Le cinéma est aussi une machine à désirer au sens le plus sensuel du mot. Un désir de désir. La scène du strip-tease de la belle métisse entourée de ses boys, dans la boîte de nuit où les Pontano commencent la soirée, est emblématique, de ce point de vue. Mais le désir peut être plus chaste, il peut tenir à ce simple privilège que nous donne le gros plan d'entrer dans la proximité et l'aura - et l'haleine, dirait-on - d'un visage. Warhol justifiait les longs gros plans de certains de ses films par la frustration où cet amateur de films hollywoodiens disait avoir souvent été de ne pouvoir contempler à loisir les traits de ses stars favorites : des projectionnistes, disait-il, amputent même à cet effet les copies des films pour en garder, comme autant d'icônes, les photogrammes les plus désirables. C'est pour éviter un si cruel expédient et permettre à chacun de se livrer tout son saoul à ce fétichisme filmique que l'albinos disait avoir fait ses 13 Most Beautiful Women ou 13 Most Beautiful Boys. Il y a là une des vérités du cinéma -en même temps qu'un de ses non-dits les plus constants.
Dominique Noguez