dimanche 13 avril 2008

Robert Frank

Pendant son voyage dans les 48 Etats continentaux, Robert Frank rencontrera souvent des situations où la fonction même de photographe est un péril, l'acte de photographier, une course délibérée aux ennuis. C'est ainsi qu'il apprendra à se servir de son appareil d'une seule main, à la hanche. Cette technique de prise de vue apporte plusieurs nouveaux éléments :

L'appareil tenu à la hanche se situe dorénavant bien en dessous du niveau habituel, ayant pour résultat de montrer personnages et décors, d’un point de vue abaissé, ce qui généralement les grandit, effet attendu de la contre-plongée.

Le plus souvent, l'appareil, d'une seule main, est tenu de manière verticale. Cet effet conjugué au précédent donne souvent aux personnages debout, une présence imposante. Fréquemment Robert Frank s'est servi de cet effet de manière très formelle, jouant des effets de silhouettes agrandies pour statufier ses personnages et tout particulièrement ceux situés à l'avant-plan.

Sans visée, le photographe ne peut déterminer avec précision, d'une part, la composition générale de son cadre, d'autre part, les limites de ce dernier.


De cette technique de prise de vue très incontrôlée vont naître de nombreux éléments du vocabulaire plastique de Robert Frank : des compositions à la limite du déséquilibre, des horizons penchés, des sous- ou des surexpositions notoires, des hors-champs audacieux, mais aussi la présence d'images de situations délicates à photographier, enterrements, bars glauques dans le Nouveau Mexique, ou scène de jeu à Las Vegas, Névada. En effet, c'est là que le point de vue des expressionnistes abstraits et celui de Robert Frank diffèrent. Jamais Robert Frank ne se départira du sujet photographié, véritable point de rupture d'avec ses amis peintres. Du même coup, c'est de la génération des écrivains tels Jack Kerouac et Allen Ginsberg qu'il se rapproche, Jack Kerouac donnant au style d'image de Robert Frank le nom de moody picture (image d'humeur). A moody picture succédera bientôt l'appellation de in between (entre deux, ce qui est en marge) pour ce qui caractérise désormais le travail de Robert Frank.

Philippe De Jonckheere

[Le texte de Philippe de Jonckheere sur Robert Frank peut être téléchargé ici.]