Ah ! quelle cruauté de ne pouvoir mourir,
Et d’avoir un coeur tendre & formé pour souffrir !
Cher Adonis que ton sort est funeste,
Et que le mien est digne de pitié !
Vien, Monstre furieux, vien devorer le reste,
Et n’en fay pas à moitié,
Que les traits de la mort auroient pour moy de charmes !
Mais sur mes jours ils n’ont point de pouvoir,
Et ma divinité réduit mon desespoir
A d’éternels soûpirs, à d’éternelles larmes.
Ah ! quelle cruauté, &c.
Vous le voulez, Destins, est-il possible
Que luy mourant je conserve le jour,
Et ne devrois-je pas parestre aussi sensible
A sa mort qu’à son amour ?
Luy qui des Dieux jaloux attira le tonnerre,
Qui m’ayma tant, que je n’aymay pas moins,
Et qui par de si doux, & de si tendres soins
M’osta le goust du Ciel en faveur de la Terre.
Ah ! quelle cruauté, &c
Isaac de Benserade