mercredi 2 janvier 2008

Unsere Afrikareise

Autrement dit, même si Unsere Afrikareise, par la vulgarité naturelle des personnages filmés, par leurs postures néo-coloniales et déprédatrices, par la ruse aussi qui lui donna naissance (le détournement, on l'a vu, d'un reportage de commande sur un safari), est un film violemment ironique, la dénonciation politique n'est pas son propos premier : elle ne préexiste pas au travail formel, elle en découle - comme dans les romans de Flaubert, dont Sartre oubliait un peu trop vite, dans Situations 1, le caractère politiquement subversif, sous prétexte qu'il n'apparaît pas au niveau du "signifié". La pratique de Kubelka, qui relève de l'artisanat patient et désintéressé, détonne d'ailleurs dans un monde où le cinéma est essentiellement industriel. Comme chez Flaubert aussi, le matériau n'importe pas en lui-même : Yvetot vaut Constantinople, des chasseurs autrichiens valent des playboys hollywoodiens.
C'est le travail sur le signifiant qui importe. Travail de sélection, d'abord, comparable encore à celui de Flaubert dont Sainte-Beuve, je crois, disait qu'il abattait une forêt pour tailler une alumette. Et travail de structuration, ensuite : au niveau micro-structurel, aucune articulation (d'une image avec celle qui précède et celle qui suit, d'un son avec celui qui précède et celui qui suit, d'une image avec le son qui l'accompagne, etc.) n'est laissée au hasard.

Dominique Noguez