On n'imagine pas du tout que le personnage de Jeune fille devienne deux ans plus tard la jeune maoïste de La Chinoise et que cinq ans plus tard elle soit l'égérie du groupe Dziga Vertov dans des films appelant à la lutte armée...Comment s'est passée cette métamorphose en incarnation du gauchisme ?
C'est complètement malgré moi. Le groupe Dziga Vertov ne m'a jamais plu. C'était terriblement compliqué parce qu'à ce moment-là Jean-Luc et moi nous séparions. Je crois maintenant que Jean-Pierre Gorin (cinéaste qui cosigne tous les Godard de 1968 à 1972 et fonde avec lui le collectif révolutionnaire Dziga Vertov - ndlr) n'a pas arrangé les choses. Par ailleurs, c'était impossible d'avoir 20 ans en1968 et de ne pas épouser le mouvement. A Nanterre, en 1967, je me suis liée d'amitié avec Daniel Cohn-Bendit. On hurlait ensemble : "Solidarité des rouquins !" (rires). Il était très drôle. Mais j'ai quitté la fac pour le cinéma sans passer mes examens, ce qui m'a coupée du mouvement étudiant. Moi, je tournais La Chinoise, et du coup les spectateurs pensaient que ce personnage était moi. Juliet (Berto) et moi ne comprenions pas la moitié de ce que nous disions. Jean-Pierre (Léaud) se donnait plus de mal, se plongeait avec beaucoup de sérieux dans la lecture de Marx.
Anne Wiazemsky, entretien avec Fabrice Gabriel et Jean-Marc Lalanne pubié par Les inrockuptibles le 30 janvier 2007 trouvé ici.