Jouer dans un film d'horreur nécessite-t-il une préparation spéciale ?
Il est vrai que c'était la première fois que je jouais dans un tel film. Honnêtement, ce qui m'a séduit dans le projet, c'est qu'il s'agissait d'une réalisation du tandem “Suzuki-Nakata”. Je n'ai donc pas réfléchi à une attitude ou à une préparation particulière. J'ai surtout voulu lire le scénario. Là, je suis tombée sur une scène qui m'a beaucoup impressionnée, celle de la mère et de sa fille, vers la fin, mais je ne peux pas en dire plus sans dévoiler l'intrigue. J'étais tellement bouleversée que je me suis dit qu'il fallait absolument que je joue dans ce film.
Le scénario filmé a-t-il été beaucoup modifié par rapport à l'original ?
Oui. Et le scénario définitif est encore plus élaboré et plus passionnant. Mais l'esprit des deux jets reste identique.
Avez-vous eu peur en lisant le script ?
Certaines scènes m'ont d'emblée angoissée. J'ai su qu'elles auraient un grand impact à l'écran. Mais ce qui m'a plu c'est que Dark Water est un film d'épouvante différent. Les relations entre la mère et la fille sont très bien décrites. Le contexte du film, montrant une femme tentant de résister à la dictature patriarcale, est passionnant. Dark Water est un drame individuel et social autant qu'un film d'horreur.
Est-ce différent de jouer dans un film d'horreur par rapport à un long-métrage plus classique ?
Oui, je crois. Il faut être plus à fleur de peau dans un film d'horreur. Les sentiments doivent être plus exprimés. Parfois il faut presque surjouer. Les premiers jours du tournage j'étais dans un registre classique. Hideo Nakata m'a alors dirigée pour que je puisse mieux développer mes émotions. D'autre part, les mouvements de caméra, les angles de prises de vues et la musique sont des éléments essentiels dans un film d'épouvante. Des plans qui ne sont dans d'autres longs-métrages que des plans “d'insert” peuvent ici être prépondérants à cause d'un détail. Il faut également faire attention à sa respiration, caractéristique de la personne effrayée. Il y a beaucoup de nuances à maîtriser quand on joue dans un film d'horreur.
Comment s'est déroulé le tournage ?
J'avais déjà travaillé avec Hideo Nakata, à l'époque où il était assistant–réalisateur. Je le connaissais donc suffisamment pour que nos relations soient amicales. Hideo Nakata possède un talent inhabituel. Il ne regarde pas les scènes à travers le moniteur, mais se place à côté de la caméra pour donner ses indications. Cette attitude est de plus en plus rare. C'est assez impressionnant pour les comédiens, plus habitués à ce que le réalisateur se tienne loin. Hideo Nakata fait très attention aux subtilités dans le jeu des acteurs. C'est rassurant qu'il soit très proche de nous, car on sait que les nuances et les efforts que l'on produit sont remarqués et ne restent pas vain. C'est pour cela que Nakata parvient à tirer le meilleur de ses acteurs.
Il paraît que sur le plateau l'atmosphère était à couper au couteau ?
C'est toujours le cas en studio. Comme on est dans les meilleures conditions de travail, le metteur en scène est exigeant. Cependant, sur Dark Water l'ambiance était plutôt décontractée. Mais la concentration des techniciens et des comédiens était optimale. Je pense que le film en a bénéficié.
Sur quels points avez-vous été la plus attentive ?
Tous. En fait, j'étais très attachée à la résistance de Yoshimi, qui refuse de céder à la puissance de la société patriarcale. Le combat de cette mère pour éduquer sa fille et la conserver auprès d'elle m'a profondément émue. Une réplique en particulier m'a faite pleurer. Quand tout va mal,Yoshimi dit à sa fille : “Pour moi, ca va, puisque nous sommes ensemble”. Dans cette histoire, le plus effrayant, c'est que tout ce qui arrive à cette mère peut véritablement se produire dans la réalité. La peur envahit son quotidien. Il était aussi fondamental que les petits gestes affectueux que Yoshimi échange avec sa fille soient crédibles. J'ai donc beaucoup discuté avec Rio Kanno pour qu'une vraie complicité s'installe entre nous, que nous soyons amies. Après le tournage, j'ai été triste de notre séparation. Je ne peux plus l'appeler “Iku–chan”.
Que retiendrez-vous de cette expérience ?
Que j'aime énormément les films d'Hideo Nakata (rires). J'avais vu Ring. Je savais donc que les films d'épouvante pouvaient aussi servir de trame pour des intrigues complexes. Mais je pense sincèrement que Dark Water est plus fort, plus riche, plus vrai que Ring. Avant, je n'affectionnais pas le genre “films d'horreur”. Maintenant que je sais qu'ils peuvent aussi permettre de raconter de belles histoires d'amour, j'ai envie de parfaire ma culture dans ce domaine.
Entretien pour Diaphana.