilles, et ses ailes brillaient de mille reflets changeants. Vêtu d’une robe longue à plis antiques, il ressemblait à l’Ange de la Mélancolie d’Albrecht Dürer. — Je ne pus m’empêcher de pousser des cris d’effroi, qui me réveillèrent en sursaut.
Le jour suivant, je me hâtai d’aller voir tous mes amis. Je leur faisais mentalement mes adieux, et, sans leur rien dire de ce qui m’occupait l’esprit, je dissertais chaleureusement sur des sujets mystiques ; je les étonnais par une éloquence particulière, il me semblait que je savais tout, et que les mystères du monde se révélaient à moi dans ces heures suprêmes.
Le soir, lorsque l’heure fatale semblait s’approcher, je dissertais avec deux amis, à la table d’un cercle, sur la peinture et sur la musique, définissant à mon point de vue la génération des couleurs et le sens des nombres. L’un d’eux, nommé Paul **, voulut me reconduire chez moi, mais je lui dis que je ne rentrais pas. « Où vas-tu ? me dit-il. — Vers l’Orient. » Et pendant qu’il m’accompagnait, je me mis à chercher dans le ciel une étoile, que je croyais connaître, comme si elle avait quelque influence sur ma destinée. L’ayant trouvée, je continuai ma marche en suivant les rues dans la direction desquelles elle était visible, marchant pour ainsi dire au-devant de mon destin, et voulant apercevoir l’étoile jusqu’au moment où la mort devait me frapper. Arrivé cependant au confluent de trois rues, je ne voulus pas aller plus loin. Il me semblait que mon ami déployait une force surhumaine pour me faire changer de place ; il grandissait à mes yeux et prenait les traits d’un apôtre. Je croyais voir le lieu où nous étions s’élever et perdre les formes que lui donnait sa configuration urbaine : — sur une colline, entourée de vastes solitudes, cette scène devenait le combat de deux Esprits et comme une tentation biblique. — Non ! disais-je, je n’appartiens pas à ton ciel. Dans cette étoile sont ceux qui m’attendent. Ils sont antérieurs à la révélation que tu as annoncée. Laisse-moi les rejoindre, car celle que j’aime leur appartient, et c’est là que nous devons nous retrouver !
Gérard de Nerval
Un devoir impérieux me forçait de retourner à Paris, mais je pris aussitôt la résolution de n’y rester que peu de jours et de revenir auprès de mes deux amies. La joie et l’impatience me donnèrent alors une sorte d’étourdissement qui se compliquait du soin des affaires que j’avais à terminer. Un soir, vers minuit, je remontais un faubourg où se trouvait ma demeure, lorsque, levant les yeux par hasard, je remarquai le numéro d’une maison éclairé par un réverbère. Ce nombre était celui de mon âge. Aussitôt, en baissant les yeux, je vis devant moi une femme au teint blême, aux yeux caves, qui me semblait avoir les traits d’Aurélia. Je me dis : — C’est sa mort ou la mienne qui m’est annoncée ! Mais je ne sais pourquoi j’en restai à la dernière supposition, et je me frappai de cette idée, que ce devait être le lendemain à la même heure.
Cette nuit-là, je fis un rêve qui me confirma dans ma pensée. — J’errais dans un vaste édifice composé de plusieurs salles, dont les unes étaient consacrées à l’étude, d’autres à la conversation ou aux discussions philosophiques. Je m’arrêtai avec intérêt dans une des premières, où je crus reconnaître mes anciens maîtres et mes anciens condisciples. Les leçons continuaient sur les auteurs grecs et latins, avec ce bourdonnement monotone qui semble une prière à la déesse Mnémosyne. — Je passai dans une autre salle, où avaient lieu des conférences philosophiques. J’y pris part quelque temps, puis j’en sortis pour chercher ma chambre dans une sorte d’hôtellerie aux escaliers immenses, pleins de voyageurs affairés.
Je me perdis plusieurs fois dans les longs corridors, et, en traversant une des galeries centrales, je fus frappé d’un spectacle étrange. Un être d’une grandeur démesurée, — homme ou femme, je ne sais, — voltigeait péniblement au-dessus de l’espace et semblait se débattre parmi des nuages épais. Manquant d’haleine et de force, il tomba enfin au milieu de la cour obscure, accrochant et froissant ses ailes le long des toits et des balustres. Je pus le contempler un instant. Il était coloré de teintes vermeilles, et ses ailes brillaient de mille reflets changeants. Vêtu d’une robe longue à plis antiques, il ressemblait à l’Ange de la Mélancolie d’Albrecht Dürer. — Je ne pus m’empêcher de pousser des cris d’effroi, qui me réveillèrent en sursaut.
Le jour suivant, je me hâtai d’aller voir tous mes amis. Je leur faisais mentalement mes adieux, et, sans leur rien dire de ce qui m’occupait l’esprit, je dissertais chaleureusement sur des sujets mystiques ; je les étonnais par une éloquence particulière, il me semblait que je savais tout, et que les mystères du monde se révélaient à moi dans ces heures suprêmes.
Le soir, lorsque l’heure fatale semblait s’approcher, je dissertais avec deux amis, à la table d’un cercle, sur la peinture et sur la musique, définissant à mon point de vue la génération des couleurs et le sens des nombres. L’un d’eux, nommé Paul **, voulut me reconduire chez moi, mais je lui dis que je ne rentrais pas. « Où vas-tu ? me dit-il. — Vers l’Orient. » Et pendant qu’il m’accompagnait, je me mis à chercher dans le ciel une étoile, que je croyais connaître, comme si elle avait quelque influence sur ma destinée. L’ayant trouvée, je continuai ma marche en suivant les rues dans la direction desquelles elle était visible, marchant pour ainsi dire au-devant de mon destin, et voulant apercevoir l’étoile jusqu’au moment où la mort devait me frapper. Arrivé cependant au confluent de trois rues, je ne voulus pas aller plus loin. Il me semblait que mon ami déployait une force surhumaine pour me faire changer de place ; il grandissait à mes yeux et prenait les traits d’un apôtre. Je croyais voir le lieu où nous étions s’élever et perdre les formes que lui donnait sa configuration urbaine : — sur une colline, entourée de vastes solitudes, cette scène devenait le combat de deux Esprits et comme une tentation biblique. — Non ! disais-je, je n’appartiens pas à ton ciel. Dans cette étoile sont ceux qui m’attendent. Ils sont antérieurs à la révélation que tu as annoncée. Laisse-moi les rejoindre, car celle que j’aime leur appartient, et c’est là que nous devons nous retrouver !
Gérard de Nerval
Nerval - Aurélia I
Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l’instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l’œuvre de l’existence. C’est un souterrain vague qui s’éclaire peu à peu, et où se dégagent de l’ombre et de la nuit les pâles figures gravement immobiles qui habitent le séjour des limbes. Puis le tableau se forme, une clarté nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres : – le monde des Esprits s’ouvre pour nous.
Swedenberg appelait ces visions Memorabilia ; il les devait à la rêverie plus souvent qu’au sommeil ; l’Ane d’or d’Apulée, la Divine Comédie du Dante, sont les modèles poétiques de ces études de l’âme humaine. Je vais essayer, à leur exemple, de transcrire les impressions d’une longue maladie qui s’est passée tout entière dans mon esprit ; — et je ne sais pourquoi je me sers de ce terme maladie, car jamais, quant à ce qui est de moi-même, je ne me suis senti mieux portant. Parfois, je croyais ma force et mon activité doublées ; il me semblait tout savoir, tout comprendre ; l’imagination m’apportait des délices infinies. En recouvrant ce que les hommes appellent la raison, faudra-t-il regretter de les avoir perdues ?…
Cette Vita nuova a eu pour moi deux phases. Voici les notes qui se rapportent à la première.
Une dame que j’avais aimée longtemps et que j’appellerai du nom d’Aurélia, était perdue pour moi. Peu importent les circonstances de cet événement qui devait avoir une si grande influence sur ma vie. Chacun peut chercher dans ses souvenirs l’émotion la plus navrante, le coup le plus terrible frappé sur l’âme par le destin ; il faut alors se résoudre à mourir ou à vivre : — je dirai plus tard pourquoi je n’ai pas choisi la mort. Condamné par celle que j’aimais, coupable d’une faute dont je n’espérais plus le pardon, il ne me restait qu’à me jeter dans les enivrements vulgaires ; j’affectai la joie et l’insouciance, je courus le monde, follement épris de la variété et du caprice : j’aimais surtout les costumes et les mœurs bizarres des populations lointaines, il me semblait que je déplaçais ainsi les conditions du bien et du mal ; les termes, pour ainsi dire, de ce qui est sentiment pour nous autres Français. — Quelle folie, me disais-je, d’aimer ainsi d’un amour platonique une femme qui ne vous aime plus ! Ceci est la faute de mes lectures : j’ai pris au sérieux les inventions des poètes, et je me suis fait une Laure ou une Béatrix d’une personne ordinaire de notre siècle… — Passons à d’autres intrigues et celle-là sera vite oubliée. — L’étourdissement d’un joyeux carnaval dans une ville d’Italie chassa toutes mes idées mélancoliques. J’étais si heureux du soulagement que j’éprouvais, que je faisais part de ma joie à tous mes amis, et, dans mes lettres, je leur donnais pour l’état constant de mon esprit ce qui n’était que surexcitation fiévreuse.
Un jour, arriva dans la ville une femme d’une grande renommée qui me prit en amitié, et qui, habituée à plaire et à éblouir, m’entraîna sans peine dans le cercle de ses admirateurs. Après une soirée où elle avait été à la fois naturelle et pleine d’un charme dont tous éprouvaient l’atteinte, je me sentis épris d’elle à ce point que je ne voulus pas tarder un instant à lui écrire. J’étais si heureux de sentir mon cœur capable d’un amour nouveau !… J’empruntais, dans cet enthousiasme factice, les formules mêmes qui, si peu de temps auparavant, m’avaient servi pour peindre un amour véritable et longtemps éprouvé. La lettre partie, j’aurais voulu la retenir, et j’allai rêver dans la solitude à ce qui me semblait une profanation de mes souvenirs.
Le soir rendit à mon nouvel amour tout le prestige de la veille. La dame se montra sensible à ce que je lui avais écrit, tout en manifestant quelque étonnement de ma ferveur soudaine. J’avais franchi, en un jour, plusieurs degrés des sentiments qu’on peut concevoir pour une femme avec apparence de sincérité. Elle m’avoua que je l’étonnais tout en la rendant fière. J’essayai de la convaincre ; mais, quoi que je voulusse lui dire, je ne pus ensuite retrouver dans nos entretiens le diapason de mon style, de sorte que je fus réduit à lui avouer, avec larmes, que je m’étais trompé moi-même en l’abusant. Mes confidences attendries eurent pourtant quelque charme, et une amitié plus forte dans sa douceur succéda à de vaines protestations de tendresse.
Gérard de Nerval
Swedenberg appelait ces visions Memorabilia ; il les devait à la rêverie plus souvent qu’au sommeil ; l’Ane d’or d’Apulée, la Divine Comédie du Dante, sont les modèles poétiques de ces études de l’âme humaine. Je vais essayer, à leur exemple, de transcrire les impressions d’une longue maladie qui s’est passée tout entière dans mon esprit ; — et je ne sais pourquoi je me sers de ce terme maladie, car jamais, quant à ce qui est de moi-même, je ne me suis senti mieux portant. Parfois, je croyais ma force et mon activité doublées ; il me semblait tout savoir, tout comprendre ; l’imagination m’apportait des délices infinies. En recouvrant ce que les hommes appellent la raison, faudra-t-il regretter de les avoir perdues ?…
Cette Vita nuova a eu pour moi deux phases. Voici les notes qui se rapportent à la première.
Une dame que j’avais aimée longtemps et que j’appellerai du nom d’Aurélia, était perdue pour moi. Peu importent les circonstances de cet événement qui devait avoir une si grande influence sur ma vie. Chacun peut chercher dans ses souvenirs l’émotion la plus navrante, le coup le plus terrible frappé sur l’âme par le destin ; il faut alors se résoudre à mourir ou à vivre : — je dirai plus tard pourquoi je n’ai pas choisi la mort. Condamné par celle que j’aimais, coupable d’une faute dont je n’espérais plus le pardon, il ne me restait qu’à me jeter dans les enivrements vulgaires ; j’affectai la joie et l’insouciance, je courus le monde, follement épris de la variété et du caprice : j’aimais surtout les costumes et les mœurs bizarres des populations lointaines, il me semblait que je déplaçais ainsi les conditions du bien et du mal ; les termes, pour ainsi dire, de ce qui est sentiment pour nous autres Français. — Quelle folie, me disais-je, d’aimer ainsi d’un amour platonique une femme qui ne vous aime plus ! Ceci est la faute de mes lectures : j’ai pris au sérieux les inventions des poètes, et je me suis fait une Laure ou une Béatrix d’une personne ordinaire de notre siècle… — Passons à d’autres intrigues et celle-là sera vite oubliée. — L’étourdissement d’un joyeux carnaval dans une ville d’Italie chassa toutes mes idées mélancoliques. J’étais si heureux du soulagement que j’éprouvais, que je faisais part de ma joie à tous mes amis, et, dans mes lettres, je leur donnais pour l’état constant de mon esprit ce qui n’était que surexcitation fiévreuse.
Un jour, arriva dans la ville une femme d’une grande renommée qui me prit en amitié, et qui, habituée à plaire et à éblouir, m’entraîna sans peine dans le cercle de ses admirateurs. Après une soirée où elle avait été à la fois naturelle et pleine d’un charme dont tous éprouvaient l’atteinte, je me sentis épris d’elle à ce point que je ne voulus pas tarder un instant à lui écrire. J’étais si heureux de sentir mon cœur capable d’un amour nouveau !… J’empruntais, dans cet enthousiasme factice, les formules mêmes qui, si peu de temps auparavant, m’avaient servi pour peindre un amour véritable et longtemps éprouvé. La lettre partie, j’aurais voulu la retenir, et j’allai rêver dans la solitude à ce qui me semblait une profanation de mes souvenirs.
Le soir rendit à mon nouvel amour tout le prestige de la veille. La dame se montra sensible à ce que je lui avais écrit, tout en manifestant quelque étonnement de ma ferveur soudaine. J’avais franchi, en un jour, plusieurs degrés des sentiments qu’on peut concevoir pour une femme avec apparence de sincérité. Elle m’avoua que je l’étonnais tout en la rendant fière. J’essayai de la convaincre ; mais, quoi que je voulusse lui dire, je ne pus ensuite retrouver dans nos entretiens le diapason de mon style, de sorte que je fus réduit à lui avouer, avec larmes, que je m’étais trompé moi-même en l’abusant. Mes confidences attendries eurent pourtant quelque charme, et une amitié plus forte dans sa douceur succéda à de vaines protestations de tendresse.
Gérard de Nerval
mardi 2 novembre 2010
电影改变人生 V
王樽:在你的电影中呈现着具有纪录片特质的风格,你本人也拍摄了不少纪录片,现在的纪录片在中国几乎没有市场,大多数进不了发行和影院,拍纪录片对你最大的诱惑是什么?
贾樟柯:纪录片是实验性最强的电影品种,现在纪录片专题性越来越强,但是实际上纪录片有一个魅力,就是它的实验性越来越强,你可以自由地来处理这个形式。我拍纪录片,可以把对于电影语言新的认识、新的把握、新的实践放到里面,这是一个方面。另外一个方面,纪录片不管它的效果怎么样,拍摄过程可以维持一个导演的敏感度,因为你发现新的视觉元素、发现新的人群,进入到新的你不了解的人群里面和空间里面,纪录片对你有一种帮助。如果你不去做,你很少有时间安排自己去旅行,没有人会主动干这个事情。现在我就是拍一部纪录片,拍一部长片。其实,最后那些纪录片能不能上映、反响怎么样、影响怎么样我并不在意,而是从职业的角度,维持一个导演对光线的新认识、对新的空间的认识、对人的认识,它特别有好处,同时你可以寻找更新的语言方法。
王樽:更新的语言方法指的是什么?
贾樟柯:比如我拍《公共场所》的时候,第一次用数码,我想看看数码有些什么好的特点。后来《公共场所》的很多方法都用到了《任逍遥》里面,以前拍摄很难做到那种大幅度的调动,从楼下一直到楼上再下了楼,整个大幅度的运动,以前摄影是不可能出现的,拍纪录片就可以掌握这个东西,最后会把它放到故事片里面。拍摄《三峡好人》时也有运用,怎样把戏剧放在一个真实的空间里面发生,那个空间里的人该干吗干吗,但是我的戏在那里展开。
还有,它会促使你发现生活中最真实的东西,平时意想不到的东西,拍《公共场所》的时候,我发现,你拍到真正的公共场所的时候,气氛有时候是冷的。以前我们想到火车站,气氛一定是沸腾的,但是如果你真的没有打扰火车站的那些人们,很自然地去拍摄,你会发现其实是冷,那么多疲倦的人,整个语言你都听不清,所以呈现的是一种冷的状态。有时候,你想象的真实,还只是真实的气氛。我以前一想写火车站的剧本,一定是热闹非凡的,三教九流穿梭,但是真的拍摄下来的时候,进入那个空间它是冷的,有一刹那的热就是火车进站排队的时候,其他的时候都是冷的。
王樽:你说的冷,主要来自于内心的感受。阿城写到火车站时说:车站是乱得不能再乱了,所有的人都在说话。
贾樟柯:我以前拍电影的时候,拍群众场面,肯定是调动一百个群众演员在跑,在穿插,为什么只能这么拍,为什么不能那样拍?拍摄火车站的经验,唤起我很多对空间的理解。
王樽:有一次,采访贾平凹时,问他对拍电影的认识,他说他本来也对拍电影感兴趣,但看了一次现场拍摄,一个镜头要反复好几遍,还要与那么多人打交道,他立即望而却步。与文学创作和其他行当不同,拍电影是个太过繁杂的事情,创作漫长,经过多少努力,说不定某个环节的原因一下就下马了,而千辛万苦拍出来命运也难测定,《小武》、《站台》、《任逍遥》至今没能在内地公映,《世界》进入了院线放映又遭遇不少负面评论,在电影圈里真正坚持到底的人凤毛麟角。在我看来,对某一作品保持长久的激情,对某种电影风格保持长久的激情,都是非常难的事情,是什么原因让你痴迷其中?
贾樟柯:工作本身是很有快感的,我觉得什么都代替不了拍电影本身的一种快乐,这个工作让人赏心悦目。像《世界》给我带来的快乐是,我会带它走遍全世界,会发现不同地域的人对这部电影有不同的反应。这个文化差异、认识差异里面会让人想更多的事情,我觉得电影可以帮助我成熟、成长,我每拍完一部电影,跟着电影走一圈,都像去进修。其实,我大学之后的学习,主要来自于我跟自己的电影走。然后你碰到不同的人,碰到不同的评价,听人家讲,我觉得这个过程是一个快乐的学习过程。而且,也是一个很快乐的发现自己的过程。有一次,我在韩国的时候,有个女评论家采访我,她说为什么你的电影里面的女主角后来走掉了,因为《小武》里的梅梅走掉了,《站台》里的钟情走掉了,《任逍遥》里的巧巧走掉了。她问,你为什么让她们走掉。我也在想,我也不是有意的。的确是,她说得很对。所以它也是帮我了解自己的一个过程。
王樽:你的电影和别人的电影构成了你和世界的关系,电影让你认识自己,你也从电影中认识别人,实际上,电影成了你自己生活的主要部分,甚至成了你的生活。它在哪些方面改变了你的性格?
贾樟柯:因为电影,我找到了自己的生活目标,这个不去说它了,它对我性格的改变还是挺大的。过去的时候,我比较内向,跟熟悉的人爱说话,跟不熟的人、第一次见面的人,我一句话都不说,当导演肯定不能这样,你要跟人打交道,特别是拍纪录片,你要跟陌生人打交道,你必须要拍人家,这种改变是性格的改变。
还有一点也是电影对我的改变,我以前逻辑性很差,说话没有条理,很多人认为导演很激动,其实导演是非常理性的工作,拍戏有个很大的问题,就是连接的问题,上一场和下一场怎么接,不是激动就能完成的,是需要非常冷静去铺排的,这方面我比以前好了很多,变得很有条理。
王樽:福克纳一生都是在写他家乡像邮票大的地方,写成了世界级的文学大师;米沃什也说他始终保持着小地方人的审慎;在目前的中国电影人里,你是唯一只拍摄自己故乡的导演,《世界》虽然把环境移植到了北京,但仍是表现你故乡人的生存状态。国外一些影评人说,贾樟柯发现了中国的乡镇。在我们看你的电影时,这种感受也很鲜明,因为过去我们不大重视的一个阶层,一个巨大存在,基本上被你演绎了出来。
同时,我也有点隐忧,就是电影毕竟不同于文学,它必须有巨大的经济后盾支撑,它很难像福克纳和米沃什一样“始终保持着小地方人的审慎”。我发现,其实你也在寻求更多表现的可青色。
贾樟柯:乡镇是中国最普遍的地理区域,也是城市跟乡村的纽带,通过乡镇可以拍到一个全面、完整的真实情况,这是一部分。另外部分,就像我刚才所说的,我不喜欢被人家命名,因为每个导演都不能被人家固定到某个美学地理区域,说你这个人非得必要拍山西、非得必要拍乡镇,我觉得导演是自由的,你要能够在各种区域里面都能拍出感觉,你不能只在汾阳才有感觉,跑到奉节就没感觉了。
有很多导演特别喜欢对号入座,最后令自己的片子越做越小、越做越封闭。我觉得自己脑子里的电影世界挺丰富的,但是电影要一部一部地拍,慢慢来。
我总强调我的工作才刚开始,在电影这行里,知足一点说,是属于超级幸运的,没有走任何弯路,电影拍摄的连续性没有受到任何中断,产量算是比较大。从1997年到现在,我拍电影八年,已经有了五部长片,我觉得这个速度还不错,但是对我来说,我觉得真的才刚刚开始。包括我跟你说的与朱丽叶·比诺什合作的,戏剧性非常强,那是二十年代大革命的时代,整个历史的时间、地理的场景、人群都发生了很大的变化,未来的计划里面要改变它的环境,当然我也会有很多东西回到原来的场景里面去。
王樽:艺术史上,也有很多艺术家因转型而失败的例子,对你以后拍摄的改变有没有疑虑,担忧自己拍了之后会不被认可?
贾樟柯:我不会担忧。其实人们不知道我的一个秘密,比如人们说《站台》拍得怎么好,说这小子对历史的记忆太清晰了。其实有一个秘密,我没有告诉大家,不是我记得清楚,所有东西都是想象。
当然记忆也是一部分,《小武》也好,《站台》也好,自身的记忆是很重要的一部分,另外一个对过去时代、对当下时代的想象,归根到底电影还是个想象的产物,只要我觉得自己的想象不会被中断,我不会有什么大的变化。
现在拍完《三峡好人》,我觉得有个很大的变化,我感觉到根据生理性的感觉拍电影,就是把自己生理的感受融人到电影里面,我现在还说不清楚是什么意思。包括我拍演员,跟以前的方法完全不一样了,以前大家吭哧吭哧拍戏,现在则是每个演员我都要找他生理状况最好的时刻,就是最符合那个时刻的,这个变化还是比较快的。
其实想象也不算是我的什么秘密,只是大家有个误解。我觉得跟各种各样的同行接触,我感受到中国的同行跟国外的同行有很大的差异。我觉得对电影媒介的理解,
们中国导演比较不自觉,对媒介的理解上不强烈,不是说大家不理解不去认识,而是不强烈、不自觉。
比如说,有一次阿萨亚斯到上海,我建议他去苏州看一看,回来之后我们聊了一晚,他从苏州园林的感觉谈到电影的关系,他觉得苏州园林很多门就像变焦镜头,这个很简单的对建筑的理解,是工作、思考习惯总与电影美学的理解保持联系的一种体现。这几年,中国纪录片里面拍了很多非常好的东西,但是你总觉得只是拍了一半的好电影,就是电影里面自觉性和电影本身的东西不够。我为什么会谈到这个问题,我认为一个导演如果想有持久的创造力,能经过创造里面的起起伏伏,最后拍那么多的电影,有那么完整的电影世界,实际这不是单靠天性才能够支持的,一定要对媒介本身有自己不间断的思考和想象过程。
比如八十年代有很多风华正茂的导演,很快就都没有了,我觉得这并不单是社会的原因,或者是其他的原因,我觉得是自身电影文化的准备不够,因为你凭着热情和天性可以拍一阵子,对电影的认识往往也跟对生活的认识是联系在一起的,当你对生活的体感减弱变得不敏感之后,对电影方法也就不理解了,它们是互补的是共存的。
王樽:我看过《新桥恋人》导演卡拉克斯的一个访谈,他的电影很少,他说主要原因是他必须找到自己热爱的女主角才能拍电影,他的动力就来自这里。你拍电影的主要动力来自哪里?
贾樟柯:也是来自人。因为每部电影里都有一个人物形象让我特别想拍下去,比如《小武》里面的人物,他的自由劲和不自由劲,就让我特别的想拍;《站台》、《任逍遥》、《世界》、《三峡好人》也是一样。不管对空间、建筑怎么着迷,最后拍电影还是为了拍人。
王樽:在你拍的人里面,没有一般电影那样光彩照人的大明星,你感兴趣的人经常是类似于小武这样比较边缘和底层的人。
贾樟柯:我只对真人感兴趣,所谓真人很简单,说人话,做人事。
Entretien avec 贾樟柯 Jia Zhang Ke réalisé en janvier 2006, trouvé ici.
贾樟柯:纪录片是实验性最强的电影品种,现在纪录片专题性越来越强,但是实际上纪录片有一个魅力,就是它的实验性越来越强,你可以自由地来处理这个形式。我拍纪录片,可以把对于电影语言新的认识、新的把握、新的实践放到里面,这是一个方面。另外一个方面,纪录片不管它的效果怎么样,拍摄过程可以维持一个导演的敏感度,因为你发现新的视觉元素、发现新的人群,进入到新的你不了解的人群里面和空间里面,纪录片对你有一种帮助。如果你不去做,你很少有时间安排自己去旅行,没有人会主动干这个事情。现在我就是拍一部纪录片,拍一部长片。其实,最后那些纪录片能不能上映、反响怎么样、影响怎么样我并不在意,而是从职业的角度,维持一个导演对光线的新认识、对新的空间的认识、对人的认识,它特别有好处,同时你可以寻找更新的语言方法。
王樽:更新的语言方法指的是什么?
贾樟柯:比如我拍《公共场所》的时候,第一次用数码,我想看看数码有些什么好的特点。后来《公共场所》的很多方法都用到了《任逍遥》里面,以前拍摄很难做到那种大幅度的调动,从楼下一直到楼上再下了楼,整个大幅度的运动,以前摄影是不可能出现的,拍纪录片就可以掌握这个东西,最后会把它放到故事片里面。拍摄《三峡好人》时也有运用,怎样把戏剧放在一个真实的空间里面发生,那个空间里的人该干吗干吗,但是我的戏在那里展开。
还有,它会促使你发现生活中最真实的东西,平时意想不到的东西,拍《公共场所》的时候,我发现,你拍到真正的公共场所的时候,气氛有时候是冷的。以前我们想到火车站,气氛一定是沸腾的,但是如果你真的没有打扰火车站的那些人们,很自然地去拍摄,你会发现其实是冷,那么多疲倦的人,整个语言你都听不清,所以呈现的是一种冷的状态。有时候,你想象的真实,还只是真实的气氛。我以前一想写火车站的剧本,一定是热闹非凡的,三教九流穿梭,但是真的拍摄下来的时候,进入那个空间它是冷的,有一刹那的热就是火车进站排队的时候,其他的时候都是冷的。
王樽:你说的冷,主要来自于内心的感受。阿城写到火车站时说:车站是乱得不能再乱了,所有的人都在说话。
贾樟柯:我以前拍电影的时候,拍群众场面,肯定是调动一百个群众演员在跑,在穿插,为什么只能这么拍,为什么不能那样拍?拍摄火车站的经验,唤起我很多对空间的理解。
王樽:有一次,采访贾平凹时,问他对拍电影的认识,他说他本来也对拍电影感兴趣,但看了一次现场拍摄,一个镜头要反复好几遍,还要与那么多人打交道,他立即望而却步。与文学创作和其他行当不同,拍电影是个太过繁杂的事情,创作漫长,经过多少努力,说不定某个环节的原因一下就下马了,而千辛万苦拍出来命运也难测定,《小武》、《站台》、《任逍遥》至今没能在内地公映,《世界》进入了院线放映又遭遇不少负面评论,在电影圈里真正坚持到底的人凤毛麟角。在我看来,对某一作品保持长久的激情,对某种电影风格保持长久的激情,都是非常难的事情,是什么原因让你痴迷其中?
贾樟柯:工作本身是很有快感的,我觉得什么都代替不了拍电影本身的一种快乐,这个工作让人赏心悦目。像《世界》给我带来的快乐是,我会带它走遍全世界,会发现不同地域的人对这部电影有不同的反应。这个文化差异、认识差异里面会让人想更多的事情,我觉得电影可以帮助我成熟、成长,我每拍完一部电影,跟着电影走一圈,都像去进修。其实,我大学之后的学习,主要来自于我跟自己的电影走。然后你碰到不同的人,碰到不同的评价,听人家讲,我觉得这个过程是一个快乐的学习过程。而且,也是一个很快乐的发现自己的过程。有一次,我在韩国的时候,有个女评论家采访我,她说为什么你的电影里面的女主角后来走掉了,因为《小武》里的梅梅走掉了,《站台》里的钟情走掉了,《任逍遥》里的巧巧走掉了。她问,你为什么让她们走掉。我也在想,我也不是有意的。的确是,她说得很对。所以它也是帮我了解自己的一个过程。
王樽:你的电影和别人的电影构成了你和世界的关系,电影让你认识自己,你也从电影中认识别人,实际上,电影成了你自己生活的主要部分,甚至成了你的生活。它在哪些方面改变了你的性格?
贾樟柯:因为电影,我找到了自己的生活目标,这个不去说它了,它对我性格的改变还是挺大的。过去的时候,我比较内向,跟熟悉的人爱说话,跟不熟的人、第一次见面的人,我一句话都不说,当导演肯定不能这样,你要跟人打交道,特别是拍纪录片,你要跟陌生人打交道,你必须要拍人家,这种改变是性格的改变。
还有一点也是电影对我的改变,我以前逻辑性很差,说话没有条理,很多人认为导演很激动,其实导演是非常理性的工作,拍戏有个很大的问题,就是连接的问题,上一场和下一场怎么接,不是激动就能完成的,是需要非常冷静去铺排的,这方面我比以前好了很多,变得很有条理。
王樽:福克纳一生都是在写他家乡像邮票大的地方,写成了世界级的文学大师;米沃什也说他始终保持着小地方人的审慎;在目前的中国电影人里,你是唯一只拍摄自己故乡的导演,《世界》虽然把环境移植到了北京,但仍是表现你故乡人的生存状态。国外一些影评人说,贾樟柯发现了中国的乡镇。在我们看你的电影时,这种感受也很鲜明,因为过去我们不大重视的一个阶层,一个巨大存在,基本上被你演绎了出来。
同时,我也有点隐忧,就是电影毕竟不同于文学,它必须有巨大的经济后盾支撑,它很难像福克纳和米沃什一样“始终保持着小地方人的审慎”。我发现,其实你也在寻求更多表现的可青色。
贾樟柯:乡镇是中国最普遍的地理区域,也是城市跟乡村的纽带,通过乡镇可以拍到一个全面、完整的真实情况,这是一部分。另外部分,就像我刚才所说的,我不喜欢被人家命名,因为每个导演都不能被人家固定到某个美学地理区域,说你这个人非得必要拍山西、非得必要拍乡镇,我觉得导演是自由的,你要能够在各种区域里面都能拍出感觉,你不能只在汾阳才有感觉,跑到奉节就没感觉了。
有很多导演特别喜欢对号入座,最后令自己的片子越做越小、越做越封闭。我觉得自己脑子里的电影世界挺丰富的,但是电影要一部一部地拍,慢慢来。
我总强调我的工作才刚开始,在电影这行里,知足一点说,是属于超级幸运的,没有走任何弯路,电影拍摄的连续性没有受到任何中断,产量算是比较大。从1997年到现在,我拍电影八年,已经有了五部长片,我觉得这个速度还不错,但是对我来说,我觉得真的才刚刚开始。包括我跟你说的与朱丽叶·比诺什合作的,戏剧性非常强,那是二十年代大革命的时代,整个历史的时间、地理的场景、人群都发生了很大的变化,未来的计划里面要改变它的环境,当然我也会有很多东西回到原来的场景里面去。
王樽:艺术史上,也有很多艺术家因转型而失败的例子,对你以后拍摄的改变有没有疑虑,担忧自己拍了之后会不被认可?
贾樟柯:我不会担忧。其实人们不知道我的一个秘密,比如人们说《站台》拍得怎么好,说这小子对历史的记忆太清晰了。其实有一个秘密,我没有告诉大家,不是我记得清楚,所有东西都是想象。
当然记忆也是一部分,《小武》也好,《站台》也好,自身的记忆是很重要的一部分,另外一个对过去时代、对当下时代的想象,归根到底电影还是个想象的产物,只要我觉得自己的想象不会被中断,我不会有什么大的变化。
现在拍完《三峡好人》,我觉得有个很大的变化,我感觉到根据生理性的感觉拍电影,就是把自己生理的感受融人到电影里面,我现在还说不清楚是什么意思。包括我拍演员,跟以前的方法完全不一样了,以前大家吭哧吭哧拍戏,现在则是每个演员我都要找他生理状况最好的时刻,就是最符合那个时刻的,这个变化还是比较快的。
其实想象也不算是我的什么秘密,只是大家有个误解。我觉得跟各种各样的同行接触,我感受到中国的同行跟国外的同行有很大的差异。我觉得对电影媒介的理解,
们中国导演比较不自觉,对媒介的理解上不强烈,不是说大家不理解不去认识,而是不强烈、不自觉。
比如说,有一次阿萨亚斯到上海,我建议他去苏州看一看,回来之后我们聊了一晚,他从苏州园林的感觉谈到电影的关系,他觉得苏州园林很多门就像变焦镜头,这个很简单的对建筑的理解,是工作、思考习惯总与电影美学的理解保持联系的一种体现。这几年,中国纪录片里面拍了很多非常好的东西,但是你总觉得只是拍了一半的好电影,就是电影里面自觉性和电影本身的东西不够。我为什么会谈到这个问题,我认为一个导演如果想有持久的创造力,能经过创造里面的起起伏伏,最后拍那么多的电影,有那么完整的电影世界,实际这不是单靠天性才能够支持的,一定要对媒介本身有自己不间断的思考和想象过程。
比如八十年代有很多风华正茂的导演,很快就都没有了,我觉得这并不单是社会的原因,或者是其他的原因,我觉得是自身电影文化的准备不够,因为你凭着热情和天性可以拍一阵子,对电影的认识往往也跟对生活的认识是联系在一起的,当你对生活的体感减弱变得不敏感之后,对电影方法也就不理解了,它们是互补的是共存的。
王樽:我看过《新桥恋人》导演卡拉克斯的一个访谈,他的电影很少,他说主要原因是他必须找到自己热爱的女主角才能拍电影,他的动力就来自这里。你拍电影的主要动力来自哪里?
贾樟柯:也是来自人。因为每部电影里都有一个人物形象让我特别想拍下去,比如《小武》里面的人物,他的自由劲和不自由劲,就让我特别的想拍;《站台》、《任逍遥》、《世界》、《三峡好人》也是一样。不管对空间、建筑怎么着迷,最后拍电影还是为了拍人。
王樽:在你拍的人里面,没有一般电影那样光彩照人的大明星,你感兴趣的人经常是类似于小武这样比较边缘和底层的人。
贾樟柯:我只对真人感兴趣,所谓真人很简单,说人话,做人事。
Entretien avec 贾樟柯 Jia Zhang Ke réalisé en janvier 2006, trouvé ici.
电影改变人生 IV
王樽:在你拍摄的电影里面,焦点都是对准小人物、寻常百姓的生活。我注意到,你选择的十部喜欢的电影,也多是表现某个小人物的困境,比如像《死囚越狱》整个就是一个被囚禁的人试图冲破牢笼的努力,某个人或某个阶层的人被封闭,然后试图冲出去,个人和环境和外界的冲突。不知道你是有意还是无意,选择这些电影跟你生活的经历有没有一些潜在的联系?
贾樟柯:我觉得跟我直接的生活经验有关系。因为我看到太多人和事都处在个人的困境里面,不管那个时代是怎么样的,个人的困境是永远的。比如今天是最美好的时代,每个人生命经验里面最美好的时代都不一样,而且每个人的时代都是最美好的。我觉得我最美好的时代是看那些录像片的时候,你想想1984、1985年,在汾阳看录像片,和人家打架完以后,转头就可以从路边书摊里买到尼采的书。
但是那么好的时代里面人人都有困境,可能十块钱就能“困”住一个人,可能一百块钱就能“困”住一个人,可能当兵不当兵就决定了个人一生命运的选择。所以我觉得我身边的人都很被动,生活里面选择的余地不多、折腾的余地也不多,折腾来折腾去,不就是高中考不上去当兵,就这么一点选择吗?我觉得这是年轻人一种普遍的情况,这也是中国人普遍的情况,真的没有那么多选择。
《任逍遥》在戛纳首映的时候,我出席一个记者会,有个中央电视台电影频道的记者发问,那个记者站起来就说:“我特别讨厌这部电影,这部电影是一个谎言!我们现在大陆年轻人学电脑、学英语、出国,生活多姿多彩,为什么你不去拍那些人,而只是拍这些人呢!?”中文说完,这个记者又用英文说了一遍,我真是觉得无言以对。当时我告诉他,这两个孩子真实的情况是怎样的,他们就处在这样的情况里面。后来,我回来就想,其实我不会怪这个记者,因为在今天中国的生活,现实对每个人太不一样了。对于有些家庭来说,的确像他说的一样。有些孩子中学就去英国读书了,这些人太多了。但是问题不在于大家所处的现实不一样,问题是为什么一种现实的人不接受、不承认另一种现实生活的人,甚至不承认他们在活着,这实在太残酷了。你自己可以学英语出国,那你就能否定那么多人的生活吗?你的生活就是全部中国人的生活吗?就是一种自大、对生活缺少应有的敬畏,哪怕是你质疑还有这样的生活都可以,但你不能毫不犹豫地说,那是一个谎言。
我觉得这是一个非常让人担忧的事情,反过来你要想,这也是电影特别需要做的,电影应该呈现不同的现实。在电影这个平台上,大家都来看和了解还有不同的现实。如果我们说电影除了娱乐别人,还有很多有意思的事情,最起码开拓一个人的见识也是电影很好的一个功能。你不可能去代替一个矿工的生活,但是你可以看一部矿工的电影,你不可能代替公园保安的生活,不能去当保安,但是你可以了解有些人还封闭在里面,在随波逐流。电影除了从感官上娱乐以外,还应该有这样一种观影的需求、诉求在里面。
王樽:当《世界》在深圳放映的时候,我曾邀请有个做图书的朋友去看,他问我《世界》讲的什么内容,我告诉他之后,他竟说,我再也不想看到自己过去那段生活。对他来说,那是他不堪回首的心灵之痛。当时我就很有感触,也许是你的影片离现实太近了,让那些尚未完全拉开距离的人如芒在背。对于很多中国观众来说,确实有这种现实,甚至大多数人都这样生活。但他们中间很多人不爱看或不愿看这些过于底层的状态,他们可能更喜欢梦幻性的,比如《英雄》、《无极》这样虚幻的电影。
贾樟柯:我觉得这是阶段性的,观众不喜欢,不等于你就要停止拍摄。。我觉得当生活的严酷性、压力逐渐随着社会比较合理地发展、协调之后可能会好一点。就像你那位做图书的朋友说的,不愿意再回头看自己过去的生活一样,这是一个很简单的镜像理论,有人喜欢照镜子,有人不喜欢照镜子。
王樽:我自己非常喜欢《世界》,在深圳看完首映时,还曾给你发短信息,觉得是你最富寓意,也是年度最有良心的中国电影。但该片放映后舆论形成了两极,票房也不尽如人意,一些我很好的朋友也出乎意料的不喜欢,这使我想到《小武》和《站台》,它们在刚刚出笼的时候好像也遭遇过恶评。
贾樟柯:回顾我的电影在中国的传播过程,每一部电影被普遍接受都是经过两三年,像《小武》刚刚拍完之后,在北京搞了几个放映会,恶评如潮,说我乱七八糟,基本上不会拍电影。有我大学的朋友甚至拍拍我的肩膀说,你拍得挺好,但是并不是每个人都可以当导演。他也是为我好,是想让我踏实地生活,不要再做电影梦,但是两年之后,再也没有人说这部电影不好;《站台》也一样,在威尼斯推出以后,在北京搞放映,很多人说我浪费了一个题材,说的确值得拍,但怎么拍得一点故事没有、拖拖拉拉。所以,《世界》这种接受的过程我特别的有心理准备,因为这种情况不是一次,每次都是。
王樽:这其中是什么原因在起作用,是其中手法或观念意识太过超前,还是与生活太过贴近,以至人们无法看得更清楚?
贾樟柯:我并不觉得是那些电影的手法问题,而是电影所呈现人的存在情况,我觉得可能太同步了,接受起来会有问题。此时此刻这个人正在过这样的生活,看这部电影也在讲这样的生活,同步的对应,可能很多人会在心理上有很大的拒绝。
王樽:每个导演所喜欢的影片都和自己的内在趣味风格有关,像布莱松、德·西卡、小津安二郎、侯孝贤到你自己,应该说内在精神和影像风格一脉相承,我们通常称为作者导演,相对于更大众化的导演,你们的观众相对要少。比如,你最喜欢的布莱松的《死囚越狱》,如放在今天的电影院里,会把不少观众急死。在不少导演纷纷向大众趣味倒戈的时候,在电影越来越商业化的时代,坚持自己的美学风格已成了十分奢侈和极其艰难的事情。在投资商要求下,你会在多大程度上改变自己的风格,以让更多的人去看你的电影?
贾樟柯:我可以在很多方面去折衷,比如说,现在的电影院线系统,超过两个小时的电影,会很难被观众接受,所以我就控制在两个小时之内;比如说数字立体声很受欢迎,我觉得做到这点对我来说并不难。甚至我觉得包括演员,有影响力的演员,他来演也可以,这都不会损害一部电影。像侯孝贤的电影大都是用明星,但丝毫不影响他电影的艺术价值,我接下来也有用大众明星的打算。
说到尽量让更多的观众去接受,以及迎合观众趣味的打算,我是这样认识,首先,我觉得一部作品在文化上的作用和影响,并不能以它影响多少具体人来评价,有一百万人在观看和一万人在观看,并没有什么本质的差别,在文化上不能用数量来衡量,我自己不应该会迎合什么,也很难迎合,就是干自己的吧。
王樽:有个现象似乎在电影和现实里很相似,那些在生活中为人谦卑、平易近人的人多是没什么权力的人,如果他们有权力就可以让那些卑微的小人物过得更好,但他们没有权力就只能给小人物以精神上的体贴和安慰。电影导演似乎也是如此,那些关注底层关注小人物的导演,也多是很卑微的,像小津安二郎死时只在墓碑上写个“无”字,除了电影给我们心灵带来慰藉外,不能改变人们更多,不像一些商业大导演。
贾樟柯:在国内的环境里面,我更爱说,我喜欢的导演都是没有权力感的。就是一个普通人,做这份职业、拍这份感受这么简单。包括现在电影行业里面存在着很多词我都特别不喜欢,比如“仍然是第几代掌控电影局面”,为什么要说掌控呢?它不是一个权力秩序,任何东西当它最后变成一个权力秩序以后,我就特别讨厌它。
由此,有时候我会发一些怪论,比如我觉得信仰这个东西,对信仰的忠诚,往往只有“信”没有“思”是不对的,只强调“信”不强调“思”是不对的,你不是盲目的吗?还有信仰电影,怎么能信仰电影呢?这是一个问题。我一直拒绝命名,你不拒绝命名就把自己放到某个权力秩序里了,你真的以为你自己是某个东西,你就把自己放到了电影之外。
中国电影有太多跟权力在一起的关系,从业人员自身的权力感,这些东西都非常讨厌,说到底,我一直在强调,我跟非常多的人一起聊过法西斯性的东西,他们都不写,可能觉得我是在危言耸听,但我觉得这点非常值得我们警惕,现在我们电影里面存在的法西斯性,和观众对法西斯性电影的追捧,这两个东西合在一起,非常可怕。
从八十年代到现在这么多思想解放和文化运动,这么多的文化学习,二十多年过去了,我实在都搞不明白为什么,按理说一个社会结构,一个日益现代化的国家结构,经过二十多年的改革以后,应该有新的改变。我现在看到年轻人更崇拜权力,真是太可怕了。
王樽:现代化的推进并没有改变中国骨子里的封建烙印,人们追逐权力,是因为权力本身可以带来太多的实惠和好处。比如,在深圳这个所谓改革开放的窗口城市,一个普通的科员可能每个月只能拿到三四千块钱,而科长却可以拿高过科员几倍的收入,科长还不用像科员那样辛苦劳神,还能发号施令,还有譬如出国考察、接受馈赠的各种隐形收入。比科长更高层的再翻几倍,最基层干活的收入最低,权力带来金钱和各种好处,结果人们疯狂地追逐权力。
贾樟柯:电影圈也是如此,权力带来太多世俗的好处,权力是有魅力的,因此人们崇拜权力。
王樽:你喜欢的一部早期的默片叫《北方的纳努克》,一个在北极工作的法国军官拍摄的纪录片,它很粗砺也很原始,它在哪些方面触动了你?
贾樟柯:我觉得它有光彩,它的光彩就在于它的粗砺,或者说粗砺反射了它的光彩,我觉得这部电影有曝光的感觉,因为电影这个媒介是需要光的,没有光就玩不转,所以你看到它曝光过了、或者曝光不够,那么原始使用的媒介本身,我觉得它让我感觉重新回到了刚有电影时候。你对电影的理解,因为现在太工业化了,技术太完整了,所以就让你忘记了光、戏剧的光、自然光效,这是一种感光的感觉。我觉得有一种电影的神奇在里面,一个物质感光之后会把影子留下来,我特别喜欢回到艺术最初的快乐上,我觉得电影最初的快乐绝对不是它能拍摄戏剧,像《教父》啊,像文学性很强的电影,我不是说这些电影不好,我是说电影最初的画面,你把一个跑过来的火车拍下来了,然后拿回去就可以放了,我觉得这不是一种杂耍性,当然它有杂耍的成分在里面,我觉得这是电影媒介里面天性的一种快乐。为什么我在拍电影时那么喜欢抓拍,那么喜欢即兴的拍,我想给大家带来最早拍摄下来的快乐。
电影本身是有生命感的,我觉得生命感有两部分,一个是人是有生命的,它不是死板的、而是自然的,比如像王宏伟那样,总是歪着走路,这是一种生命力。还有你使用媒介的时候,激活媒介本身的生命感,可能拍下来的时候,拍得很匆忙,可能显影、曝光都不是很完美,但是你留住了影像本身的激动,整个就用电影呈现出来,媒介本身有生命力,我觉得不能少了媒介本身的生命力的感觉。像戈达尔的电影为什么那么生动,就是因为他拎着机器随便拍,他对工业的反叛激活了电影本身的生命力,使电影本身变得有生命感。
王樽:故事、情节反而退到其次。除了你刚才所说的感觉以外,对《北方的纳努克》表现的内容有没有触动?
贾樟柯:也有。那种原始的、自然的关系,人和环境的抗争。
王樽:人们对《世界》的负面评价里,很多人都说影像大粗糙了,因粗糙的画面让人认为影片很廉价。我知道那是你追求的影像效果,它们和普通大众的趣味还是有距离。
贾樟柯:这就回到了我们前面聊到的,追求视觉效果的理解,比如说德国表现主义的那种绘画,跟非常写实的人物肖像比,大家一定‘会非常喜欢人物的肖像,那个人皮肤画得很细很逼真,而那个人画得跟鬼一样。在我们这里,大家觉得好看的影像,可能就是八十年代装修的时候,要呈现的一种挂历风光片,这是大众心目当中最完美的视觉形象,但实际上你在绘画传统或者是摄影传统里面,比如说像佛罗依德的画,那样一种视觉的口味可能是大众接受不了的,但是对于一个制造者来说,我们不能迁就大众的口味。所以说,我的电影在欧美被认为是画作水平的影像,在中国就会被认为是胡拍的。后来我就跟我的同事讲,你不要去争辩,你不能跟几十年的视觉修养进行对抗,大家没有学美术出身的,了解当代视觉的发展到什么程度,你没有必要去改变他们,也没有必要去说服他们,也没有必要去妥协,我觉得就应该这么拍。
Entretien avec 贾樟柯 Jia Zhang Ke réalisé en janvier 2006, trouvé ici.
贾樟柯:我觉得跟我直接的生活经验有关系。因为我看到太多人和事都处在个人的困境里面,不管那个时代是怎么样的,个人的困境是永远的。比如今天是最美好的时代,每个人生命经验里面最美好的时代都不一样,而且每个人的时代都是最美好的。我觉得我最美好的时代是看那些录像片的时候,你想想1984、1985年,在汾阳看录像片,和人家打架完以后,转头就可以从路边书摊里买到尼采的书。
但是那么好的时代里面人人都有困境,可能十块钱就能“困”住一个人,可能一百块钱就能“困”住一个人,可能当兵不当兵就决定了个人一生命运的选择。所以我觉得我身边的人都很被动,生活里面选择的余地不多、折腾的余地也不多,折腾来折腾去,不就是高中考不上去当兵,就这么一点选择吗?我觉得这是年轻人一种普遍的情况,这也是中国人普遍的情况,真的没有那么多选择。
《任逍遥》在戛纳首映的时候,我出席一个记者会,有个中央电视台电影频道的记者发问,那个记者站起来就说:“我特别讨厌这部电影,这部电影是一个谎言!我们现在大陆年轻人学电脑、学英语、出国,生活多姿多彩,为什么你不去拍那些人,而只是拍这些人呢!?”中文说完,这个记者又用英文说了一遍,我真是觉得无言以对。当时我告诉他,这两个孩子真实的情况是怎样的,他们就处在这样的情况里面。后来,我回来就想,其实我不会怪这个记者,因为在今天中国的生活,现实对每个人太不一样了。对于有些家庭来说,的确像他说的一样。有些孩子中学就去英国读书了,这些人太多了。但是问题不在于大家所处的现实不一样,问题是为什么一种现实的人不接受、不承认另一种现实生活的人,甚至不承认他们在活着,这实在太残酷了。你自己可以学英语出国,那你就能否定那么多人的生活吗?你的生活就是全部中国人的生活吗?就是一种自大、对生活缺少应有的敬畏,哪怕是你质疑还有这样的生活都可以,但你不能毫不犹豫地说,那是一个谎言。
我觉得这是一个非常让人担忧的事情,反过来你要想,这也是电影特别需要做的,电影应该呈现不同的现实。在电影这个平台上,大家都来看和了解还有不同的现实。如果我们说电影除了娱乐别人,还有很多有意思的事情,最起码开拓一个人的见识也是电影很好的一个功能。你不可能去代替一个矿工的生活,但是你可以看一部矿工的电影,你不可能代替公园保安的生活,不能去当保安,但是你可以了解有些人还封闭在里面,在随波逐流。电影除了从感官上娱乐以外,还应该有这样一种观影的需求、诉求在里面。
王樽:当《世界》在深圳放映的时候,我曾邀请有个做图书的朋友去看,他问我《世界》讲的什么内容,我告诉他之后,他竟说,我再也不想看到自己过去那段生活。对他来说,那是他不堪回首的心灵之痛。当时我就很有感触,也许是你的影片离现实太近了,让那些尚未完全拉开距离的人如芒在背。对于很多中国观众来说,确实有这种现实,甚至大多数人都这样生活。但他们中间很多人不爱看或不愿看这些过于底层的状态,他们可能更喜欢梦幻性的,比如《英雄》、《无极》这样虚幻的电影。
贾樟柯:我觉得这是阶段性的,观众不喜欢,不等于你就要停止拍摄。。我觉得当生活的严酷性、压力逐渐随着社会比较合理地发展、协调之后可能会好一点。就像你那位做图书的朋友说的,不愿意再回头看自己过去的生活一样,这是一个很简单的镜像理论,有人喜欢照镜子,有人不喜欢照镜子。
王樽:我自己非常喜欢《世界》,在深圳看完首映时,还曾给你发短信息,觉得是你最富寓意,也是年度最有良心的中国电影。但该片放映后舆论形成了两极,票房也不尽如人意,一些我很好的朋友也出乎意料的不喜欢,这使我想到《小武》和《站台》,它们在刚刚出笼的时候好像也遭遇过恶评。
贾樟柯:回顾我的电影在中国的传播过程,每一部电影被普遍接受都是经过两三年,像《小武》刚刚拍完之后,在北京搞了几个放映会,恶评如潮,说我乱七八糟,基本上不会拍电影。有我大学的朋友甚至拍拍我的肩膀说,你拍得挺好,但是并不是每个人都可以当导演。他也是为我好,是想让我踏实地生活,不要再做电影梦,但是两年之后,再也没有人说这部电影不好;《站台》也一样,在威尼斯推出以后,在北京搞放映,很多人说我浪费了一个题材,说的确值得拍,但怎么拍得一点故事没有、拖拖拉拉。所以,《世界》这种接受的过程我特别的有心理准备,因为这种情况不是一次,每次都是。
王樽:这其中是什么原因在起作用,是其中手法或观念意识太过超前,还是与生活太过贴近,以至人们无法看得更清楚?
贾樟柯:我并不觉得是那些电影的手法问题,而是电影所呈现人的存在情况,我觉得可能太同步了,接受起来会有问题。此时此刻这个人正在过这样的生活,看这部电影也在讲这样的生活,同步的对应,可能很多人会在心理上有很大的拒绝。
王樽:每个导演所喜欢的影片都和自己的内在趣味风格有关,像布莱松、德·西卡、小津安二郎、侯孝贤到你自己,应该说内在精神和影像风格一脉相承,我们通常称为作者导演,相对于更大众化的导演,你们的观众相对要少。比如,你最喜欢的布莱松的《死囚越狱》,如放在今天的电影院里,会把不少观众急死。在不少导演纷纷向大众趣味倒戈的时候,在电影越来越商业化的时代,坚持自己的美学风格已成了十分奢侈和极其艰难的事情。在投资商要求下,你会在多大程度上改变自己的风格,以让更多的人去看你的电影?
贾樟柯:我可以在很多方面去折衷,比如说,现在的电影院线系统,超过两个小时的电影,会很难被观众接受,所以我就控制在两个小时之内;比如说数字立体声很受欢迎,我觉得做到这点对我来说并不难。甚至我觉得包括演员,有影响力的演员,他来演也可以,这都不会损害一部电影。像侯孝贤的电影大都是用明星,但丝毫不影响他电影的艺术价值,我接下来也有用大众明星的打算。
说到尽量让更多的观众去接受,以及迎合观众趣味的打算,我是这样认识,首先,我觉得一部作品在文化上的作用和影响,并不能以它影响多少具体人来评价,有一百万人在观看和一万人在观看,并没有什么本质的差别,在文化上不能用数量来衡量,我自己不应该会迎合什么,也很难迎合,就是干自己的吧。
王樽:有个现象似乎在电影和现实里很相似,那些在生活中为人谦卑、平易近人的人多是没什么权力的人,如果他们有权力就可以让那些卑微的小人物过得更好,但他们没有权力就只能给小人物以精神上的体贴和安慰。电影导演似乎也是如此,那些关注底层关注小人物的导演,也多是很卑微的,像小津安二郎死时只在墓碑上写个“无”字,除了电影给我们心灵带来慰藉外,不能改变人们更多,不像一些商业大导演。
贾樟柯:在国内的环境里面,我更爱说,我喜欢的导演都是没有权力感的。就是一个普通人,做这份职业、拍这份感受这么简单。包括现在电影行业里面存在着很多词我都特别不喜欢,比如“仍然是第几代掌控电影局面”,为什么要说掌控呢?它不是一个权力秩序,任何东西当它最后变成一个权力秩序以后,我就特别讨厌它。
由此,有时候我会发一些怪论,比如我觉得信仰这个东西,对信仰的忠诚,往往只有“信”没有“思”是不对的,只强调“信”不强调“思”是不对的,你不是盲目的吗?还有信仰电影,怎么能信仰电影呢?这是一个问题。我一直拒绝命名,你不拒绝命名就把自己放到某个权力秩序里了,你真的以为你自己是某个东西,你就把自己放到了电影之外。
中国电影有太多跟权力在一起的关系,从业人员自身的权力感,这些东西都非常讨厌,说到底,我一直在强调,我跟非常多的人一起聊过法西斯性的东西,他们都不写,可能觉得我是在危言耸听,但我觉得这点非常值得我们警惕,现在我们电影里面存在的法西斯性,和观众对法西斯性电影的追捧,这两个东西合在一起,非常可怕。
从八十年代到现在这么多思想解放和文化运动,这么多的文化学习,二十多年过去了,我实在都搞不明白为什么,按理说一个社会结构,一个日益现代化的国家结构,经过二十多年的改革以后,应该有新的改变。我现在看到年轻人更崇拜权力,真是太可怕了。
王樽:现代化的推进并没有改变中国骨子里的封建烙印,人们追逐权力,是因为权力本身可以带来太多的实惠和好处。比如,在深圳这个所谓改革开放的窗口城市,一个普通的科员可能每个月只能拿到三四千块钱,而科长却可以拿高过科员几倍的收入,科长还不用像科员那样辛苦劳神,还能发号施令,还有譬如出国考察、接受馈赠的各种隐形收入。比科长更高层的再翻几倍,最基层干活的收入最低,权力带来金钱和各种好处,结果人们疯狂地追逐权力。
贾樟柯:电影圈也是如此,权力带来太多世俗的好处,权力是有魅力的,因此人们崇拜权力。
王樽:你喜欢的一部早期的默片叫《北方的纳努克》,一个在北极工作的法国军官拍摄的纪录片,它很粗砺也很原始,它在哪些方面触动了你?
贾樟柯:我觉得它有光彩,它的光彩就在于它的粗砺,或者说粗砺反射了它的光彩,我觉得这部电影有曝光的感觉,因为电影这个媒介是需要光的,没有光就玩不转,所以你看到它曝光过了、或者曝光不够,那么原始使用的媒介本身,我觉得它让我感觉重新回到了刚有电影时候。你对电影的理解,因为现在太工业化了,技术太完整了,所以就让你忘记了光、戏剧的光、自然光效,这是一种感光的感觉。我觉得有一种电影的神奇在里面,一个物质感光之后会把影子留下来,我特别喜欢回到艺术最初的快乐上,我觉得电影最初的快乐绝对不是它能拍摄戏剧,像《教父》啊,像文学性很强的电影,我不是说这些电影不好,我是说电影最初的画面,你把一个跑过来的火车拍下来了,然后拿回去就可以放了,我觉得这不是一种杂耍性,当然它有杂耍的成分在里面,我觉得这是电影媒介里面天性的一种快乐。为什么我在拍电影时那么喜欢抓拍,那么喜欢即兴的拍,我想给大家带来最早拍摄下来的快乐。
电影本身是有生命感的,我觉得生命感有两部分,一个是人是有生命的,它不是死板的、而是自然的,比如像王宏伟那样,总是歪着走路,这是一种生命力。还有你使用媒介的时候,激活媒介本身的生命感,可能拍下来的时候,拍得很匆忙,可能显影、曝光都不是很完美,但是你留住了影像本身的激动,整个就用电影呈现出来,媒介本身有生命力,我觉得不能少了媒介本身的生命力的感觉。像戈达尔的电影为什么那么生动,就是因为他拎着机器随便拍,他对工业的反叛激活了电影本身的生命力,使电影本身变得有生命感。
王樽:故事、情节反而退到其次。除了你刚才所说的感觉以外,对《北方的纳努克》表现的内容有没有触动?
贾樟柯:也有。那种原始的、自然的关系,人和环境的抗争。
王樽:人们对《世界》的负面评价里,很多人都说影像大粗糙了,因粗糙的画面让人认为影片很廉价。我知道那是你追求的影像效果,它们和普通大众的趣味还是有距离。
贾樟柯:这就回到了我们前面聊到的,追求视觉效果的理解,比如说德国表现主义的那种绘画,跟非常写实的人物肖像比,大家一定‘会非常喜欢人物的肖像,那个人皮肤画得很细很逼真,而那个人画得跟鬼一样。在我们这里,大家觉得好看的影像,可能就是八十年代装修的时候,要呈现的一种挂历风光片,这是大众心目当中最完美的视觉形象,但实际上你在绘画传统或者是摄影传统里面,比如说像佛罗依德的画,那样一种视觉的口味可能是大众接受不了的,但是对于一个制造者来说,我们不能迁就大众的口味。所以说,我的电影在欧美被认为是画作水平的影像,在中国就会被认为是胡拍的。后来我就跟我的同事讲,你不要去争辩,你不能跟几十年的视觉修养进行对抗,大家没有学美术出身的,了解当代视觉的发展到什么程度,你没有必要去改变他们,也没有必要去说服他们,也没有必要去妥协,我觉得就应该这么拍。
Entretien avec 贾樟柯 Jia Zhang Ke réalisé en janvier 2006, trouvé ici.
电影改变人生 III
王樽:在你放弃学美术准备考电影学院的时候,国内关于电影方面的图书少得可怜。
贾樟柯:是啊。为了对付电影知识的考试,我骑自行车走遍了所有太原的书店图书室,最后买了一本浙江教育出版社的《美学概论》,里面大概有十几页是关于电影的知识,然后又买到了一本《意大利新现实主义电影剧本选》,就是靠这两本书进行的第一次考试。
在后来的文章和讲话里,我都在说电影这个东西没有那么神秘,每个人有兴趣的话,都可以去做它。那时候我觉得环境太不对了,为什么普通人家的子弟不能想这个东西呢?另外一方面,对盗版DVD我有一个比较宽容的看法,因为我知道除了所谓专业人士之外,那些电影资源是被屏蔽的。不要说去看奥逊·威尔斯的《公民凯恩》,即使去看一些比较通俗的《教父》、《现代启示录》,如果你不是所谓专业人士或有些特权的人根本办不到。所以,我觉
得电影资源的开放对中国人的改变还是非常大的。
王樽:应该说,《意大利新现实主义电影剧本选》是你买的第一本电影书,似乎是某种机缘巧合,使你与意大利新现实主义的电影有了最初的联系。
贾樟柯:对电影和生活,我始终呈现的都是一种盲打误撞的局面。
王樽:《意大利新现实主义电影剧本选》里收录了《偷自行车的人》,我看你自己在一些讲演里面把它列为你最喜欢的电影之一。
贾樟柯:我觉得,关于《偷自行车的人》,我们存在着很大的误读。
通常,我们都把《偷自行车的人》作为一个左翼作品看待,关注底层人民、关注社会现实、对资本主义的发展进行批判,作为这样一种理解来建立了第一印象。其实我觉得这是对整个新现实主义电影的巨大误解,或者说是一叶障目,因为意大利新现实主义在整个电影美学改变上起到了非常大的作用。我觉得它首先是把电影从摄影棚里解放出来,进入到了一个真实的空间里面进行拍摄,它是对电影媒介材料认识的一个很大进步。其实也是复原到电影本体的角度来观察电影。
在《偷自行车的人》里面,视觉的方法、一些手法都是被忽略的,所谓纪实拍摄都是非常高的技术达到的。人们一般认为纪实就是几个小伙子到街上见什么拍什么,随便拍下的就是纪实,这是一种误解。其实,一部做得完整、非常好的纪实美学的电影,是需要非常高的导演技巧,非常高的指导演员、捕捉现场气氛的技巧,多种要素的结合才能产生的一个作品。比如说,在《偷自行车的人》里面有一条叙事线,丢车——找车——偷车,除了这个表面的叙事之外,还有一些其他的结构,比方它有白天——夜晚——下午——夜晚,很自然的时间感觉,还有风、雨、雷、电,这样一个自然现象的组接。整部作品充满了自然感,甚至连天气都融合在一起,而天气也跟人物状态有关系。
我记得在电影里父亲带着儿子从餐馆里面出来,天上在下雨,他们避雨的时候,整个城市都在下雨,突然出现了一些神父,在同一屋檐下,你很难说清楚这种宗教情绪被抽离的感觉,我觉得这种感觉非常好。它远远不是关心失业工人一句话能把它认识、解释到位的。如果仅仅说它关心失业工人、批判资本主义,就太对不起这部杰出的电影了。我觉得它的意义更广更深,而且它对后来现代性更强的影片,起到了一个推动作用。到新浪潮的时候,大量的自然光、手持摄影、街头实景拍摄,那个背景就是四十年代末五十年代初的新现实主义的传统。
王樽:对《偷自行车的人》的概念化认识,体现了我们社会思想领域的狭隘和庸俗实用主义盛行的特点。
贾樟柯:我们整个民族对视觉的认识和理解的确是非常需要进行提高和改进的,比如说,直到今天我们认为一些电影视觉非常精彩,所谓的视觉效果不是内容而是那个视觉效果本身,从一个真实视觉理解上,我们说它可能是品位非常低的视觉作品。
比如,我们经常会有人说,“这部电影拍得真美,像油画一样。”这个标准就很奇怪,实际上它所说的油画是风景画,而且是通俗的风景画,海滩、夕阳、村路、海港、渔村、夕阳下的落叶,基本上是这样的情怀。我们缺乏一个完整的视觉认识系统。
王樽:我们的视觉认识主要还处在传统、甜腻、通俗和具体的画面上,因此现代的抽象艺术,写意风格的电影在中国都没什么市场。
贾樟柯:我觉得欧洲有真正的视觉生活,我们是没有视觉生活的,最起码以前没有。视觉生活包括两方面:一方面包括你能看到什么,另外一方面在于你进没进行视觉活动。我经常很羡慕地跟人家讲,有一次我去法国南特,那个城市有个美术馆,收藏了很多康定斯基的画,我就去参观,突然来了两三个班的幼儿园的孩子,由老师带领着,五六岁的小孩怎么会来欣赏这些画,老师就让他们在展览厅里闹、吃东西、跑来跑去,但是他们身旁就是康定斯基的画,他们就是在这样一种视觉氛围里面成长起来的。那里有那么多的摄影出版服务社、那么多的摄影博物馆、那么多的摄影节、电影节、艺术节、频繁持续的艺术活动,没有中断过的视觉经验积累,对整个民族、整个文化的延续性,给它的国民造成的视觉经验的丰富是很难取代的。
当然,我们是穷过来的,没有这个条件,但是对文化的重视也是一个问题。另外一方面对生活本身和历史本身的理解,对生活经验结合在一起的感受的轻视也是一个问题。比如说,在巴黎蓬皮杜艺术中心附近有个商店,那个商店卖艾菲尔铁塔的照片,从铁塔奠基、到盖了一点点的、到最后落成的都有,背景都是铁塔,前景是些年轻的人物。我觉得当一个人路过那个橱窗,看一眼这些照片的时候,他会尊重一个城市的纪录。他觉得这个纪录本身会让他知道这个城市是怎么过来的、法国人是怎么过来的、这个城市的生活是怎么改变的。大家都是有根的人。
王樽:我们当然也有根,也不是从石头缝里蹦出来的,但这些根这些来路被屏蔽着。
贾樟柯:我们现在一方面是不尊重记忆,觉得记忆没有用,或者说记忆本身是受限制的。当然这里也有经济困难的限制,如果“文革”十年真的有像今天这么多独立影像纪录的话,我觉得对灾难本身的反思,对灾难本身的认识可能会完全不一样。今天我们留下来的影像都是官方的影像,而且被控制着不让你看。有一次在青年电影制片厂,我偶尔进入放映厅找一段素材,放映“文革”当中的一段场景,在那空旷的放映厅里,看那些批斗场面,红卫兵的无知和被批斗人的茫然和恐惧,使我的鸡皮疙瘩一下子就起来了,尽管那个影片是官方放映的,也绝对会让你毛骨悚然。现在的十几岁的小孩一提到红卫兵就觉得非常的好玩,像把毛泽东像章别在胸前皮肤上,觉得非常好玩,太酷了,这不是追星一族吗?你也不能怪罪他们,因为他们不知道。
我们是个缺乏影像记忆的民族,一方面是视觉理解有问题;另一方面,这个记忆产品本身对于个人、国家和民族文化的重要性远远没有被理解。为什么今天年轻的导演面临那么多的困难,因为我们做的不是赏心悦目,不是让观众在一个半小时快乐然后就完了这样一个很简单的工作。其实,我们理想里面想要弥补或者想要承担的是记忆部分的工作,而这一部分的工作并不受大众的欢迎。
王樽:现在,我们有些所谓名导演完全脱离大众,住着豪宅开着奔驰,却千方百计讨好小市民趣味,花巨资制造虚幻无边的电影,他们脱离现实说是为观众造梦,其实首先是为他们自己造梦。
贾樟柯:大众口味本身是需要特别警惕的,今天什么东西都是以票房为标准,以大众的趣味为标准,甚至有人写出对某部电影的好坏评论,就是看大众有没有到电影院去看这部电影,我觉得这是一个太简单的判断。电影的好坏不在于票房好不好,而它的价值会在历史的深处显现出来。当然,我们并不是说为未来拍电影、为十年以后的观众拍电影,但所谓文化有积累的过程,它需要时间,它有时间的要求在里面。
如果有非常多的电影,像《偷自行车的人》, 它能把这样一部民族的经历用个人的角度拍出来,那是非常有价值的事情。我觉得,从美学上来说,我们一直低估了这部电影的美学价值,当然只是指中国,而不是整个电影界低估了它们的价值。
王樽:在你选择的十部喜欢的影片中,其中最老的中国电影是袁牧之1937年拍摄的《马路天使》,讲到喜欢的理由时你说“那么活泼的市井生活描绘,在日后的中国电影中没有了”,其中既看出你的珍爱,也有你的惋惜。你最早接触《马路天使》是什么时候?
贾樟柯:看《马路天使》是我在电影学院上课时候,应该是先看了尔冬升过去拍的《新不了情》,它让我循着一条市井的路去追踪才找到了《马路天使》。
《新不了情》看完后我有一种微醺恍惚的感觉,这是一部爱情片,但是整个片子里面透露出非常娴熟的对市井生活深入的掌握,非常朴素的对市井生活的尊敬,这样一种对世俗生活的尊重,这种气质让我突然觉得非常熟悉,又非常陌生。
所谓熟悉,就是我们每个人都在人际关系里面,每个人都在世俗生活里面。可能到北京、到深圳这种生活感觉就少了,但若在汾阳那座非常古老的县城,就有一种针对这种市井生活的概念,我看了之后很熟悉,国产电影里很少有这种感觉,就是拍到了一种世俗生活的感觉。从这部影片开始,我就慢慢溯源,看到那些上世纪三十、四十年代电影的时候,我发现那些才是中国电影非常好的传统,对个人生活、个人情趣,对街坊邻居、市井生活的重视,我觉得那个传统是1949年以后被大的叙事、对革命的热情中断掉了。因为个人生活变得不重要了,世俗生活变得不重要了,甚至家庭生活都变得不重要了。重要的是要去开发北大荒,重要的是开发大油田,重要的是去革命,一个普通人、正常人的日常生活被整个银幕忽略掉了。
在《马路天使》身上,我发现中国电影非常重要的源头,非常珍贵的经验。当然,它周边和之前还有很多好影片,但是我觉得这部电影做得非常完整,它的场面调度非常熟练,非常完整地将市井生活的喜剧元素跟背景的社会动荡、悲惨,简单朴素的阶级感情,融人到熟练的人际关系的描述、邻里街坊的描述里面,包括很多神来之笔,比如赵丹和周璇窗对窗的交流,这种东西非常可惜地中断掉了。
由这个你再回来观察港产电影、台湾电影,你会发现有些文脉是被它们传承下来了。直到今天,我们的潜意识里总觉得大陆文化是华语文化的正统,实际上,要考察一个完整的华语文化,你还必须要去了解台湾文化、香港文化,甚至东南亚华人的文化,才可能是比较完整的对中国文化的理解。
特别是,我后来有机会到了台湾、香港去感受。我觉得说香港是文化沙漠是很幼稚的,其实很多精彩的文脉是在港台延续的。比如,王家卫能拍出《花样年华》我觉得一点都不奇怪,它是那个年代传下来的东西,本身灵感的源头、造型的延续,都是没有中断的、完整的中国文化传承下来的。你不要指望一个大陆导演能拍出《花样年华》来,因为你被中断了,你对市井生活那么不了解,对日常生活那么不重视,更不要说你连白光、周璇是谁都不清楚,你对那个时代的流行文化完全不了解,怎么可能拍《花样年华》。
当我三十多岁的时候,我意识到了我们文化结构的缺陷,可能我读沈从文、读张爱玲的文章可以弥补这种传承的缺憾,但是从日常生活当中这个东西是弥补不了的。
我到香港,第一个亲切感就是看到了那么多的繁体字,看后感觉很亲切,我知道那是过往我们很重要的东西。还有广东话里那么多的古语、古文,管警察叫差人,一下子觉得我的生活是跟清朝有关系。我觉得挺好,它不是被改造过的东西。差人和警察都是一回事,但是你会马上觉得这个城市是从清末过来的,香港好像是清代一样,特别是到九龙,你会看到那些老人家还在劳动,那些卖药材的、卖香料的、卖土特产的,庙街散发着那种海和香料混合一起的味道,你会觉得感觉非常好。有一次,我在台北的一个很小的茶馆喝咖啡,进来几个年轻人,老板问“请问几位”,那年轻人脱口而出“仅两位而已”。当然他也是开玩笑,不是每天都这样说话,但是你从偶尔的语言和生活细节里面,会发觉没有被中断的文化的延续。
这一两年里,我对民国历史特别着迷,因为我觉得民国离我们那么近,我们是最不了解的,《马路天使》这段就是民国,民国是什么样,在大上海的时候,你已经看到有饮水机,有乐队,那时的邻里关系、世态人情都有生动的呈现。
王樽:在《马路天使》中,看似活泼的影像下,蕴涵着深重的苦难和社会悲情,市井生活也是苦中作乐,里面很多细节内涵都很沉重,虽然只是蜻蜓点水。比如魏鹤龄扮演的老王和赵丹扮演的陈少平去请律师想打官司,整个过程不足十分钟的戏,他们对律师事务所的陈设的好奇,和几句简短的对话,就将贫富不同阶层的差距,以及他们和律师完全不同的思路,表现得既生动又沉重,揭示了当时社会的普遍真相。我在看你的《世界》时,也常有这样的会心,比如温州女子做假冒名牌服装,世界公园缩微景观这种仿像的东西,包括赵小桃提的手提袋上的名牌商标都无言地陈述着时代的真相。甚至,我觉得《世界》里赵小桃发现男友的手机短信秘密后的沮丧,以及最后两人煤气中毒,都让我看到了中国早期电影不动声色又处处皆禅的余韵。
贾樟柯:尊重世俗生活是我们大陆电影没有延续下来的香火。我觉得,整个革命文艺是通俗加传奇的模式。首先是通俗,流行文化,特别是在没有文化的底层人当中容易传播,《白毛女》就是这样。再就是要传奇,脱离世俗生活的传奇,山洞里一躲就是多少年,或者就是生离死别。
今天很多的电影其实是革命文艺的延续,甚至是红卫兵文化的延续,它改编了,改包装了,成了商业片,实际上内核里面仍是。比如说《英雄》,我不是批评张艺谋,我不太认同他对权力的看法,如果有个简单的现代文化背景,你不可能拍一部电影去为权力辩护,我觉得这个很可怕。这个东西本身,是跟红卫兵文化是一脉相承的,这是问题的一个方面。另外一个方面,我觉得观众对具有法西斯性特点作品的热爱也是让人感觉很吃惊的,我现在很讨厌说“这个东西很有力量”。当然,有力量是很好的事情,但是往往我们所说的力量是法西斯性。我一听力量就害怕,你究竟谈的是哪种力量?有人说,“这个电影太有力量了!”那个力量是哪种力量?是法西斯性还是其他?你要说清。楚,别用一个力量就概括了。什么都有力量,不说话沉默也有力量,生活里面遇到问题解决不了也有力量,解决了的也是力量,打、砸、抢也有力量。
我觉得有非常多的症结出在文化传统被中断,出在对“文革”的负面影响消除和反省得不够。说来说去,变成好像贾樟柯经历过“文革”一样,其实我没有经历过,我觉得这都是老生常谈,但是实际上真正去做、去面对这个问题不多;我觉得很危险,可能曾经呼吸到“文革” ;气息的人都老了,包括我自己,“文革”结束的时候我才六岁,现在都三十五岁了。重要的是“文革”的影响还在,而且经过改头换面,经过包装以后,仍然是那么强势,这是让人很担心的。
再反过来看《马路天使》同样是一部左翼的作品,它对人的亲和、对普通人生活的那种爱,我觉得真是好东西,有阶级立场的电影不等于要取消掉人的日常生活。
Entretien avec 贾樟柯 Jia Zhang Ke réalisé en janvier 2006, trouvé ici.
贾樟柯:是啊。为了对付电影知识的考试,我骑自行车走遍了所有太原的书店图书室,最后买了一本浙江教育出版社的《美学概论》,里面大概有十几页是关于电影的知识,然后又买到了一本《意大利新现实主义电影剧本选》,就是靠这两本书进行的第一次考试。
在后来的文章和讲话里,我都在说电影这个东西没有那么神秘,每个人有兴趣的话,都可以去做它。那时候我觉得环境太不对了,为什么普通人家的子弟不能想这个东西呢?另外一方面,对盗版DVD我有一个比较宽容的看法,因为我知道除了所谓专业人士之外,那些电影资源是被屏蔽的。不要说去看奥逊·威尔斯的《公民凯恩》,即使去看一些比较通俗的《教父》、《现代启示录》,如果你不是所谓专业人士或有些特权的人根本办不到。所以,我觉
得电影资源的开放对中国人的改变还是非常大的。
王樽:应该说,《意大利新现实主义电影剧本选》是你买的第一本电影书,似乎是某种机缘巧合,使你与意大利新现实主义的电影有了最初的联系。
贾樟柯:对电影和生活,我始终呈现的都是一种盲打误撞的局面。
王樽:《意大利新现实主义电影剧本选》里收录了《偷自行车的人》,我看你自己在一些讲演里面把它列为你最喜欢的电影之一。
贾樟柯:我觉得,关于《偷自行车的人》,我们存在着很大的误读。
通常,我们都把《偷自行车的人》作为一个左翼作品看待,关注底层人民、关注社会现实、对资本主义的发展进行批判,作为这样一种理解来建立了第一印象。其实我觉得这是对整个新现实主义电影的巨大误解,或者说是一叶障目,因为意大利新现实主义在整个电影美学改变上起到了非常大的作用。我觉得它首先是把电影从摄影棚里解放出来,进入到了一个真实的空间里面进行拍摄,它是对电影媒介材料认识的一个很大进步。其实也是复原到电影本体的角度来观察电影。
在《偷自行车的人》里面,视觉的方法、一些手法都是被忽略的,所谓纪实拍摄都是非常高的技术达到的。人们一般认为纪实就是几个小伙子到街上见什么拍什么,随便拍下的就是纪实,这是一种误解。其实,一部做得完整、非常好的纪实美学的电影,是需要非常高的导演技巧,非常高的指导演员、捕捉现场气氛的技巧,多种要素的结合才能产生的一个作品。比如说,在《偷自行车的人》里面有一条叙事线,丢车——找车——偷车,除了这个表面的叙事之外,还有一些其他的结构,比方它有白天——夜晚——下午——夜晚,很自然的时间感觉,还有风、雨、雷、电,这样一个自然现象的组接。整部作品充满了自然感,甚至连天气都融合在一起,而天气也跟人物状态有关系。
我记得在电影里父亲带着儿子从餐馆里面出来,天上在下雨,他们避雨的时候,整个城市都在下雨,突然出现了一些神父,在同一屋檐下,你很难说清楚这种宗教情绪被抽离的感觉,我觉得这种感觉非常好。它远远不是关心失业工人一句话能把它认识、解释到位的。如果仅仅说它关心失业工人、批判资本主义,就太对不起这部杰出的电影了。我觉得它的意义更广更深,而且它对后来现代性更强的影片,起到了一个推动作用。到新浪潮的时候,大量的自然光、手持摄影、街头实景拍摄,那个背景就是四十年代末五十年代初的新现实主义的传统。
王樽:对《偷自行车的人》的概念化认识,体现了我们社会思想领域的狭隘和庸俗实用主义盛行的特点。
贾樟柯:我们整个民族对视觉的认识和理解的确是非常需要进行提高和改进的,比如说,直到今天我们认为一些电影视觉非常精彩,所谓的视觉效果不是内容而是那个视觉效果本身,从一个真实视觉理解上,我们说它可能是品位非常低的视觉作品。
比如,我们经常会有人说,“这部电影拍得真美,像油画一样。”这个标准就很奇怪,实际上它所说的油画是风景画,而且是通俗的风景画,海滩、夕阳、村路、海港、渔村、夕阳下的落叶,基本上是这样的情怀。我们缺乏一个完整的视觉认识系统。
王樽:我们的视觉认识主要还处在传统、甜腻、通俗和具体的画面上,因此现代的抽象艺术,写意风格的电影在中国都没什么市场。
贾樟柯:我觉得欧洲有真正的视觉生活,我们是没有视觉生活的,最起码以前没有。视觉生活包括两方面:一方面包括你能看到什么,另外一方面在于你进没进行视觉活动。我经常很羡慕地跟人家讲,有一次我去法国南特,那个城市有个美术馆,收藏了很多康定斯基的画,我就去参观,突然来了两三个班的幼儿园的孩子,由老师带领着,五六岁的小孩怎么会来欣赏这些画,老师就让他们在展览厅里闹、吃东西、跑来跑去,但是他们身旁就是康定斯基的画,他们就是在这样一种视觉氛围里面成长起来的。那里有那么多的摄影出版服务社、那么多的摄影博物馆、那么多的摄影节、电影节、艺术节、频繁持续的艺术活动,没有中断过的视觉经验积累,对整个民族、整个文化的延续性,给它的国民造成的视觉经验的丰富是很难取代的。
当然,我们是穷过来的,没有这个条件,但是对文化的重视也是一个问题。另外一方面对生活本身和历史本身的理解,对生活经验结合在一起的感受的轻视也是一个问题。比如说,在巴黎蓬皮杜艺术中心附近有个商店,那个商店卖艾菲尔铁塔的照片,从铁塔奠基、到盖了一点点的、到最后落成的都有,背景都是铁塔,前景是些年轻的人物。我觉得当一个人路过那个橱窗,看一眼这些照片的时候,他会尊重一个城市的纪录。他觉得这个纪录本身会让他知道这个城市是怎么过来的、法国人是怎么过来的、这个城市的生活是怎么改变的。大家都是有根的人。
王樽:我们当然也有根,也不是从石头缝里蹦出来的,但这些根这些来路被屏蔽着。
贾樟柯:我们现在一方面是不尊重记忆,觉得记忆没有用,或者说记忆本身是受限制的。当然这里也有经济困难的限制,如果“文革”十年真的有像今天这么多独立影像纪录的话,我觉得对灾难本身的反思,对灾难本身的认识可能会完全不一样。今天我们留下来的影像都是官方的影像,而且被控制着不让你看。有一次在青年电影制片厂,我偶尔进入放映厅找一段素材,放映“文革”当中的一段场景,在那空旷的放映厅里,看那些批斗场面,红卫兵的无知和被批斗人的茫然和恐惧,使我的鸡皮疙瘩一下子就起来了,尽管那个影片是官方放映的,也绝对会让你毛骨悚然。现在的十几岁的小孩一提到红卫兵就觉得非常的好玩,像把毛泽东像章别在胸前皮肤上,觉得非常好玩,太酷了,这不是追星一族吗?你也不能怪罪他们,因为他们不知道。
我们是个缺乏影像记忆的民族,一方面是视觉理解有问题;另一方面,这个记忆产品本身对于个人、国家和民族文化的重要性远远没有被理解。为什么今天年轻的导演面临那么多的困难,因为我们做的不是赏心悦目,不是让观众在一个半小时快乐然后就完了这样一个很简单的工作。其实,我们理想里面想要弥补或者想要承担的是记忆部分的工作,而这一部分的工作并不受大众的欢迎。
王樽:现在,我们有些所谓名导演完全脱离大众,住着豪宅开着奔驰,却千方百计讨好小市民趣味,花巨资制造虚幻无边的电影,他们脱离现实说是为观众造梦,其实首先是为他们自己造梦。
贾樟柯:大众口味本身是需要特别警惕的,今天什么东西都是以票房为标准,以大众的趣味为标准,甚至有人写出对某部电影的好坏评论,就是看大众有没有到电影院去看这部电影,我觉得这是一个太简单的判断。电影的好坏不在于票房好不好,而它的价值会在历史的深处显现出来。当然,我们并不是说为未来拍电影、为十年以后的观众拍电影,但所谓文化有积累的过程,它需要时间,它有时间的要求在里面。
如果有非常多的电影,像《偷自行车的人》, 它能把这样一部民族的经历用个人的角度拍出来,那是非常有价值的事情。我觉得,从美学上来说,我们一直低估了这部电影的美学价值,当然只是指中国,而不是整个电影界低估了它们的价值。
王樽:在你选择的十部喜欢的影片中,其中最老的中国电影是袁牧之1937年拍摄的《马路天使》,讲到喜欢的理由时你说“那么活泼的市井生活描绘,在日后的中国电影中没有了”,其中既看出你的珍爱,也有你的惋惜。你最早接触《马路天使》是什么时候?
贾樟柯:看《马路天使》是我在电影学院上课时候,应该是先看了尔冬升过去拍的《新不了情》,它让我循着一条市井的路去追踪才找到了《马路天使》。
《新不了情》看完后我有一种微醺恍惚的感觉,这是一部爱情片,但是整个片子里面透露出非常娴熟的对市井生活深入的掌握,非常朴素的对市井生活的尊敬,这样一种对世俗生活的尊重,这种气质让我突然觉得非常熟悉,又非常陌生。
所谓熟悉,就是我们每个人都在人际关系里面,每个人都在世俗生活里面。可能到北京、到深圳这种生活感觉就少了,但若在汾阳那座非常古老的县城,就有一种针对这种市井生活的概念,我看了之后很熟悉,国产电影里很少有这种感觉,就是拍到了一种世俗生活的感觉。从这部影片开始,我就慢慢溯源,看到那些上世纪三十、四十年代电影的时候,我发现那些才是中国电影非常好的传统,对个人生活、个人情趣,对街坊邻居、市井生活的重视,我觉得那个传统是1949年以后被大的叙事、对革命的热情中断掉了。因为个人生活变得不重要了,世俗生活变得不重要了,甚至家庭生活都变得不重要了。重要的是要去开发北大荒,重要的是开发大油田,重要的是去革命,一个普通人、正常人的日常生活被整个银幕忽略掉了。
在《马路天使》身上,我发现中国电影非常重要的源头,非常珍贵的经验。当然,它周边和之前还有很多好影片,但是我觉得这部电影做得非常完整,它的场面调度非常熟练,非常完整地将市井生活的喜剧元素跟背景的社会动荡、悲惨,简单朴素的阶级感情,融人到熟练的人际关系的描述、邻里街坊的描述里面,包括很多神来之笔,比如赵丹和周璇窗对窗的交流,这种东西非常可惜地中断掉了。
由这个你再回来观察港产电影、台湾电影,你会发现有些文脉是被它们传承下来了。直到今天,我们的潜意识里总觉得大陆文化是华语文化的正统,实际上,要考察一个完整的华语文化,你还必须要去了解台湾文化、香港文化,甚至东南亚华人的文化,才可能是比较完整的对中国文化的理解。
特别是,我后来有机会到了台湾、香港去感受。我觉得说香港是文化沙漠是很幼稚的,其实很多精彩的文脉是在港台延续的。比如,王家卫能拍出《花样年华》我觉得一点都不奇怪,它是那个年代传下来的东西,本身灵感的源头、造型的延续,都是没有中断的、完整的中国文化传承下来的。你不要指望一个大陆导演能拍出《花样年华》来,因为你被中断了,你对市井生活那么不了解,对日常生活那么不重视,更不要说你连白光、周璇是谁都不清楚,你对那个时代的流行文化完全不了解,怎么可能拍《花样年华》。
当我三十多岁的时候,我意识到了我们文化结构的缺陷,可能我读沈从文、读张爱玲的文章可以弥补这种传承的缺憾,但是从日常生活当中这个东西是弥补不了的。
我到香港,第一个亲切感就是看到了那么多的繁体字,看后感觉很亲切,我知道那是过往我们很重要的东西。还有广东话里那么多的古语、古文,管警察叫差人,一下子觉得我的生活是跟清朝有关系。我觉得挺好,它不是被改造过的东西。差人和警察都是一回事,但是你会马上觉得这个城市是从清末过来的,香港好像是清代一样,特别是到九龙,你会看到那些老人家还在劳动,那些卖药材的、卖香料的、卖土特产的,庙街散发着那种海和香料混合一起的味道,你会觉得感觉非常好。有一次,我在台北的一个很小的茶馆喝咖啡,进来几个年轻人,老板问“请问几位”,那年轻人脱口而出“仅两位而已”。当然他也是开玩笑,不是每天都这样说话,但是你从偶尔的语言和生活细节里面,会发觉没有被中断的文化的延续。
这一两年里,我对民国历史特别着迷,因为我觉得民国离我们那么近,我们是最不了解的,《马路天使》这段就是民国,民国是什么样,在大上海的时候,你已经看到有饮水机,有乐队,那时的邻里关系、世态人情都有生动的呈现。
王樽:在《马路天使》中,看似活泼的影像下,蕴涵着深重的苦难和社会悲情,市井生活也是苦中作乐,里面很多细节内涵都很沉重,虽然只是蜻蜓点水。比如魏鹤龄扮演的老王和赵丹扮演的陈少平去请律师想打官司,整个过程不足十分钟的戏,他们对律师事务所的陈设的好奇,和几句简短的对话,就将贫富不同阶层的差距,以及他们和律师完全不同的思路,表现得既生动又沉重,揭示了当时社会的普遍真相。我在看你的《世界》时,也常有这样的会心,比如温州女子做假冒名牌服装,世界公园缩微景观这种仿像的东西,包括赵小桃提的手提袋上的名牌商标都无言地陈述着时代的真相。甚至,我觉得《世界》里赵小桃发现男友的手机短信秘密后的沮丧,以及最后两人煤气中毒,都让我看到了中国早期电影不动声色又处处皆禅的余韵。
贾樟柯:尊重世俗生活是我们大陆电影没有延续下来的香火。我觉得,整个革命文艺是通俗加传奇的模式。首先是通俗,流行文化,特别是在没有文化的底层人当中容易传播,《白毛女》就是这样。再就是要传奇,脱离世俗生活的传奇,山洞里一躲就是多少年,或者就是生离死别。
今天很多的电影其实是革命文艺的延续,甚至是红卫兵文化的延续,它改编了,改包装了,成了商业片,实际上内核里面仍是。比如说《英雄》,我不是批评张艺谋,我不太认同他对权力的看法,如果有个简单的现代文化背景,你不可能拍一部电影去为权力辩护,我觉得这个很可怕。这个东西本身,是跟红卫兵文化是一脉相承的,这是问题的一个方面。另外一个方面,我觉得观众对具有法西斯性特点作品的热爱也是让人感觉很吃惊的,我现在很讨厌说“这个东西很有力量”。当然,有力量是很好的事情,但是往往我们所说的力量是法西斯性。我一听力量就害怕,你究竟谈的是哪种力量?有人说,“这个电影太有力量了!”那个力量是哪种力量?是法西斯性还是其他?你要说清。楚,别用一个力量就概括了。什么都有力量,不说话沉默也有力量,生活里面遇到问题解决不了也有力量,解决了的也是力量,打、砸、抢也有力量。
我觉得有非常多的症结出在文化传统被中断,出在对“文革”的负面影响消除和反省得不够。说来说去,变成好像贾樟柯经历过“文革”一样,其实我没有经历过,我觉得这都是老生常谈,但是实际上真正去做、去面对这个问题不多;我觉得很危险,可能曾经呼吸到“文革” ;气息的人都老了,包括我自己,“文革”结束的时候我才六岁,现在都三十五岁了。重要的是“文革”的影响还在,而且经过改头换面,经过包装以后,仍然是那么强势,这是让人很担心的。
再反过来看《马路天使》同样是一部左翼的作品,它对人的亲和、对普通人生活的那种爱,我觉得真是好东西,有阶级立场的电影不等于要取消掉人的日常生活。
Entretien avec 贾樟柯 Jia Zhang Ke réalisé en janvier 2006, trouvé ici.
电影改变人生 II
王樽:你曾说自己心智开化得特别晚,这跟多数观众看你的观点正好相反。两年前我在香港国际电影节上采访侯孝贤,他对你特别称赞,觉得在你们这拨导演里,你已经具有很大的国际影响力,我们都觉得你很早慧,是少年老咸的典型。
贾樟柯:我确实觉得自己成长得比较晚,心智开化得特别迟。一般人十七八岁就确定了自己的理想,而我二十一岁前根本不知道自己该干什么。
王樽:那时好多年轻人混混沌沌混日子,当时有种命名叫迷惘的一代。
贾樟柯:好像是。中学毕业以后,没有考上大学,我就不想读书了。想去找个工作,那时候县城里的孩子有两个出路,一个是当兵,当兵你就可以出去看一看,很多同学去秦皇岛当兵,退役后找个工作,也就所谓锻炼了一下。然后,该结婚的结婚,该有小孩就有小孩,就这么过下去。还有一条路是上大学,走科举这条路。我自己觉得没有必要去上大学,可能因为身体条件吧,我又讨厌当兵,觉得万一当了兵,我肯定干不好,因为我非常瘦小,怎么能够出类拔萃呢?
那时候也有一些新的机会,比如建行突然要扩招,我母亲在的糖烟酒公司也有一个机会。我就跟我父亲说,我想找个工作干,不想读书了。现在回想起来,不能说我父亲救了我,但是他改变了我,他让我干了一件我特别不愿意干的事情,就是读书。我得感谢他,当时太危险了,如果当时我没有读书,生活就完全改变了,也没有了后来的这么多事情。
我父亲说,大学对于一个人的影响太大了,一定要上大学!我说,我学习不好怎么能考上大学,补五年也不行,我们那儿有个胖子补了八年也没有考上。我父亲说,实在不行你去学美术吧。考美术院校文化课的要求低,特别是不考数学,数学我就没及格过。我估计,父亲之所以想让我学美术,是因为我们县里面有个画画的传统。很多孩子考了美术院校就考走了,所以,家长就看到了一条路,考美术也可以念大学。
我父亲跟我讲去学画,我觉得可以接受,因为我知道学画得去太原,汾阳学不了。那些适合美术考试、美术教育的培训班都在太原,我父亲就说你去山西大学美术系培训班吧,这样你考山大就可以了。我听了父亲这么讲,就答应去学。到了第二年,1991年的9、10月份的时候,我就去了太原。
王樽:这时的你已经二十一岁了,在太原找到人生目标?
贾樟柯:是的。那年我还在太原学美术,看到了电影《黄土地》。不是特意去看,纯粹是百无聊赖的一次偶然。那时没有双休日,有个星期六,我约了一个老乡出去玩,那时候没有传呼,更没有手机,我约了个老乡去逛商店,我就在商店外面等他,等了差不多有一个小时他还没有来。因为等不到就认为他有事,我就走了。我又没电话,身上也没有多少钱,就自己瞎溜达,这时候看到了一个电影院,叫公路电影院,是山西省公路局的俱乐部,它在南郊,山西大学旁边,很偏僻,主要的服务对象是周边的学生。上面写着《黄土地》,一看就是那种不好看的电影,不像《蓝盾保险箱》、《险恶江湖逍遥剑》啊那样吸引人。但是没事干,票价又很便宜(我记得是一两块钱、还是几毛钱忘了)就买票进去了,进去以后,差不多看了十分钟,整个感情就被完全打开了。
电影里面一望无际的黄土,还有那些人的面孔,一个女孩在挑水,我看着那个女孩从河里用桶一荡,打起水来,挑着从黄土边上走,眼泪马上就下来了。因为那个环境太熟悉了,故事虽然不熟悉,对民歌和八路军的感觉也不是那么强烈,但是那土地上的人、腰鼓、油灯底下一家人坐在屋里沉默不语,那就完全是我经历过的生活。我母亲一家都是农民,母亲因为学习比较好就跟我父亲结婚在县城里生活,但是我二姨、大姨都很早就出嫁,就在家里呆着,跟《黄土地》的生活一模一样,推门见山,一片坡地。我每年的农忙时节都要到地里做农活,正是麦收的时候,所有人都帮着亲戚割麦子,怕下雨,所谓龙口夺粮。割麦、劳作,这些劳作的经验也是我比较小的时候,记忆里面特别重要的。
后来,我看了很多诗歌讴歌劳动,我就特别讨厌。我觉得劳动真的是很痛苦的事情,当然从造型上看是光着膀子流着汗,很有生命力。但对劳动者本人来说是挺痛苦的,他们为什么晚上回到家不说话,因为太累了,吃完饭就呆着、歇着了,想想明天的事。我看到电影里翠巧她爸,觉得像看到我姨夫一样,脸、衣服,所有的一切都一样。
这次观看经历为什么这么强烈,对我来说,不单是我看到了自己熟悉的环境,更重要的是我看到一部电影的可能性。以前,我对电影的认识只有两部分,一部分是港产电影,打、杀,一部分是延续“文革”的,包括《血总是热的》那样反映改革的电影。从来不知道电影还可以这样拍,把你心里面的感情勾出来,我一下子就蒙了。
一方面是蒙了,再一个就是突然醒了,这个东西太好了,还能这样拍,还有这样的电影。
最关键的是,那个时候我没有理想。我从小没有什么理想,不知道未来要干什么,特别是在自己的职业设计上,我只是想找个饭碗有一口饭吃就行。看完这部电影之后,自己就开始有了一个方向,就是当导演挺好、拍电影挺好,是电影让我选择了一个职业,也打开了一个窗
户。
王樽:看完电影后你去做了些什么?
贾樟柯:看完电影后我想了很久,我觉得电影里面有很多的段落和元素,在那个时候的认识程度里,它让我怀疑我自己熟悉的东西是不是真的熟悉。比如,在黄土地上,那么多人在打腰鼓,那个腰鼓我们每年过春节的时候都会打,我自己从来没有想过,腰鼓本身在银幕上会有另外一种感受。今天说起来像生命力的勃发,也可以说是一种盲目的快感,说什么都可以,有很多的解释。但那时候让我觉得那么熟悉的腰鼓,原来也可以这么打,可以在野地里面打,可以产生那么多的尘土,尘土在阳光底下变成了像诗一样的东西。好像把人心里面的东西讲了出来,很多时刻,包括一个人静默地坐在那儿不说话的时刻,把他拍下来,夜晚灯光非常的暗,你隐隐约约会感觉到时间的流逝,你知道他年复一年,日复一日,对日子就有了一种新的看法,对生活本身也有了一种新的看法。
我觉得,任何一部好的电影、影响人的电影,都给人提供一种最熟悉的陌生感。就是,在最熟悉的区域里、最熟悉的人群里,拍出一种陌生感,这就是一种新的角度、新的处理方法,领风气之先的、开创性的电影都有这种感觉。
《黄土地》就是一部这样的电影。山西也是民歌大省,以前每天都在听民歌,但是你从来没有看到一个电影里面的女孩子,瘦小的身体在黄河边挑水,当民歌响起来的时候,那么小的一个孩子,她的情感世界是怎样的。
看完电影出来后,突然就开始变得有事干了,我想当导演。过了几天,越想越要当导演,那时候,电影怎么拍我根本不知道。
王樽:这样一次重要的选择,要不要和人商量?
贾樟柯:我这个人有很多事情都没有跟父亲讲过,但是有时候,有些事我想一定要告诉父亲,那时候,我就把自己想当导演的想法告诉了父亲。
我当时在太原打电话给他,说我发生了一个事。我爸说,你发生什么事了?我说我想当导演,不想学美术了。父亲停了一下说,当导演挺好的。然后我就去上课了,下午我正画画的时候,我父亲就来了,风尘仆仆赶到了太原,一看我在画画,放了点心。就到了我住的房子里。我爸问你怎么了,我说我看了部电影《黄土地》,不想学美术了,我也问了我的同学,电影学院考上以后可以慢慢当上导演。我父亲特别生气,觉得我脑子有问题。你知道电影在民间是被神秘得一塌糊涂的艺术,它跟普通家庭的市民离得太远了,对于一个父亲是中学教师母亲是售货员的小县城家庭来说,电影被神秘化到了无以复加的程度,父亲觉得自己的孩子在发病,脑子进水了。我父亲说,那可不是一般人可以做得来的。我不知道该怎样说服他,因为我知道自己是一般人。我跟我父亲说,电影挺有意思,以前我喜欢文学,当时也发表了一两篇小说,再加上我学画画,这么一综合不就是电影吗!我父亲这时也觉得我说得有点道理,他是个特别开放的人,他给我了自由去尝试,我母亲也是。在1991年的时候,对山西县城一个普通家庭来说,这是个很大的事,我父亲和母亲开会研究,我母亲说,孩子还小,就让他试试,行不行折腾几年就知道了。
王樽:现在你已经是著名导演了,你父亲对你拍的电影有没有进行过交流?
贾樟柯:很少,我父亲一般回避这个话题。《站台》拍完之后,在片头上我就写了“献给我的父亲”,我也把DVD拿给他看了,但是看完之后他并没有发言,也没有做评论。
王樽:你会不会觉得他不太喜欢。
贾樟柯:我倒不觉得他不太喜欢,我相信他的心里和我的内心有一个共鸣。我父亲是个不愿意表达的人,特别是经过了那个动荡的时代。我下面准备拍“文革”的题材,我父亲就会突然讲一些关于“文革”的只言片语,我觉得非常荒诞,但是我认为我父亲会在背后支持我。比方我跟我父亲说我要拍《刺青时代》,根据苏童小说改编,讲1975年流氓的故事。差不多过了一个小时后,我父亲突然跟我讲,说“文革”前抓“右派”的时候,他们学校是怎么抓的:学校有个操场,操场里面有个主席台,所有的教师站在主席台上,大家互相推,谁被推下去谁就是“右派”。这就完全变成了体力竞技,像游戏一样,非常残酷。我觉得我父亲跟我聊到这些细节的时候是恐慌的,因为我父亲很小的时候就参加了工作。我觉得他跟我讲这些细节,是因为他·觉得有必要拍出来,因为那是他当时亲身经历的。他觉得自己非常害怕,他当时特别瘦小,力气也没有别人大,人家都是二十七八、三十五六岁的壮年,他很有可能被推下去,一旦被推下去,命运就完全不一样了。
人的命运那么重要,而他们像是开玩笑一样,他讲了之后我就更增加了决心,我觉得应该把这部电影拍出来。因为这些东西随着当事人逐渐淡出,如果不能拍出来,一些最直接的感觉和记忆便没有了。你提供一些数字说“文革”有多少人受害、二战有多少人受害、“9·11”有多少人受害、伊拉克战争又有多少人受害,这个数字对我们而言已经非常麻木了,人已经对这些数字麻木了,没有了实感。但是一个活生生的人,从他个人的角度非常准确的回忆刻骨铭心记忆的时候,人们才能进入灾难本身,就是说体谅他、感同身受这个灾难是什么样子。
王樽:田壮壮在《蓝风筝》里,也讲到确认“右派”的荒谬,说一个人上厕所去了,大家都僵持不下,不知道决定让谁当“右派”,等到上厕所的人回来以后,他已经成了“右派”。这个细节也是真事。
贾樟柯:可是,后来的人越来越觉得它像天方夜谭。我父亲讲到的从台上往下推人的细节,既非常的荒谬,同时又残酷、不负责任。
王樽:这个细节你会放到自己电影里面吗?
贾樟柯:可能会放到《刺青时代》里。
王樽:你父亲有没有被打成“右派”?
贾樟柯:没有,但非常危险,他当时跟我一样,很瘦小,很容易被推下去。虽然没有被打成“右派”,但你可以想象,一个县城里卑微的教师,在那动荡年代如履薄冰的生活。
Entretien avec 贾樟柯 Jia Zhang Ke réalisé en janvier 2006, trouvé ici.
贾樟柯:我确实觉得自己成长得比较晚,心智开化得特别迟。一般人十七八岁就确定了自己的理想,而我二十一岁前根本不知道自己该干什么。
王樽:那时好多年轻人混混沌沌混日子,当时有种命名叫迷惘的一代。
贾樟柯:好像是。中学毕业以后,没有考上大学,我就不想读书了。想去找个工作,那时候县城里的孩子有两个出路,一个是当兵,当兵你就可以出去看一看,很多同学去秦皇岛当兵,退役后找个工作,也就所谓锻炼了一下。然后,该结婚的结婚,该有小孩就有小孩,就这么过下去。还有一条路是上大学,走科举这条路。我自己觉得没有必要去上大学,可能因为身体条件吧,我又讨厌当兵,觉得万一当了兵,我肯定干不好,因为我非常瘦小,怎么能够出类拔萃呢?
那时候也有一些新的机会,比如建行突然要扩招,我母亲在的糖烟酒公司也有一个机会。我就跟我父亲说,我想找个工作干,不想读书了。现在回想起来,不能说我父亲救了我,但是他改变了我,他让我干了一件我特别不愿意干的事情,就是读书。我得感谢他,当时太危险了,如果当时我没有读书,生活就完全改变了,也没有了后来的这么多事情。
我父亲说,大学对于一个人的影响太大了,一定要上大学!我说,我学习不好怎么能考上大学,补五年也不行,我们那儿有个胖子补了八年也没有考上。我父亲说,实在不行你去学美术吧。考美术院校文化课的要求低,特别是不考数学,数学我就没及格过。我估计,父亲之所以想让我学美术,是因为我们县里面有个画画的传统。很多孩子考了美术院校就考走了,所以,家长就看到了一条路,考美术也可以念大学。
我父亲跟我讲去学画,我觉得可以接受,因为我知道学画得去太原,汾阳学不了。那些适合美术考试、美术教育的培训班都在太原,我父亲就说你去山西大学美术系培训班吧,这样你考山大就可以了。我听了父亲这么讲,就答应去学。到了第二年,1991年的9、10月份的时候,我就去了太原。
王樽:这时的你已经二十一岁了,在太原找到人生目标?
贾樟柯:是的。那年我还在太原学美术,看到了电影《黄土地》。不是特意去看,纯粹是百无聊赖的一次偶然。那时没有双休日,有个星期六,我约了一个老乡出去玩,那时候没有传呼,更没有手机,我约了个老乡去逛商店,我就在商店外面等他,等了差不多有一个小时他还没有来。因为等不到就认为他有事,我就走了。我又没电话,身上也没有多少钱,就自己瞎溜达,这时候看到了一个电影院,叫公路电影院,是山西省公路局的俱乐部,它在南郊,山西大学旁边,很偏僻,主要的服务对象是周边的学生。上面写着《黄土地》,一看就是那种不好看的电影,不像《蓝盾保险箱》、《险恶江湖逍遥剑》啊那样吸引人。但是没事干,票价又很便宜(我记得是一两块钱、还是几毛钱忘了)就买票进去了,进去以后,差不多看了十分钟,整个感情就被完全打开了。
电影里面一望无际的黄土,还有那些人的面孔,一个女孩在挑水,我看着那个女孩从河里用桶一荡,打起水来,挑着从黄土边上走,眼泪马上就下来了。因为那个环境太熟悉了,故事虽然不熟悉,对民歌和八路军的感觉也不是那么强烈,但是那土地上的人、腰鼓、油灯底下一家人坐在屋里沉默不语,那就完全是我经历过的生活。我母亲一家都是农民,母亲因为学习比较好就跟我父亲结婚在县城里生活,但是我二姨、大姨都很早就出嫁,就在家里呆着,跟《黄土地》的生活一模一样,推门见山,一片坡地。我每年的农忙时节都要到地里做农活,正是麦收的时候,所有人都帮着亲戚割麦子,怕下雨,所谓龙口夺粮。割麦、劳作,这些劳作的经验也是我比较小的时候,记忆里面特别重要的。
后来,我看了很多诗歌讴歌劳动,我就特别讨厌。我觉得劳动真的是很痛苦的事情,当然从造型上看是光着膀子流着汗,很有生命力。但对劳动者本人来说是挺痛苦的,他们为什么晚上回到家不说话,因为太累了,吃完饭就呆着、歇着了,想想明天的事。我看到电影里翠巧她爸,觉得像看到我姨夫一样,脸、衣服,所有的一切都一样。
这次观看经历为什么这么强烈,对我来说,不单是我看到了自己熟悉的环境,更重要的是我看到一部电影的可能性。以前,我对电影的认识只有两部分,一部分是港产电影,打、杀,一部分是延续“文革”的,包括《血总是热的》那样反映改革的电影。从来不知道电影还可以这样拍,把你心里面的感情勾出来,我一下子就蒙了。
一方面是蒙了,再一个就是突然醒了,这个东西太好了,还能这样拍,还有这样的电影。
最关键的是,那个时候我没有理想。我从小没有什么理想,不知道未来要干什么,特别是在自己的职业设计上,我只是想找个饭碗有一口饭吃就行。看完这部电影之后,自己就开始有了一个方向,就是当导演挺好、拍电影挺好,是电影让我选择了一个职业,也打开了一个窗
户。
王樽:看完电影后你去做了些什么?
贾樟柯:看完电影后我想了很久,我觉得电影里面有很多的段落和元素,在那个时候的认识程度里,它让我怀疑我自己熟悉的东西是不是真的熟悉。比如,在黄土地上,那么多人在打腰鼓,那个腰鼓我们每年过春节的时候都会打,我自己从来没有想过,腰鼓本身在银幕上会有另外一种感受。今天说起来像生命力的勃发,也可以说是一种盲目的快感,说什么都可以,有很多的解释。但那时候让我觉得那么熟悉的腰鼓,原来也可以这么打,可以在野地里面打,可以产生那么多的尘土,尘土在阳光底下变成了像诗一样的东西。好像把人心里面的东西讲了出来,很多时刻,包括一个人静默地坐在那儿不说话的时刻,把他拍下来,夜晚灯光非常的暗,你隐隐约约会感觉到时间的流逝,你知道他年复一年,日复一日,对日子就有了一种新的看法,对生活本身也有了一种新的看法。
我觉得,任何一部好的电影、影响人的电影,都给人提供一种最熟悉的陌生感。就是,在最熟悉的区域里、最熟悉的人群里,拍出一种陌生感,这就是一种新的角度、新的处理方法,领风气之先的、开创性的电影都有这种感觉。
《黄土地》就是一部这样的电影。山西也是民歌大省,以前每天都在听民歌,但是你从来没有看到一个电影里面的女孩子,瘦小的身体在黄河边挑水,当民歌响起来的时候,那么小的一个孩子,她的情感世界是怎样的。
看完电影出来后,突然就开始变得有事干了,我想当导演。过了几天,越想越要当导演,那时候,电影怎么拍我根本不知道。
王樽:这样一次重要的选择,要不要和人商量?
贾樟柯:我这个人有很多事情都没有跟父亲讲过,但是有时候,有些事我想一定要告诉父亲,那时候,我就把自己想当导演的想法告诉了父亲。
我当时在太原打电话给他,说我发生了一个事。我爸说,你发生什么事了?我说我想当导演,不想学美术了。父亲停了一下说,当导演挺好的。然后我就去上课了,下午我正画画的时候,我父亲就来了,风尘仆仆赶到了太原,一看我在画画,放了点心。就到了我住的房子里。我爸问你怎么了,我说我看了部电影《黄土地》,不想学美术了,我也问了我的同学,电影学院考上以后可以慢慢当上导演。我父亲特别生气,觉得我脑子有问题。你知道电影在民间是被神秘得一塌糊涂的艺术,它跟普通家庭的市民离得太远了,对于一个父亲是中学教师母亲是售货员的小县城家庭来说,电影被神秘化到了无以复加的程度,父亲觉得自己的孩子在发病,脑子进水了。我父亲说,那可不是一般人可以做得来的。我不知道该怎样说服他,因为我知道自己是一般人。我跟我父亲说,电影挺有意思,以前我喜欢文学,当时也发表了一两篇小说,再加上我学画画,这么一综合不就是电影吗!我父亲这时也觉得我说得有点道理,他是个特别开放的人,他给我了自由去尝试,我母亲也是。在1991年的时候,对山西县城一个普通家庭来说,这是个很大的事,我父亲和母亲开会研究,我母亲说,孩子还小,就让他试试,行不行折腾几年就知道了。
王樽:现在你已经是著名导演了,你父亲对你拍的电影有没有进行过交流?
贾樟柯:很少,我父亲一般回避这个话题。《站台》拍完之后,在片头上我就写了“献给我的父亲”,我也把DVD拿给他看了,但是看完之后他并没有发言,也没有做评论。
王樽:你会不会觉得他不太喜欢。
贾樟柯:我倒不觉得他不太喜欢,我相信他的心里和我的内心有一个共鸣。我父亲是个不愿意表达的人,特别是经过了那个动荡的时代。我下面准备拍“文革”的题材,我父亲就会突然讲一些关于“文革”的只言片语,我觉得非常荒诞,但是我认为我父亲会在背后支持我。比方我跟我父亲说我要拍《刺青时代》,根据苏童小说改编,讲1975年流氓的故事。差不多过了一个小时后,我父亲突然跟我讲,说“文革”前抓“右派”的时候,他们学校是怎么抓的:学校有个操场,操场里面有个主席台,所有的教师站在主席台上,大家互相推,谁被推下去谁就是“右派”。这就完全变成了体力竞技,像游戏一样,非常残酷。我觉得我父亲跟我聊到这些细节的时候是恐慌的,因为我父亲很小的时候就参加了工作。我觉得他跟我讲这些细节,是因为他·觉得有必要拍出来,因为那是他当时亲身经历的。他觉得自己非常害怕,他当时特别瘦小,力气也没有别人大,人家都是二十七八、三十五六岁的壮年,他很有可能被推下去,一旦被推下去,命运就完全不一样了。
人的命运那么重要,而他们像是开玩笑一样,他讲了之后我就更增加了决心,我觉得应该把这部电影拍出来。因为这些东西随着当事人逐渐淡出,如果不能拍出来,一些最直接的感觉和记忆便没有了。你提供一些数字说“文革”有多少人受害、二战有多少人受害、“9·11”有多少人受害、伊拉克战争又有多少人受害,这个数字对我们而言已经非常麻木了,人已经对这些数字麻木了,没有了实感。但是一个活生生的人,从他个人的角度非常准确的回忆刻骨铭心记忆的时候,人们才能进入灾难本身,就是说体谅他、感同身受这个灾难是什么样子。
王樽:田壮壮在《蓝风筝》里,也讲到确认“右派”的荒谬,说一个人上厕所去了,大家都僵持不下,不知道决定让谁当“右派”,等到上厕所的人回来以后,他已经成了“右派”。这个细节也是真事。
贾樟柯:可是,后来的人越来越觉得它像天方夜谭。我父亲讲到的从台上往下推人的细节,既非常的荒谬,同时又残酷、不负责任。
王樽:这个细节你会放到自己电影里面吗?
贾樟柯:可能会放到《刺青时代》里。
王樽:你父亲有没有被打成“右派”?
贾樟柯:没有,但非常危险,他当时跟我一样,很瘦小,很容易被推下去。虽然没有被打成“右派”,但你可以想象,一个县城里卑微的教师,在那动荡年代如履薄冰的生活。
Entretien avec 贾樟柯 Jia Zhang Ke réalisé en janvier 2006, trouvé ici.
电影改变人生 I
王樽:我注意到,在你选择的“我所喜欢的十部影片”里,多是比较老的艺术片,它们的美学特点比较一致,对你的影响应是成为电影人之后,而不是青少年成长时期的贾樟柯,它们和你最早的电影启蒙应该是不同的。
贾樟柯:是有所不同。我最早接触到拍电影的概念,其实是一部我没有看过的电影,那个电影叫《我们村里的年轻人》。这部电影我没有看过,但是我父亲当时看过那个电影,而且他还看过那部电影的拍摄过程。大概是五十年代,我父亲那时还是个中学生,摄制组就在我们老家拍。总有电影到我们老家去拍。因为马烽算是半个汾阳人,他那时很多写作的背景都是以汾阳为主。所以他的很多作品像《我们村里的年轻人》,后来的《扑不 灭的火焰》、《泪痕》这些都是在汾阳拍的。我记事的时候大概是七八岁,1977、1978年的时候。那时候“文革”刚结束,我记得父亲总是下班特别晚,晚上总要开一些批斗会、清查会,后来说抓“三种人”。我当时很小,不知道这背后还有政治、社会的动荡,我记得我父亲回来得再晚,我们一家人也得聚在一起吃饭,所以总等我父亲,等他回来一家人坐在一起吃饭的时候,他就总讲这个事。我猜我父亲也是想当导演的,他总讲他骑自行车跑到玉道河村去看拍电影的情况。他非常兴奋,那时候夜里总停电,借着炉火,我可以看到他脸上兴奋的光彩。
王樽:你父亲当时多大岁数?做什么工作?
贾樟柯:大概四十岁左右,在中学里教语文。他给我讲述拍电影的场面,让我首先对这个职业非常尊敬,因为我觉得我父亲都那么尊敬拍电影的,所以我也特别的尊敬。直到现在,我做了这个职业之后,隐隐约约的,总记得父亲谈起这个职业的样子。
王樽:《我们村里的年轻人》曾名噪一时,又是表现你家乡的生活,你一直都没有看过?
贾樟柯:没有看过,但想象过。基本上就跟当时看到其他任何一部电影一样,人们都整齐划一,都有理想,都愿意牺牲,总之就是好人好事。
王樽:那时候,书基本没得读,娱乐更是空白,可怜的几部电影就是逃避现实的最好选择。你最早完整看过的电影是哪部?印象最深的是哪类电影?
贾樟柯:最早的电影记忆是《平原游击队》,里面李向阳手执双枪、骑着马冲过村庄的情景。但印象最深,且对我的生活有直接影响的是香港的商业电影。 那时正值青春期,我特别爱看电影,基本上从初一到高三,六年时间里,大约是从1984年开始,我几乎天天都泡在录像厅里。因为我上初中的时候汾阳开始有录像厅,里面有录像机。那个县城非常小,上学或者放学的时候,我们都要骑自行车经过长途汽车站,只要看到长途汽车站有南方打扮的人,一般是江浙、温州人,一眼就能看出来,山西还没有流行男人爆炸的那种鬈发,南方人是那样打扮,拎一个黑皮箱,从车站里面出来,一看我就知道有新片子来了,他们有地下的交易渠道,我想应该是走私进来的,黑箱子里面装着录像带。到了晚上去录像馆的时候,果然就看到了新片子,这样的状态整整持续了六年。
王樽:那时的中国电影也处在复兴勃发时期,为何很少去电影院呢?
贾樟柯:录像厅里面的银幕世界太吸引人,电影院就不行,因为录像厅里面首先有很多动作片、港台片。整整六年都看这种电影,后来我跟余力为聊天,我说我比你看过的港产片多多了,他根本不知道还有那些港产片。关于“少林寺”不下一百部,关于“吕四娘”不下一百部,关于“马永桢”不下一百部。六年的录像馆生涯很难说哪部电影特别喜欢,因为完全是处于一种生理性的观赏,正好配合青春期的躁动,也伴随了港产电影发展的过程。
王樽:那时的港产片风靡一时,各地都有报道,把当时的青少年犯罪、打架斗殴等社会不良影响都归结到港产录像片。
贾樟柯:是啊,我们都是不良港产录像片的“受害者”。当时,我一看就非常激动,比如说看了吴宇森以前的《英雄本色》,也有胡金铨的、张彻的电影,到后来徐克的电影也都看过,特别完整。只要看到非常激动的电影,一出录像馆在马路上就找同龄人,肩膀一撞,非要打架。那个时候也是武术热,很多男孩子跟我一样都拜师学艺,我学了一年武术,那时候最大的理想就是学一身武艺,总幻想能够飞檐走壁。但是武术是需要从扎马步、踢腿开始练起的,练了快一年就烦了,说怎么还没有武艺啊?!就不练了,想起来挺荒诞。
王樽:很多人看了《少林寺》就离家出走闯江湖去了。
贾樟柯:我们有很多同学都曾经离家投奔少林寺,半路上被父母截回来,结果,就变成县里面的传奇。
王樽:你当时有没有萌生去少林寺的念头?
贾樟柯:我还是比较理性吧,不想离开老家,因为老家有那么多的朋友、亲戚,出去怎么办啊?!
王樽:看完录像就找茬打架,你那么瘦小能打赢吗?
贾樟柯:打赢打不赢都打。没有任何的理由、原因,看了以后就是热血沸腾,那里面暴力的因子比较活跃。后来我在《站台》里拍过一个情节,两个小伙子从录像馆出来了,两人碰面一对眼,这人说,你为什么看我?那个人就说,你不看我怎么知道我看你?!另外一个人说,因为我看你觉得你长得不好看。于是,两个人就打起来了。这是发生在我身上的真实战斗故事,拍得不好,后来被我剪掉了。
王樽:人们说到贾樟柯一般都想到很文艺,甚至很小资,而说到香港电影,尤其是八十年代期间的那些打打杀杀的商业港产片都把它作为低级趣味的代表,两者足这样不同,又肯定在本质上有着某种联系,因为你毕竟看过那么多的港产片,某种程度上,那些港产片已经成为你血肉的一部分。你怎样看待自己身上的这种电影构成?
贾樟柯:人们看电影一般都只是消遣,我觉得港产片另外一种气氛对我们这代人影响是比较大的,它跟当时所谓革命的文艺完全不一样,非常的江湖。我觉得,有一部分我们不太了解的中国是从武侠小说和武侠片中了解到的,所谓忠、孝、节、义,古人的伦理,那时候还被批评成糟粕,不管怎么样,这一套伦理系统很多是从武侠小说、港产片里面了解到的,因为没有人教我们这些知识。
那时的文化已经彻底荒废,好一点的家庭,家里有本《水浒传》也是供批判使用,没有任何书籍。我父亲是老师,家里还有养兔子的书、治沙眼的书,后来我问我父亲,我说家里怎么还有养兔子的书,我父亲说做老师的要学养兔子。
我为什么那么饱满的看港产电影,是因为它提供了另外一种文化,我从来不轻视这一部分经验,以及它对我创作潜移默化的影响。
王樽:一般说来,人们很难把你的电影与香港商业电影联系起来,在你的创作中哪些港产片对你产生了具体影响?
贾樟柯:可能就是因为有大量观看港产片的经验,到了我拍电影时有意无意地有所运用。比如《小武》,他其实就是一个江湖人士。所谓江湖人士就是跟体制有一定距离,包括我刚刚新拍的《三峡好人》,整个框架模型就是武侠片的。故事有两个线索,有个矿工,十六年前花钱买了一个老婆,第二年生了一个小孩。生了小孩之后,公安就解救了这个被拐卖的妇女,然后妇女就带着小孩回四川了,这十六年里矿工从来没有去看过自己的孩子,十六年后,他孤身一人拎个包,踏过千山万水去找这个女人,然后,两个人就决定复合。这个女人也没有嫁人,就跟着一个船老大跑船,船老大也没有女人,很尴尬一个角色。最后,他们俩就决定结婚,他们的孩子去东莞打工了。
另外一个线索是赵涛演的护士,她的丈夫在三峡地区工作,后来,音信杳然,两三年也没有回家,在这些过程里面,她明白自己的丈夫在
干什么,事实上,她的丈夫在另一个地方已经结婚扎根了。她就千里迢迢去奉节找他,最后她跟她丈夫面对的时候,两个人只有半个小时的时间,因为船马上要开走了。她跟她丈夫说:“我来就是要告诉你,咱们离婚吧。”然后就坐船走了。整个故事就是讲两个不同的人千里迢迢去解决感情上的问题,武侠片就是拿一把剑去解决仇恨的问题,而在我的片子里是解决感情、爱情的问题。
在写剧本的时候,我根本没有意识到自己要借鉴武侠片的叙事模式。但是写完之后,自己读完大纲,心说这不就是武侠片吗!特别是奉节地区,本身就是江湖码头,充满了人在江湖、身不由己的氛围。我想,这都是大批港产电影对我潜在的影响。
拍《三峡好人》让我想得特别多,很难讲,六年里面那么多的港产电影有多少是我真喜欢的,当然,《喋血双雄》、《英雄本色》我还是特别喜欢;现在的杜琪峰我也很喜欢,像《枪火》、《黑社会》,他一方面让香港电影美学上有所发展,另一方面,他始终保持着一种向上的本土性,我觉得特别好。
但是我没有去热爱这些电影,六年里面,这一大批电影,对我日后做导演的创作准备还是有很大影响。我觉得很难回避,讲我拍电影、认识电影的过程很难回避这一段经历。
王樽:一个人早年入迷的电影往往会形成心理情结,李安、张艺谋后来拍武侠片,并不全是为商业,很大程度上是圆自己早年的武侠梦。如果有机会,会不会去拍一部港产类警匪片?
贾樟柯:我还没有这个想法。因为现在情感世界里面还没有强烈的欲望,当然我迟早会拍,因为每个人都会阶段性的拍电影。我现在这个阶段可能还不太适合拍。
Entretien avec 贾樟柯 Jia Zhang Ke réalisé en janvier 2006, trouvé ici.
贾樟柯:是有所不同。我最早接触到拍电影的概念,其实是一部我没有看过的电影,那个电影叫《我们村里的年轻人》。这部电影我没有看过,但是我父亲当时看过那个电影,而且他还看过那部电影的拍摄过程。大概是五十年代,我父亲那时还是个中学生,摄制组就在我们老家拍。总有电影到我们老家去拍。因为马烽算是半个汾阳人,他那时很多写作的背景都是以汾阳为主。所以他的很多作品像《我们村里的年轻人》,后来的《扑不 灭的火焰》、《泪痕》这些都是在汾阳拍的。我记事的时候大概是七八岁,1977、1978年的时候。那时候“文革”刚结束,我记得父亲总是下班特别晚,晚上总要开一些批斗会、清查会,后来说抓“三种人”。我当时很小,不知道这背后还有政治、社会的动荡,我记得我父亲回来得再晚,我们一家人也得聚在一起吃饭,所以总等我父亲,等他回来一家人坐在一起吃饭的时候,他就总讲这个事。我猜我父亲也是想当导演的,他总讲他骑自行车跑到玉道河村去看拍电影的情况。他非常兴奋,那时候夜里总停电,借着炉火,我可以看到他脸上兴奋的光彩。
王樽:你父亲当时多大岁数?做什么工作?
贾樟柯:大概四十岁左右,在中学里教语文。他给我讲述拍电影的场面,让我首先对这个职业非常尊敬,因为我觉得我父亲都那么尊敬拍电影的,所以我也特别的尊敬。直到现在,我做了这个职业之后,隐隐约约的,总记得父亲谈起这个职业的样子。
王樽:《我们村里的年轻人》曾名噪一时,又是表现你家乡的生活,你一直都没有看过?
贾樟柯:没有看过,但想象过。基本上就跟当时看到其他任何一部电影一样,人们都整齐划一,都有理想,都愿意牺牲,总之就是好人好事。
王樽:那时候,书基本没得读,娱乐更是空白,可怜的几部电影就是逃避现实的最好选择。你最早完整看过的电影是哪部?印象最深的是哪类电影?
贾樟柯:最早的电影记忆是《平原游击队》,里面李向阳手执双枪、骑着马冲过村庄的情景。但印象最深,且对我的生活有直接影响的是香港的商业电影。 那时正值青春期,我特别爱看电影,基本上从初一到高三,六年时间里,大约是从1984年开始,我几乎天天都泡在录像厅里。因为我上初中的时候汾阳开始有录像厅,里面有录像机。那个县城非常小,上学或者放学的时候,我们都要骑自行车经过长途汽车站,只要看到长途汽车站有南方打扮的人,一般是江浙、温州人,一眼就能看出来,山西还没有流行男人爆炸的那种鬈发,南方人是那样打扮,拎一个黑皮箱,从车站里面出来,一看我就知道有新片子来了,他们有地下的交易渠道,我想应该是走私进来的,黑箱子里面装着录像带。到了晚上去录像馆的时候,果然就看到了新片子,这样的状态整整持续了六年。
王樽:那时的中国电影也处在复兴勃发时期,为何很少去电影院呢?
贾樟柯:录像厅里面的银幕世界太吸引人,电影院就不行,因为录像厅里面首先有很多动作片、港台片。整整六年都看这种电影,后来我跟余力为聊天,我说我比你看过的港产片多多了,他根本不知道还有那些港产片。关于“少林寺”不下一百部,关于“吕四娘”不下一百部,关于“马永桢”不下一百部。六年的录像馆生涯很难说哪部电影特别喜欢,因为完全是处于一种生理性的观赏,正好配合青春期的躁动,也伴随了港产电影发展的过程。
王樽:那时的港产片风靡一时,各地都有报道,把当时的青少年犯罪、打架斗殴等社会不良影响都归结到港产录像片。
贾樟柯:是啊,我们都是不良港产录像片的“受害者”。当时,我一看就非常激动,比如说看了吴宇森以前的《英雄本色》,也有胡金铨的、张彻的电影,到后来徐克的电影也都看过,特别完整。只要看到非常激动的电影,一出录像馆在马路上就找同龄人,肩膀一撞,非要打架。那个时候也是武术热,很多男孩子跟我一样都拜师学艺,我学了一年武术,那时候最大的理想就是学一身武艺,总幻想能够飞檐走壁。但是武术是需要从扎马步、踢腿开始练起的,练了快一年就烦了,说怎么还没有武艺啊?!就不练了,想起来挺荒诞。
王樽:很多人看了《少林寺》就离家出走闯江湖去了。
贾樟柯:我们有很多同学都曾经离家投奔少林寺,半路上被父母截回来,结果,就变成县里面的传奇。
王樽:你当时有没有萌生去少林寺的念头?
贾樟柯:我还是比较理性吧,不想离开老家,因为老家有那么多的朋友、亲戚,出去怎么办啊?!
王樽:看完录像就找茬打架,你那么瘦小能打赢吗?
贾樟柯:打赢打不赢都打。没有任何的理由、原因,看了以后就是热血沸腾,那里面暴力的因子比较活跃。后来我在《站台》里拍过一个情节,两个小伙子从录像馆出来了,两人碰面一对眼,这人说,你为什么看我?那个人就说,你不看我怎么知道我看你?!另外一个人说,因为我看你觉得你长得不好看。于是,两个人就打起来了。这是发生在我身上的真实战斗故事,拍得不好,后来被我剪掉了。
王樽:人们说到贾樟柯一般都想到很文艺,甚至很小资,而说到香港电影,尤其是八十年代期间的那些打打杀杀的商业港产片都把它作为低级趣味的代表,两者足这样不同,又肯定在本质上有着某种联系,因为你毕竟看过那么多的港产片,某种程度上,那些港产片已经成为你血肉的一部分。你怎样看待自己身上的这种电影构成?
贾樟柯:人们看电影一般都只是消遣,我觉得港产片另外一种气氛对我们这代人影响是比较大的,它跟当时所谓革命的文艺完全不一样,非常的江湖。我觉得,有一部分我们不太了解的中国是从武侠小说和武侠片中了解到的,所谓忠、孝、节、义,古人的伦理,那时候还被批评成糟粕,不管怎么样,这一套伦理系统很多是从武侠小说、港产片里面了解到的,因为没有人教我们这些知识。
那时的文化已经彻底荒废,好一点的家庭,家里有本《水浒传》也是供批判使用,没有任何书籍。我父亲是老师,家里还有养兔子的书、治沙眼的书,后来我问我父亲,我说家里怎么还有养兔子的书,我父亲说做老师的要学养兔子。
我为什么那么饱满的看港产电影,是因为它提供了另外一种文化,我从来不轻视这一部分经验,以及它对我创作潜移默化的影响。
王樽:一般说来,人们很难把你的电影与香港商业电影联系起来,在你的创作中哪些港产片对你产生了具体影响?
贾樟柯:可能就是因为有大量观看港产片的经验,到了我拍电影时有意无意地有所运用。比如《小武》,他其实就是一个江湖人士。所谓江湖人士就是跟体制有一定距离,包括我刚刚新拍的《三峡好人》,整个框架模型就是武侠片的。故事有两个线索,有个矿工,十六年前花钱买了一个老婆,第二年生了一个小孩。生了小孩之后,公安就解救了这个被拐卖的妇女,然后妇女就带着小孩回四川了,这十六年里矿工从来没有去看过自己的孩子,十六年后,他孤身一人拎个包,踏过千山万水去找这个女人,然后,两个人就决定复合。这个女人也没有嫁人,就跟着一个船老大跑船,船老大也没有女人,很尴尬一个角色。最后,他们俩就决定结婚,他们的孩子去东莞打工了。
另外一个线索是赵涛演的护士,她的丈夫在三峡地区工作,后来,音信杳然,两三年也没有回家,在这些过程里面,她明白自己的丈夫在
干什么,事实上,她的丈夫在另一个地方已经结婚扎根了。她就千里迢迢去奉节找他,最后她跟她丈夫面对的时候,两个人只有半个小时的时间,因为船马上要开走了。她跟她丈夫说:“我来就是要告诉你,咱们离婚吧。”然后就坐船走了。整个故事就是讲两个不同的人千里迢迢去解决感情上的问题,武侠片就是拿一把剑去解决仇恨的问题,而在我的片子里是解决感情、爱情的问题。
在写剧本的时候,我根本没有意识到自己要借鉴武侠片的叙事模式。但是写完之后,自己读完大纲,心说这不就是武侠片吗!特别是奉节地区,本身就是江湖码头,充满了人在江湖、身不由己的氛围。我想,这都是大批港产电影对我潜在的影响。
拍《三峡好人》让我想得特别多,很难讲,六年里面那么多的港产电影有多少是我真喜欢的,当然,《喋血双雄》、《英雄本色》我还是特别喜欢;现在的杜琪峰我也很喜欢,像《枪火》、《黑社会》,他一方面让香港电影美学上有所发展,另一方面,他始终保持着一种向上的本土性,我觉得特别好。
但是我没有去热爱这些电影,六年里面,这一大批电影,对我日后做导演的创作准备还是有很大影响。我觉得很难回避,讲我拍电影、认识电影的过程很难回避这一段经历。
王樽:一个人早年入迷的电影往往会形成心理情结,李安、张艺谋后来拍武侠片,并不全是为商业,很大程度上是圆自己早年的武侠梦。如果有机会,会不会去拍一部港产类警匪片?
贾樟柯:我还没有这个想法。因为现在情感世界里面还没有强烈的欲望,当然我迟早会拍,因为每个人都会阶段性的拍电影。我现在这个阶段可能还不太适合拍。
Entretien avec 贾樟柯 Jia Zhang Ke réalisé en janvier 2006, trouvé ici.
lundi 1 novembre 2010
Cadmus et Hermione Acte II
Scène 1
Arbas, Charite.
Le théâtre change, et représente un Palais.
Arbas
Il est trop vrai, Cadmus veut entreprendre
De remettre Hermione en pleine liberté:
Il l'a dit au tiran, et je viens de l'entendre!
Charité
Et que dit le géant? n'est-il point irrité?
Arbas
il rit de sa témérité,
Mon maître doit voir la Princesse
Avant d'attaquer le dragon furieux
qui veille pour garder ces lieux;
Et l'Amour qui pour toi me presse
Veut que je vienne aussi te faire mes adieux.
En te voyant, belle Charite,
J'avois cru que l'Amour fût un plaisir charmant;
Mais lors qu'il faut que je te quitte,
J'éprouve qu'il n'est point un plus cruel tourment.
La douleur me saisit, je ne puis plus rien dire;
Quand je pleure, quand je soupire,
Tu ris, et rien n'émeut ton coeur indifférent?
Charite
Tu fais la grimace en pleurant,
Je ne puis m'empêcher de rire.
Arbas
La pitié, tout au moins, devroit bien t'engager
A prendre quelque part à mes ennuis extrêmes.
Charite
S'il est bien vrai que tu m'aimes,
Pourquoi veux-tu m'affliger?
Arbas
Pour soulager mon coeur du chagrin qui le presse,
Te coûteroit-il tant de l'affliger un peu?
Charite
C'est un poison que la tristesse,
L'Amour n'est plus plaisant dès qu'il n'est plus un jeu.
Arbas
On console un Amant des rigueurs de l'absence
Par des tendres adieux.
Charite
Quand il faut se quitter, un peu d'indifférence
Console encore mieux.
Arbas
Tu me l'avois bien dit, qu'il étoit impossible
Que ton barbare coeur perdit sa dureté.
Charite
Au moins si tu te plains de me voir insensible,
Tu dois être content de ma sincérité;
Puisqu'enfin pour te satisfaire
Je ne puis pleurer avec toi;
Si tu voulois me plaire
Tu rirois avec moi.
Arbas
C'est trop railler de mon martire,
Le dépit m'en doit délivrer;
N'est-on pas bien fou de pleurer
Pour qui n'en fait que rire?
Charite
Guéris-toi, si tu peux,
J'approuve ta colère;
Quand on désespère
Un coeur amoureux;
C'est par un dépit heureux
Qu'il faut se tirer d'affaire.
Chartie et Arbas ensemble
Quand on désespère
un coeur amoureux;
C'est pas un dépit heureux
Qu'il faut se tirer d'affaire.
Arbas
Mais la nourrice vient, il me faut éloigner.
Charite
Tu sais que tu lui plais, la veux-tu dédaigner?
C'est une conquête assez belle.
Arbas
Si je lui plais, tant pis pour elle.
Scène 2
La nourrice, Arbas, Charite
La Nourrice
Quoi! dès que je parois, tu fuis au même instant?
Lorsqu'on a des amis, est-ce ainsi qu'on les quitte?
Arbas
Le temps presse, et Cadmus m'attends.
La Nourrice
Quand tu parlois seul à Charite,
Le temps ne te pressoit pas tant:
Quel charme a-t-elle qui t'attire?
Qu'ai-je qui te fait en aller?
Arbas
J'avois à lui parler,
Je n'ai rien à te dire.
Je dois suivre Cadmus, nous partons de ce lieu.
La Nourrice
Me dire adieu, du moins, est une bienséance
Dont rien ne te dispense.
Arbas
Je te dis donc adieu.
Scène 3
La Nourrice, Charite
La Nourrice
Il me quitte, l'ingrat, il me fuit, l'infidèle!
Ne crains pas que te rappelle!
Va, cours, je te laisse partir:
Va, je n'ai plus pour toi qu'une haine mortelle:
Puisses-tu rencontrer la mort la plus cruelle,
Puisse le dragon t'engloutir.
Charite
Crois-moi, modère
L'éclat de ta colère;
Un dépit qui fait tant de bruit
Fait trop d'honneur à qui nous fuit.
La Nourrice
Ah! vraiment je vous trouve bonne?
est-ce à vous, peite Mignonne,
De reprendre ce que je dis?
Attendez l'âge
Où l'on est sage,
Pour donner des avis.
Charite
Je suis jeune, je le confesse,
trouves-tu ce défaut si digne de mérpis?
N'a-t-on point de bons sens qu'en perdant la jeunesse?
Il seroit bien cher à ce prix.
La Nourrice
Le temps doit mûrir les esprits,
Et c'est le fruit de la vieillesse.
Charite
il n'est pas sûr que la sagesse
Suive toujours les cheveux gris.
La Nourrice
Je souffre peu que l'on me blesse:
Par des discours piquants
Prétends-tu m'insulter sans cesse?
Charite
Je respecte trop tes vieux ans.
Mais Cadmus, et la Princesse,
Viennent dans ces lieux;
Ne troublons pas leurs adieux.
Scène 4
Cadmus, Hermione
cadmus
Je vais partir, belle Hermione,
Je vais exécuter ce que l'Amour m'ordonne,
Malgré le péril qui m'attend:
Je veux vous délivrer, ou me perdre moi-même;
Je vous vois, je vous dit enfin que je vous aime,
C'est assez pour mourir content.
Hermione
Pourquoi vouloir chercher une mort trop certaine?
Eh! que peut la valeur humaine
Contre le dieu Mars en courroux?
Voyez en quels périls vostre Amour nous entraîne!
J'aurois mieux aimer vostre haine:
Ah! Cadmus; pourquoi m'aimez-vous?
Cadmus
Vous m'aimez, il suffit, ne soyez point en peine?
Mon destin, tel qu'il soit ne peut être que doux.
Hermione
Vivons pour nous aimer, et cesser de poursuivre
Le funeste dessein que vous avez formé:
il doit être bien doux de vivre,
Lorsqu'on aime, et qu'on est aimé.
Cadmus
Sous une injuste loi je vous voie asservie,
Seroit-ce vous aimre que le pouvoir souffrir?
Lorsque pour ce qu'on aime on s'expose à périr,
La plus affreuse mort a de quoi faire envie.
Hermione
Mais vous ne songez pas qu'il y va de la vie:
Faut-il que pour mes jours vous soyez sans effroi:
Je vivrais sous l'injuste loi
où mon cruel destin me livre.
Mais si vous périssez pour moi,
Je ne pourrai pas vous suivre.
Cadmus
J'ai besoin de secours, voulez-vous m'accabler?
Ah! Princesse, est-il temps de me faire trembler?
Hermione
Soyez sensible à mes alarmes!
Cadmus
Je ne sens que trop vos douleurs.
Hermione
Partirez-vous malgré mes pleurs?
Cadmus
Il faut aller tarir la source de vos larmes.
Hermione
Quoi, vous m'allez quitter?
Cadmus
Je vais vous secourir.
Hermione
Ah! vous allez périr!
Vous cherchez une mort horrible;
mon amour me dit trop que vous perdez le jour.
cadmus
L'Amour que j'ai pour vous ne croit rien d'impossible:
Il me flatte en partant d'un bienheureux retour.
Hermione et Cadmus (ensemble)
Croyez en mon amour,
Vous n'écoutez point ma tendresse,
Rien ne vous retient?
Cadmus
Le temps presse.
Ensemble
Au nom des plus beaux noeuds que l'Amour ait formés,
Vivez, si vous m'aimez.
Cadmus
Espérons.
Hermione
tout me désespère.
Que je me veux de mal d'avoir trop sçû vous plaire!
Ensemble
Qu'un tendre amour coûte d'ennuis!
Hermione
Vous fuyez?
Cadmus
Il le faut.
Hermione
Demeurez?
Cadmus
Je ne puis,
Je m'affaiblis plus je diffère;
Il faut m'arracher de ce lieu.
Hermione
Ah! Cadmus!
Cadmus et Hermione (ensemble)
Adieu.
Scène 5
Hermione
Amour, vois quels maux tu nous fais,
Où sont les biens que tu promets;
N'as-tu point pitié de nos peines?
Tes rigueurs les plus inhumaines
Seront-elles toujours pour les plus te,dres coeurs?
pour qui, cruel Amour, gardes-tu tes douceurs?
Scène 6
L'Amour, Hermione
L'Amour (sur un nuage)
Calme tes déplaisirs, dissipe tes alarmes,
L'Amour vient essuyer tes larmes,
Il n'abandonne pas ceux qui suivent ses loix.
Souviens-toi que tout m'est possible:
Que rien à mon abord ne demeure insensible,
Que pour la divertir tout s'anime à ma voix.
Des statues d'or sont animées par l'Amour et sautent de
leur pié-d'estaux pour danser.
L'Amour
Cessez de vous plaindre
Amants, vous devez ne rien craindre,
Si vous souffrez, vostre prix est charmant.
Après des rigueurs inhumaines
On aime sans peines
On rit des jaloux;
Un bien plein de charmes
Qui coûte des larmes,
En devient plus doux.
Tout doit rendre hommage
A l'Empire amoureux;
Il faut tôt ou tard qu'on s'engage,
Sans rien aimer on ne peut être heureux,
Après des rigueurs inhumaines, etc...
L'amour reprend sa place sur le nuage qui l'a apporté. Les statues
se remettent sur leurs Pié-d'estaux, tandis que dix petits amours
d'or, qui tiennent des corbeilles pleines de fleurs, sont à leur tour
animés par l'Amour, et viennent par son ordre jeter des fleurs en
volant autour d'Hermione.
L'Amour
Amours, venez semer mille fleurs sous ses pas.
Hermione
Laissez-moi ma douleur, j'y trouve des appas.
Dans l'horreur d'un péril extrême,
Est-ce là le secours que l'on me doit offrir?
Peut-être ce que j'aime
Est tout prêt de périr.
L'Amour s'envole au milieu des dix Amours.
Je vais le secourir.
Arbas, Charite.
Le théâtre change, et représente un Palais.
Arbas
Il est trop vrai, Cadmus veut entreprendre
De remettre Hermione en pleine liberté:
Il l'a dit au tiran, et je viens de l'entendre!
Charité
Et que dit le géant? n'est-il point irrité?
Arbas
il rit de sa témérité,
Mon maître doit voir la Princesse
Avant d'attaquer le dragon furieux
qui veille pour garder ces lieux;
Et l'Amour qui pour toi me presse
Veut que je vienne aussi te faire mes adieux.
En te voyant, belle Charite,
J'avois cru que l'Amour fût un plaisir charmant;
Mais lors qu'il faut que je te quitte,
J'éprouve qu'il n'est point un plus cruel tourment.
La douleur me saisit, je ne puis plus rien dire;
Quand je pleure, quand je soupire,
Tu ris, et rien n'émeut ton coeur indifférent?
Charite
Tu fais la grimace en pleurant,
Je ne puis m'empêcher de rire.
Arbas
La pitié, tout au moins, devroit bien t'engager
A prendre quelque part à mes ennuis extrêmes.
Charite
S'il est bien vrai que tu m'aimes,
Pourquoi veux-tu m'affliger?
Arbas
Pour soulager mon coeur du chagrin qui le presse,
Te coûteroit-il tant de l'affliger un peu?
Charite
C'est un poison que la tristesse,
L'Amour n'est plus plaisant dès qu'il n'est plus un jeu.
Arbas
On console un Amant des rigueurs de l'absence
Par des tendres adieux.
Charite
Quand il faut se quitter, un peu d'indifférence
Console encore mieux.
Arbas
Tu me l'avois bien dit, qu'il étoit impossible
Que ton barbare coeur perdit sa dureté.
Charite
Au moins si tu te plains de me voir insensible,
Tu dois être content de ma sincérité;
Puisqu'enfin pour te satisfaire
Je ne puis pleurer avec toi;
Si tu voulois me plaire
Tu rirois avec moi.
Arbas
C'est trop railler de mon martire,
Le dépit m'en doit délivrer;
N'est-on pas bien fou de pleurer
Pour qui n'en fait que rire?
Charite
Guéris-toi, si tu peux,
J'approuve ta colère;
Quand on désespère
Un coeur amoureux;
C'est par un dépit heureux
Qu'il faut se tirer d'affaire.
Chartie et Arbas ensemble
Quand on désespère
un coeur amoureux;
C'est pas un dépit heureux
Qu'il faut se tirer d'affaire.
Arbas
Mais la nourrice vient, il me faut éloigner.
Charite
Tu sais que tu lui plais, la veux-tu dédaigner?
C'est une conquête assez belle.
Arbas
Si je lui plais, tant pis pour elle.
Scène 2
La nourrice, Arbas, Charite
La Nourrice
Quoi! dès que je parois, tu fuis au même instant?
Lorsqu'on a des amis, est-ce ainsi qu'on les quitte?
Arbas
Le temps presse, et Cadmus m'attends.
La Nourrice
Quand tu parlois seul à Charite,
Le temps ne te pressoit pas tant:
Quel charme a-t-elle qui t'attire?
Qu'ai-je qui te fait en aller?
Arbas
J'avois à lui parler,
Je n'ai rien à te dire.
Je dois suivre Cadmus, nous partons de ce lieu.
La Nourrice
Me dire adieu, du moins, est une bienséance
Dont rien ne te dispense.
Arbas
Je te dis donc adieu.
Scène 3
La Nourrice, Charite
La Nourrice
Il me quitte, l'ingrat, il me fuit, l'infidèle!
Ne crains pas que te rappelle!
Va, cours, je te laisse partir:
Va, je n'ai plus pour toi qu'une haine mortelle:
Puisses-tu rencontrer la mort la plus cruelle,
Puisse le dragon t'engloutir.
Charite
Crois-moi, modère
L'éclat de ta colère;
Un dépit qui fait tant de bruit
Fait trop d'honneur à qui nous fuit.
La Nourrice
Ah! vraiment je vous trouve bonne?
est-ce à vous, peite Mignonne,
De reprendre ce que je dis?
Attendez l'âge
Où l'on est sage,
Pour donner des avis.
Charite
Je suis jeune, je le confesse,
trouves-tu ce défaut si digne de mérpis?
N'a-t-on point de bons sens qu'en perdant la jeunesse?
Il seroit bien cher à ce prix.
La Nourrice
Le temps doit mûrir les esprits,
Et c'est le fruit de la vieillesse.
Charite
il n'est pas sûr que la sagesse
Suive toujours les cheveux gris.
La Nourrice
Je souffre peu que l'on me blesse:
Par des discours piquants
Prétends-tu m'insulter sans cesse?
Charite
Je respecte trop tes vieux ans.
Mais Cadmus, et la Princesse,
Viennent dans ces lieux;
Ne troublons pas leurs adieux.
Scène 4
Cadmus, Hermione
cadmus
Je vais partir, belle Hermione,
Je vais exécuter ce que l'Amour m'ordonne,
Malgré le péril qui m'attend:
Je veux vous délivrer, ou me perdre moi-même;
Je vous vois, je vous dit enfin que je vous aime,
C'est assez pour mourir content.
Hermione
Pourquoi vouloir chercher une mort trop certaine?
Eh! que peut la valeur humaine
Contre le dieu Mars en courroux?
Voyez en quels périls vostre Amour nous entraîne!
J'aurois mieux aimer vostre haine:
Ah! Cadmus; pourquoi m'aimez-vous?
Cadmus
Vous m'aimez, il suffit, ne soyez point en peine?
Mon destin, tel qu'il soit ne peut être que doux.
Hermione
Vivons pour nous aimer, et cesser de poursuivre
Le funeste dessein que vous avez formé:
il doit être bien doux de vivre,
Lorsqu'on aime, et qu'on est aimé.
Cadmus
Sous une injuste loi je vous voie asservie,
Seroit-ce vous aimre que le pouvoir souffrir?
Lorsque pour ce qu'on aime on s'expose à périr,
La plus affreuse mort a de quoi faire envie.
Hermione
Mais vous ne songez pas qu'il y va de la vie:
Faut-il que pour mes jours vous soyez sans effroi:
Je vivrais sous l'injuste loi
où mon cruel destin me livre.
Mais si vous périssez pour moi,
Je ne pourrai pas vous suivre.
Cadmus
J'ai besoin de secours, voulez-vous m'accabler?
Ah! Princesse, est-il temps de me faire trembler?
Hermione
Soyez sensible à mes alarmes!
Cadmus
Je ne sens que trop vos douleurs.
Hermione
Partirez-vous malgré mes pleurs?
Cadmus
Il faut aller tarir la source de vos larmes.
Hermione
Quoi, vous m'allez quitter?
Cadmus
Je vais vous secourir.
Hermione
Ah! vous allez périr!
Vous cherchez une mort horrible;
mon amour me dit trop que vous perdez le jour.
cadmus
L'Amour que j'ai pour vous ne croit rien d'impossible:
Il me flatte en partant d'un bienheureux retour.
Hermione et Cadmus (ensemble)
Croyez en mon amour,
Vous n'écoutez point ma tendresse,
Rien ne vous retient?
Cadmus
Le temps presse.
Ensemble
Au nom des plus beaux noeuds que l'Amour ait formés,
Vivez, si vous m'aimez.
Cadmus
Espérons.
Hermione
tout me désespère.
Que je me veux de mal d'avoir trop sçû vous plaire!
Ensemble
Qu'un tendre amour coûte d'ennuis!
Hermione
Vous fuyez?
Cadmus
Il le faut.
Hermione
Demeurez?
Cadmus
Je ne puis,
Je m'affaiblis plus je diffère;
Il faut m'arracher de ce lieu.
Hermione
Ah! Cadmus!
Cadmus et Hermione (ensemble)
Adieu.
Scène 5
Hermione
Amour, vois quels maux tu nous fais,
Où sont les biens que tu promets;
N'as-tu point pitié de nos peines?
Tes rigueurs les plus inhumaines
Seront-elles toujours pour les plus te,dres coeurs?
pour qui, cruel Amour, gardes-tu tes douceurs?
Scène 6
L'Amour, Hermione
L'Amour (sur un nuage)
Calme tes déplaisirs, dissipe tes alarmes,
L'Amour vient essuyer tes larmes,
Il n'abandonne pas ceux qui suivent ses loix.
Souviens-toi que tout m'est possible:
Que rien à mon abord ne demeure insensible,
Que pour la divertir tout s'anime à ma voix.
Des statues d'or sont animées par l'Amour et sautent de
leur pié-d'estaux pour danser.
L'Amour
Cessez de vous plaindre
Amants, vous devez ne rien craindre,
Si vous souffrez, vostre prix est charmant.
Après des rigueurs inhumaines
On aime sans peines
On rit des jaloux;
Un bien plein de charmes
Qui coûte des larmes,
En devient plus doux.
Tout doit rendre hommage
A l'Empire amoureux;
Il faut tôt ou tard qu'on s'engage,
Sans rien aimer on ne peut être heureux,
Après des rigueurs inhumaines, etc...
L'amour reprend sa place sur le nuage qui l'a apporté. Les statues
se remettent sur leurs Pié-d'estaux, tandis que dix petits amours
d'or, qui tiennent des corbeilles pleines de fleurs, sont à leur tour
animés par l'Amour, et viennent par son ordre jeter des fleurs en
volant autour d'Hermione.
L'Amour
Amours, venez semer mille fleurs sous ses pas.
Hermione
Laissez-moi ma douleur, j'y trouve des appas.
Dans l'horreur d'un péril extrême,
Est-ce là le secours que l'on me doit offrir?
Peut-être ce que j'aime
Est tout prêt de périr.
L'Amour s'envole au milieu des dix Amours.
Je vais le secourir.
Cadmus et Hermione, Acte V
Scène 1
Le théâtre change, et représente le Palais que Pallas a préparé pour
les noces de Cadmus et d'Hermione.
Cadmus (seul)
Belle Hermione, hélas, puis-je être heureux sans vous?
Que sert dans ce palais la pompe qu'on prépare?
Tout espoir est perdu pour nous?
Le bonheur d'un Amour si fièdle et si rare,
Jusques entre les Dieux a trouvé des jaloux.
Belle Hermione, hélas, puis-je être heureux sans vous?
Nous nous étions flattés que notre sort barbare
Avoit épuisé son courroux:
Quelle rigueur quand on sépare
Deux coeurs prêts d'être unis par des Liens si doux?
Belle Hermione, hélas, puis-je être heureux sans vous.
Scène 2
Pallas, Cadmus
Pallas (sur un nuage)
Tes voeux vont être satisfaits;
Jupiter et Junon ont fini leur querelle,
L'Amour lui-même a fait leur paix,
Ton Hermione enfin descend dans ce palais,
Des Dieux s'avancent avec elle;
Le Ciel veut que ce jour soit célébré à jamais.
Scène 3
Les cieux s'ouvrent, et tous les dieux paroissent et s'avancent pour
accompagner Hermione qui descen dans un trône à côté de Hyménée, qui
donne la place à Cadmus, et se met au milieu des deux époux.
La suite de cadmus et celle d'Hermione viennent prendre part à la
réjouissance des dieux, et Jupiter commence à inviter les Cieux et
la Terre à contribuer au bonheur de ces deux Amants.
Jupiter
Que ce qui suit les Loix du Maître du tonnerre
Que les Cieux et la Terre
S'accordent pour combler vos voeux.
Après un sort si rigoureux,
Après tant de peines cruelles,
Amants fidèles,
Vivez heureux.
Tous les choeurs (répondent)
Après un sort si rigoureux,
Après tant de peines cruelles,
Amants fidèles,
Vivez heureux.
L'Hymen
L'Hymen veut vous offrir ses chaines les plus belles.
Junon
Junon en veut former les noeuds.
Les Choeurs
Amants fidèles,
Vivez Heureux.
Vénus
Vénus vous donnera des douceurs éternelles.
MArs
J'écarterai de vous les fatales querelles,
Et les ennemis dangereux.
Les Choeurs
Amants fidèles,
Vivez Heureux.
Pallas
Attendez de Pallas mille faveurs nouvelles.
L'Amour
L'amour conservera toujours de si beaux feux.
Les Choeurs
Après un sort si rigoureux,
Après tant de peines cruelles,
Amants fidèles,
Vivez Heureux.
Juîter
Hymen, prend soin ici des Danses et des Jeux.
Les Choeurs
Amants fidèles,
Vivez Heureux.
L'Hymen
Venez, Dieu des festins, aimables jeux, venez
Comblez de vos douceurs ces époux fortunés
Tandis que tout le ciel prépare
Les dons qu'il leur a destinés,
La terre y doit méler ce qu'elle a de plus rare.
Venez, Dieu des festins, aimables jeux, venez
Comblez de vos douceurs ces époux fortunés.
Quatre Hamadriades sortent de la terre avec des corbeilles pleines
de fruit.
Arbas et la Nourrice (ensemble)
Serons-nous dans le silence
Quand on rit, et quand on danse:
Les chagrins ont eu leur temps,
Pour jamais le ciel les chasse,
Les plaisirs ont pris leur place;
Lorsque deux coeurs sont constants
Tôt ou tard ils sont contents.
Qu'il est doux quand on soupire,
De sortir d'un long martyre:
Les chagrins ont eu leur temps,
Pour jamais le Ciel les chasse,
Les plaisirs ont pris leur place;
Lorsque deux coeurs sont constants
Tôt ou tard ils sont contents.
Des Amours font descendre du Ciel sous un espèce de petit pavillon,
les présents des Dieux, attachés à des chaînes galantes.
Les hamadriades et les suivants de Comus les portent aux deux époux,
et forment une danse, où Charite même une chanson.
Charite
Amants, aimez vos chaînes,
Vos soins et vos soupirs;
L'Amour suivant vos peines,
Mesure vos plaisirs;
Il cause des alarmes,
Il vend bien cher ses charmes;
Mais pour un si grand bien
Tous les maux ne sont rien.
Sans une aimable flamme
La vie est sans appas;
Qui peut toucher une âme
Qu'Amour ne touche pas?
Il cause des alarmes,
Il vend bien cher ses charmes;
Mais pour un si grand bien
Tous les maux ne sont rien.
Tous les Dieux du Ciel et de la Terre recommencent à chanter:
les Hamadriades et les suivants de Comus continuent à danser;
et ce mélangé de chants et de danses forme une réjouissance générale,
qui achève la fête des noces de Cadmus et Hermione.
Tous les choeurs
Après un sort si rigoureux,
Après tant de peines cruelles,
Amants fidèles,
Vivez heureux.
Le théâtre change, et représente le Palais que Pallas a préparé pour
les noces de Cadmus et d'Hermione.
Cadmus (seul)
Belle Hermione, hélas, puis-je être heureux sans vous?
Que sert dans ce palais la pompe qu'on prépare?
Tout espoir est perdu pour nous?
Le bonheur d'un Amour si fièdle et si rare,
Jusques entre les Dieux a trouvé des jaloux.
Belle Hermione, hélas, puis-je être heureux sans vous?
Nous nous étions flattés que notre sort barbare
Avoit épuisé son courroux:
Quelle rigueur quand on sépare
Deux coeurs prêts d'être unis par des Liens si doux?
Belle Hermione, hélas, puis-je être heureux sans vous.
Scène 2
Pallas, Cadmus
Pallas (sur un nuage)
Tes voeux vont être satisfaits;
Jupiter et Junon ont fini leur querelle,
L'Amour lui-même a fait leur paix,
Ton Hermione enfin descend dans ce palais,
Des Dieux s'avancent avec elle;
Le Ciel veut que ce jour soit célébré à jamais.
Scène 3
Les cieux s'ouvrent, et tous les dieux paroissent et s'avancent pour
accompagner Hermione qui descen dans un trône à côté de Hyménée, qui
donne la place à Cadmus, et se met au milieu des deux époux.
La suite de cadmus et celle d'Hermione viennent prendre part à la
réjouissance des dieux, et Jupiter commence à inviter les Cieux et
la Terre à contribuer au bonheur de ces deux Amants.
Jupiter
Que ce qui suit les Loix du Maître du tonnerre
Que les Cieux et la Terre
S'accordent pour combler vos voeux.
Après un sort si rigoureux,
Après tant de peines cruelles,
Amants fidèles,
Vivez heureux.
Tous les choeurs (répondent)
Après un sort si rigoureux,
Après tant de peines cruelles,
Amants fidèles,
Vivez heureux.
L'Hymen
L'Hymen veut vous offrir ses chaines les plus belles.
Junon
Junon en veut former les noeuds.
Les Choeurs
Amants fidèles,
Vivez Heureux.
Vénus
Vénus vous donnera des douceurs éternelles.
MArs
J'écarterai de vous les fatales querelles,
Et les ennemis dangereux.
Les Choeurs
Amants fidèles,
Vivez Heureux.
Pallas
Attendez de Pallas mille faveurs nouvelles.
L'Amour
L'amour conservera toujours de si beaux feux.
Les Choeurs
Après un sort si rigoureux,
Après tant de peines cruelles,
Amants fidèles,
Vivez Heureux.
Juîter
Hymen, prend soin ici des Danses et des Jeux.
Les Choeurs
Amants fidèles,
Vivez Heureux.
L'Hymen
Venez, Dieu des festins, aimables jeux, venez
Comblez de vos douceurs ces époux fortunés
Tandis que tout le ciel prépare
Les dons qu'il leur a destinés,
La terre y doit méler ce qu'elle a de plus rare.
Venez, Dieu des festins, aimables jeux, venez
Comblez de vos douceurs ces époux fortunés.
Quatre Hamadriades sortent de la terre avec des corbeilles pleines
de fruit.
Arbas et la Nourrice (ensemble)
Serons-nous dans le silence
Quand on rit, et quand on danse:
Les chagrins ont eu leur temps,
Pour jamais le ciel les chasse,
Les plaisirs ont pris leur place;
Lorsque deux coeurs sont constants
Tôt ou tard ils sont contents.
Qu'il est doux quand on soupire,
De sortir d'un long martyre:
Les chagrins ont eu leur temps,
Pour jamais le Ciel les chasse,
Les plaisirs ont pris leur place;
Lorsque deux coeurs sont constants
Tôt ou tard ils sont contents.
Des Amours font descendre du Ciel sous un espèce de petit pavillon,
les présents des Dieux, attachés à des chaînes galantes.
Les hamadriades et les suivants de Comus les portent aux deux époux,
et forment une danse, où Charite même une chanson.
Charite
Amants, aimez vos chaînes,
Vos soins et vos soupirs;
L'Amour suivant vos peines,
Mesure vos plaisirs;
Il cause des alarmes,
Il vend bien cher ses charmes;
Mais pour un si grand bien
Tous les maux ne sont rien.
Sans une aimable flamme
La vie est sans appas;
Qui peut toucher une âme
Qu'Amour ne touche pas?
Il cause des alarmes,
Il vend bien cher ses charmes;
Mais pour un si grand bien
Tous les maux ne sont rien.
Tous les Dieux du Ciel et de la Terre recommencent à chanter:
les Hamadriades et les suivants de Comus continuent à danser;
et ce mélangé de chants et de danses forme une réjouissance générale,
qui achève la fête des noces de Cadmus et Hermione.
Tous les choeurs
Après un sort si rigoureux,
Après tant de peines cruelles,
Amants fidèles,
Vivez heureux.
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