vendredi 26 février 2010

Pierrot le fou

Maurice Seveno : Aujourd'hui, il y a le film de Jean-Luc Godard qui vient d'être présenté «Pierrot le fou». D'abord, Jean-Luc, est-ce que «Pierrot le fou», c'est l'histoire du fait divers, c'est l'histoire du gangster ?

Jean-Luc Godard : Ah de Pierre Latreille, non, non, absolument pas, non, non ! C'est l'histoire d'un type... Il s'appelle même pas Pierrot, il s'appelle Ferdinand, du reste et c'est... C'est la fille dont il est amoureux qui l'appelle Pierrot pour l'énerver et lui répète sans arrêt : je m'appelle Ferdinand. Et puis elle lui dit, tu es fou, enfin, c'est un surnom.

Maurice Seveno : Vous faites parler Elie Faure par sa voix, à quoi ça correspond ? L'histoire de l'art, paraît-il.

Jean-Luc Godard : Ah au début, il lit, il lit un truc d'histoire de l'art, je trouve, qui correspond assez à... au monde qui commence... enfin plus, c'est un film sur la peinture, enfin pas sur la peinture mais qui est... qui est je crois... enfin un film... qui ressemble, qui est plus un tableau, enfin qui est plus un paysage comme en font les peintres, ou un portrait, à la fois un paysage et un portrait. Alors au début, je pense, mon propos était le même qu'un peintre. Il s'est trouvé que c'était un immense peintre, Vélasquez... et la comparaison est un peu haute mais qui me semblait bien.

Maurice Seveno : Jean-Luc Godard, êtes-vous un provocateur ? Entendons-nous bien, ce n'est pas injurieux ! Ce qu'on peut vouloir aussi...

Jean-Luc Godard : Ah bah si, provocateur, c'est pas...

Maurice Seveno : Non, on peut vouloir aussi bien provoquer l'admiration, l'étonnement que... la colère.

Jean-Luc Godard : Ah pas dans ce sens là, non, provoquer un évènement, c'est simple, ça... provocateur au sens policier du mot, disons.

Maurice Seveno : Oui, c'est ça oui. Enfin, je veux dire, vous aimez bien étonner, par exemple.

Jean-Luc Godard : Bah non, bah il se trouve que... si les gens sont endormis et qu'il y a des choses qui font du bruit, bah, ça les réveille s'ils étaient endormis, s'ils sont éveillés déjà, ça les réveille pas du tout.

Maurice Seveno : Anna, parlez-nous d'abord de votre rôle dans «Pierrot le fou».

Anna Karina : C'est un... c'est un personnage assez extraordinaire, dans le sens que c'est une fille, qui est beaucoup de choses à la fois. Elle est méchante, elle est vicieuse, elle est romantique, elle est sentimentale... elle tue dans le film et tout de suite après, elle vit une vie comme ça spontanée.

Maurice Seveno : Vous savez que vous êtes en... très souvent l'agent d'un destin signé Godard.

Anna Karina : Oui mais là je crois que c'est un personnage qui est tous les rôles que j'ai fait, c'est-à-dire, c'est à la fois «Une femme est une femme», «Vivre sa vie», «Le petit soldat»... «Bande à part», c'est un peu tout ça.

Maurice Seveno : Est-ce que vous ne pensez pas que vous êtes la... la femme fatale 1965, finalement ?

Anna Karina : Moi ! Non, je vous crois pas ! Non, je crois pas dans le sens que, ce que j'aime faire c'est, j'aime changer de tout... J'aime... j'aime vivre, faire n'importe quoi alors, je crois pas que ce soit tellement fatal. Je crois pas que j'ai une tête à ça, d'ailleurs.

Maurice Seveno : On sait jamais.

Anna Karina : Peut-être... mais j'aimerais beaucoup.


Jean Luc Godard évoque Pierrot le fou au festival de Venise 1965, Entretien télévisé qu"on peut regarder ici et en lire transcript .