Quand j'avais 15 ans, en dessous du bureau de mon père, il y avait une boutique qui vendait des caméras. J'ai dépensé tout mon argent de boulot d'été pour en acheter une. C'était en 1967. Et, en même temps, j'ai découvert le catalogue d'une rétrospective de cinéma expérimental. On y décrivait longuement les films d'Andy Warhol, Stan Brakhage, Jonas Mekas... C'était des films difficiles à voir, et mon apprentissage du cinéma s'est fait en lisant les fantastiques descriptions de ces films plutôt qu'en les voyant. Je n'ai jamais autant aimé ces films qu'en lisant leur compte rendu. Je comprenais qu'ils étaient neufs, révolutionnaires et qu'ils correspondaient exactement à ce que j'attendais du cinéma.
Entre 1980 et 1986, je faisais des petits films de deux minutes et demie - le temps d'une bobine. Ils constituaient une sorte de journal. J'ai arrêté avant la préparation de Drugstore Cowboy, parce que je m'orientais vers un autre type de cinéma. Dans ces films, en général, on me voit dans le champ, en train de parler à la caméra. Je racontais une histoire et ce qui se passait en arrière-plan faisait partie de l'histoire. Je n'ai vu que beaucoup plus tard les films de Jonas Mekas. Ils sont beaucoup plus abstraits. Bien sûr, il fait aussi des home-movies, mais il les casse, les détruit. Moi, je peux simplement filmer mon chat.
Propos recueillis par Jean-Marc Lalanne en mars 2006 pour les inrocuptibles.